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différence. Toutes les théories philosophiques, toutes les doctrines d'impiété, sont venues se fondre et disparoître dans ce système dévorant, véritable tombeau de l'intelligence, où elle descend seule, nue, également abandonnée de la vérité et de l'erreur; sépulcre vide, où l'on n'aperçoit pas même d'osse

ments.

De cette fatale disposition, devenue presque universelle, est résulté, sous le nom de tolérance, un nouveau genre de persécution et d'épreuves, la dernière, sans doute, que le Christianisme doit subir1. En vain une philosophie hypocrite fait retentir au loin les mots séduisants de modération, d'indulgence, de mutuel support et de paix; le miel perfide de ses paroles déguise mal l'amertume des sentiments que son cœur nourrit. Sa haine invétérée contre tout principereligieux, quoi qu'elle fasse, perce à travers ses feintes démonstrations de bienveillance générale et de douceur. Étrange modération en effet, et plus étrange tolérance! On a bien entendu dire que la sagesse quelquefois conseilloit de tolérer momentanément certaines erreurs; mais tolérer la vérité, qu'est ce autre chose qu'une prétention insolente et sacrilége, une séditieuse protestation contre la souveraineté qui lui appartient dans le monde moral, un implicite aveu de l'impuissance où l'on est de la détruire? Qui jamais

Celle qui nous est prédite pour la fin des temps sera, en quelque sorte, une guerre personnelle de l'homme de péché contre Dieu; et l'état vers lequel nous marchons est un des signes auxquels on reconnaîtra cette dernière guerre annoncée par Jésus-Christ. Croyez-vous, quand je viendrai, que je trouve encore de la foi sur la terre? (Luc, xviii. 8.)

ouït parler, avant ce siècle des lumières, de tolérer l'immortalité de l'âme, la vie future, le châtiment du crime et les récompenses de la vertu, de tolérer Dieu! Aussi, à quoi se réduit en réalité cette tolérance? Contemplez l'état de la Religion: on ne la proscrit plus, mais on l'asservit; on n'égorge plus ses ministres, mais on les dégrade pour mieux enchaîner,le ministère. L'avilissement est l'arme avec laquelle on la combat. On lui prodigue le mépris, l'outrageant dédain, et l'injure encore plus amère d'une insultante protection. Quelques pièces de monnoie, que l'avarice qui donne envie à la misère qui reçoit, des honneurs dérisoires, des entraves sans nombre, des lois oppres-sives, des dégoûts perpétuels et des fers voilà les magnifiques largesses dont la plupart des gouverne ments ne se lassent point de la combler. Instruits par une expérience terrible, ils n'osent plus essayer de s'en passer entièrement; mais un sentiment plus fort que la voix de l'expérience les porte à démolir d'une main ce qu'ils édifient de l'autre. L'intérêt même, l'intérêt, d'ordinaire si puissant, n'a pas assez de pouvoir pour les engager à dissimuler l'aversion secrète que leur inspirent les croyances qui sont leur sauvegarde. Convaincue à regret de la nécessité d'unir la terre au ciel et l'homme à son Auteur, la haute politique de nos jours va chercher au fond du sanctuaire l'Étre souverain qu'on y adore; elle le revêt de lambeaux de pourpre, lui met un sceptre de roseau à la main, sur la tête une couronne d'épines, et le montre au peuple en disant : Voilà Dieu!

Doit-on s'étonner que la Religion, ainsi humiliée,

déshonorée, ne recueille que l'indifférence? Après dix-huit cents ans de combats et de triomphes, le Christianisme éprouve enfin le même sort que son fondateur. Cité, pour ainsi dire, à comparoître, non pas devant un proconsul, mais devant le genre humain tout entier, on l'interroge Es-tu roi? Est-il vrai, comme on t'en accuse, que tu prétendes régner sur nous? C'est rous-même qui l'avez,dit, répondit-il; oui, je suis roi : je règne sur les intelligences en les éclairant, sur les cœurs en réglant leurs mouvements et jusqu'à leurs désirs; je règne sur la société par mes bienfaits. Le monde étoit enseveli dans les ténèbres de l'erreur: je suis venu lui apporter la vérité; voilà mon titre quiconque aime la vérité m'écoute. Mais déjà ce mot n'a plus aucun sens pour une raison pervertie; il est nécessaire qu'on le lui explique : Qu'est-ce que la vérité? demande le juge distrait et stupide; et, sans attendre la réponse, il sort, déclare qu'il ne trouve rien de condamnable dans l'accusé, et le livre avec indifférence à la multitude pour en faire son jouet, et bientôt sa victime'.

Ce drame, profond dans sa simplicité comme tout co que renferme l'Évangile, peint mieux que de longs discours cette défaillance morale, cette espèce de mort intellectuelle où tombent les hommes et les peuples, lorsque, cessant d'être trompés par les illusions de l'erreur, ils refusent obstinément de céder à la conviction de la vérité. « Telle est, s'écrioit, il y a « peu d'années, un orateur éloquent, telle est aujour

1 Vid. Joann., c. xvii, v. 37, 38.

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d'hui la grande plaie de l'Eglise, ou, pour nous ser« vir d'une expression des Livres saints, sa plaie désespéréc, desperata est plaga ejus 1. Car que pou<< vons-nous opposer à cet état de choses? Il est pos«sible de résister à la violence et à la force ouverte : « mais qu'opposer à ces armes invisibles qui échap"pent à toute espèce de lutte, l'insouciance et le dé<< dain? et comment chasser l'impiété de ce dernier « poste, où, fatiguée de combats, elle a fini par se « retrancher? Nous connoissons bien le remède aux << maladies du corps; mais le remède à cette maladie épidémique des esprits, qui le trouvera? On peut <«< savoir comment guérir un malade qui désire sa guérison, mais celui qui ne veut pas guérir et ne << sait pas même s'il est malade; mais celui qui, aux « portes de la mort même, a toute la confiance et la « sécurité de la santé, par où le prendre, et qui le « sauvera? Nous savons comment on peut réfuter une <«< erreur ou défendre un dogme? mais quelle réfuta<«<tion reste-t-il donc à faire, ou quelle instruction << reste-t-il à donner, quand le doute prend la place <«< de tout, et que le premier dogme est le mépris de << tous les dogmes? Nous connoissons le frein que l'on « peut mettre au fanatisme religieux, puisqu'on le << trouve dans la Religion même; mais comment ar«rêter le fanatisme philosophique? Où sera donc son « contre-poids, et comment faire entendre raison à <«< des hommes qui n'ont pour règle de toute vérité « que leur propre raison, et qui, comme ces phari

1 Mich., 1, 9.

<< siens follement présomptueux dont il est parlé dans <«< saint Jean, nous disent froidement et dogmatique<«ment: Nous sommes sages, parce que nous sommes «<sages, et nous voyons parce que nous voyons: Quia « videmus1? Enfin nous pouvons arrêter un torrent « dans sa course impétueuse; mais ces eaux bour«beuses et stagnantes d'une corruption raisonnée <«< qui se complaît dans son repos, et ne laisse d'éner«gie que pour l'intrigue et la cupidité, qui les re<< muera? et quel autre que Dieu, par un miracle sin«< gulier de sa miséricorde, peut nous tirer de cette << torpeur indéfinissable qui déconcerte à la fois et les << observations des sages et la sollicitude des pasteurs, <«<et de ce marasme moral contre lequel ne peuvent <«< rien, ni la force de la raison, ni la force du zèle, ni «la force des lois, ni la force des armes1? >>

Incompréhensible stupeur des hommes de notre temps! Plus ils sont frappés, plus ils s'endurcissent; plus la vérité fait d'efforts pour les ramener à elle, plus ils sont indifférents à la vérité. Qu'ils meurent donc, puisqu'ils veulent mourir! Mais ôtons-leur du moins toute excuse; mettons à découvert leur inconséquence et leur déraison; forçons-les de rougir de l'idole à laquelle ils sacrifient tout, vérité, vertu et vie même.

Nous aurons atteint ce but si nous démontrons que l'indifférence en matière de religion, qu'on préconise comme le dernier effort de la raison et le plus pré

Joann., XI, 41.

2 Lettre pastorale de monseigneur l'évêque de Troyes, à l'occasion de son entrée dans son diocèse, page 11.

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