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abjurer sa doctrine, et regretter d'avoir cru? Ah! c'est à ce moment surtout qu'il en connoit le prix, que la vérité consolante brille à ses yeux de tout son éclat. La mort est le dernier trait de lumière qui le vient frapper: lumière si vive, qu'elle rend presque imperceptible le passage de la foi à la claire vision de son objet. L'espérance, agitant son flambeau près de la couche du mourant, lui montre le ciel ouvert où l'amour l'appelle. La croix qu'il tient entre ses mains débiles, qu'il presse sur ses lèvres et sur son cœur, réveillant en foule dans son esprit des souvenirs de miséricorde, le fortifie, l'attendrit, l'anime. Encore un instant, et tout sera consommé; le trépas sera vaincu, et le profond mystère de la délivrance accompli. Une dernière défaillance de la nature annonce que cet instant est venu. La Religion alors élève la voix, comme par un dernier effort de tendresse : « Pars, dit-elle, âme chrétienne; sors de ce « monde au nom du Dieu tout-puissant qui t'a créé; au « nom de Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, qui a souffert << pour toi; au nom de l'Esprit-Saint, dont tu as reçu l'effu<«<sion. Qu'en te séparant du corps, un libre accès te soit «< ouvert à la montagne de Sion, à la cité du Dieu vivant, « à la Jérusalem céleste, à l'innombrable société des anges « et des premiers-nés de l'Église, dont les noms sont écrits « au ciel. Que Dieu se lève et dissipe les puissances de « ténèbres; que tous les esprits de malice fuient, et n'o«sent toucher une brebis rachetée du sang de Jésus-Christ. «Que le Christ, mort pour toi, crucifié pour toi, te délivre

des supplices et de la mort éternelle; que ce bon Pasteur a reconnoisse sa brebis, et la place dans le troupeau de « ses élus. Puisses-tu voir éternellement ton Rédempteur «face à face; puisses-tu, à jamais présente devant la vécrité dégagée de tout voile, la contempler sans fin dans « l'éternelle extase du bonheur ! >>

1 Commendat. animæ.

Au milieu de ses bénédictions, l'âme ravie brise ses entraves*, et và recevoir le prix de sa fidélité et de son amour. Ici l'homme doit se taire sa parole expire avec sa pensée. Non, « l'œil n'a point vu, l'oreille n'a point << entendu, l'esprit ne sauroit comprendre ce que Dieu ré« serve à ceux qui l'aiment 1. » Ce n'est point comme une mer qui ait son flux et son reflux, c'est l'Océan immense qui déborde à la fois sur tous ses rivages. «Source inta<«<rissable de vie et de lumière 2, ô mon Dieu, s'écrie un prophète, je serai rassasié quand votre gloire m'apparoitra. >>

Concluons. Il est très-certain que la philosophie, loin de nous rendre heureux, est incompatible avec le bonheur, parce qu'à la place de la vérité infinie que désire notre intelligence, elle ne lui présente que des erreurs, des incertitudes et des doutes; et qu'à la place du bien infini où notre cœur aspire, elle ne lui offre que des plaisirs fugitifs et trompeurs, incapables de le satisfaire; et enfin parce qu'affranchissant l'homme de tout devoir, elle le constitue dans un état de désordre, et par conséquent l'arrête dans un état de souffrance.

Il n'est pas moins certain que la Religion fait dès ici-bas le bonheur de l'homme, et le conduira, si ses promesses ne sont pas mensongères, à un bonheur encore plus grand, et qui ne finira jamais.

Donc tous les hommes ont un intérêt infini de savoir si la Religion est vraie, doivent désirer ardemment qu'elle soit vraie; et demeurer à cet égard dans l'indifférence,

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Le pieux et savant père Suarez, sur le point d'expirer, disoit : Je n'aurois jamais cru qu'il fût si doux de mourir.

10.

1 Ep. I ad Corinth., cap. 11, 9′′

2 Apud te est fons vitæ, et in lumine tuo videmus lumen. Ps. XXV,

5 Satiabor cum apparuerit gloria tua. Ps. xvi, 15.

c'est prouver seulement, ce qu'enseigne d'ailleurs la Religion, qu'il n'est point de folie si incompréhensible, ni d'excès si criminel et si monstrueux, dont l'homme ne soit capable depuis sa chute.

Vous donc qui, égarés par de funestes doctrines, cherchez encore le bonheur dans les illusions de l'orgueil ou dans les jouissances des sens, souffrez que nous vous adressions ces paroles d'un des plus beaux génies que le Christianisme ait produits : « Où est Dieu, là est la vérité : << il est au fond de votre cœur, mais votre cœur s'est éloi«gné de lui. Rentrez, rentrez en vous-mêmes, Vous y trou« verez, n'en doutez pas, celui qui vous a faits. Où cou« rez-vous à travers ces lieux âpres et désolés? Pourquoi << passer et repasser sans cesse dans ces voies rudes et la<< borieuses? Le repos n'est pas où vous le cherchez Vous << cherchez la vie heureuse; elle n'est pas là: comment la «vie heureuse seroit-elle là où il n'existe pas même de « vie 1?

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Celui qui parle ainsi s'abusa comme vous; comme vous il parcourut longtemps, avec une fatigue incroyable, les sombres labyrinthes d'une philosophie menteuse, et mangea le pain amer de l'erreur, à la sueur de son front. Mais, las d'errer tristement loin de la vérité, loin de Dieu, il revint à lui, et goûta la paix. Imitez son exemple, et vous recueillerez le même fruit. C'étoit après avoir connu les biens de la terre et ceux du ciel, que ces mots touchants s'épanchoient de son cœur : « Qui développera les replis "d'une vaine et fausse sagesse? Qui fouillera jusqu'au fond « de ses entrailles ténébreuses, où se cachent tant de se«crets honteux? Je ne veux pas même y porter mes re« gards. C'est vous, c'est vous seules que je veux, ô jus<«<tice, ô innocence, qu'environne une pure et brillante

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258 ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈRE DE RELIGION.

« lumière, et qui rassasiez complétement nos insatiables « désirs. En vous on trouve un repos profond, une vie << pleine d'un calme immense. Celui qui entre en vous pos«<sède la plénitude de la joie, et se désaltère délicieuse<<ment à la source même du souverain bien. Hélas! dans « les jours de ma jeunesse, glissant sur la pente des plai« sirs, je m'éloignai de vous rapidement, ô vérité immua<«<ble! et aussitôt, errant au hasard, je me devins à moi«< même une région d'indigence et de douleur 1. Quel autre « sort devois-je attendre? Vous nous avez faits pour vous, « ô mon Dieu, et notre cœur est éternellement agité, jus& qu'à ce qu'il se repose en vous 2. »>

1 August. Confess., liv. II, ch. x.

9 Ibid., ch. 1, no 1.

CHAPITRE III

IMPORTANCE DE LA RELIGION, PAR RAPPORT A LA SOCIÉTÉ.

On ne s'attend sûrement pas que je m'arrête à prouver la nécessité politique de la Religion. Une vérité de fait, aussi ancienne que le monde, cesse-t-elle d'être incontestable, parce qu'après six mille ans de consentement unanime, il plaît à quelques insensés d'opposer leurs paradoxes à l'expérience des siècles, et leurs assertions au témoignage du genre humain?« On bâtiroit plutôt une << ville dans les airs, dit le sage Plutarque, que de consti« tuer un État en ôtant la croyance des dieux 1. >> Mais, sans mettre en doute un instant la nécessité des croyances religieuses, on peut chercher la raison de cette nécessité, et c'est ce que je me propose dans ce chapitre, où j'essayerai de montrer que la philosophie, destructive du bonheur de l'homme et de l'homme même, est également destructive du bonheur des peuples et des peuples mêmes ; et que la Religion, qui seule conserve l'homme et le conduit

1 Contra Coloten. Plut. Oper.. pag. 1125.

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