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cieux bienfait de la philosophie, est aussi absurde dans ses principes que funeste dans ses effets. Or nous espérons environner de tant d'évidence ces deux propositions, que ceux mêmes qui conserveroient le triste courage de les nier ne tenteront même pas de les combattre avec l'arme du raisonnement.

Et d'abord rien n'est plus absurde que l'indifférence, parce qu'elle ne peut raisonnablement reposer que sur l'un de ces principes: Que nous n'avons aucun intérêt à nous assurer de la vérité de la Religion, ou qu'il est impossible de découvrir la vérité qu'il nous importe de connoître. Or ces deux principes sont également faux, également absurdes : nous le prouverons, et nous montrerons de plus qu'il existe, pour tous les hommes en général, et pour chaque homme en particulier, un moyen sûr, aisé, infaillible, de se convaincre de la nécessité de la Religion, et de discerner la véritable.

Rien, en second lieu, n'est plus funeste que l'indifférence, parce qu'elle conduit directement à toutes les calamités comme à tous les crimes, parce qu'elle énerve et détruit insensiblement toutes les facultés morales, parce qu'enfin elle est incompatible avec l'ordre et l'existence même de la société.

Et, afin d'ôter à la paresse aussi bien qu'à l'ignorance jusqu'au plus léger prétexte de se tranquilliser dans ce lamentable état, nous écarterons soigneusement toute discussion qui suppose des connoissances étrangères au commun des hommes, en sorte que le bon sens le plus ordinaire suffira pour qu'on lise ce livre avec fruit.

Peut-être quelques âmes foibles, quelques esprits légers, mais non pervertis entièrement, après avoir été entraînés par ce qu'on appelle le mouvement du siècle, pénétrés d'un juste effroi à la vue de l'abîme où ils courent, se décideront-ils à examiner sérieusement ce qu'ils ont jusqu'ici méprisé sans le connoitre. C'est là tout ce que nous demandons d'eux. Nous ne leur disons point: Croyez; mais: Examinez.

Quoique notre sujet n'exige pas que nous démontrions la vérité du Christianisme, nous en offrirons cependant assez de preuves pour convaincre les incré-· dules de bonne foi. Peut-être même y puiseront-ils une instruction plus utile que celle qu'ils auroient pu tirer d'une réfutation directe de leurs crreurs; mais toujours certainement ils y trouveront assez de motifs qui justifient et même commandent impérieusement l'examen que nous les engageons à entreprendre. Puissent-ils s'y déterminer pour la gloire de la vérité et pour leur propre bonheur! Quoi qu'on essaye de persuader, ces deux choses sont inséparables : il n'y a de bonheur qu'au sein de la vérité, parce qu'il n'y a de repos que là. L'erreur enivre, l'indifférence assoupit; mais ni l'une ni l'autre ne comble le vide du cœur. Nous le répétons, notre unique désir, c'est qu'on examine de bonne foi nous ne nous sommes proposé d'obtenir que cela; et, si nous l'obtenons d'un seul homme, notre travail sera trop payé.

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L'esprit humain a ses époques de sagesse et de vertige, de grandeur et de décadence, comme la société; et la société elle-même n'est assujettie à ces révolutions diverses que parce qu'elles sont naturelles à l'esprit humain, dont elle partage invariablement les destinées. Cette vérité, qui, en liant la morale à la législation, donne aux théories politiques une base fixe, n'avoit point échappé au génie perçant de Pascal. Personne n'a mieux connu le pouvoir de l'opinio, qu'il appelle la reine du monde; et l'on conce

vra qu'il ne dit rien de trop, si l'on entre un peu avant dans sa pensée, et qu'on entende par opinion les doctrines dominantes. Leur empire sur les hommes est absolu, quoiqu'il ne devienne quelquefois apparent qu'à la longue, et c'est ce qui trompe tant d'observateurs superficiels, incapables d'embrasser, d'une seule vue de l'esprit, un vaste ensemble de rapports, et de lier, à de grandes distances, le présent au passé. Ils aperçoivent des faits, ils en cherchent la cause, mais trop près d'eux; spectateurs des tempêtes qui agitent la société, du flux et reflux des événements dont se compose son histoire, ils expliquent chaque vague par la vague qui la presse immédiatement, au lieu de remonter d'abord à l'impulsion qui les produit toutes. C'est ainsi qu'on a sérieusement attribué la Réforme du seizième siècle à la jalousie d'un moine, et la Révolution françoise à un déficit de quelques millions dans les finances.

Il faut le dire, car on ne le saura jamais assez, tout sort des doctrines les mœurs, la littérature, les constitutions, les lois, la félicité des États et leurs désastres, la civilisation, la barbarie, et ces crises effrayantes qui emportent les peuples ou qui les renouvellent, selon qu'il reste en eux plus ou moins de vie.

L'homme n'agit que parce qu'il croit, et les hommes en masse agissent toujours conformément à ce qu'ils croient, parce que les passions de la multitude sont elles-mêmes déterminées par ses croyances. Si la croyance est pure et vraie, la tendance générale des actions est droite et en harmonie avec l'ordre: si la croyance est erronée, les actions au contraire se dépravent; car l'erreur vicie, et la vérité perfectionne. Cela fut bien sensible à l'origine du Christianisme, lorsque la Religion des sens et la Religion de l'esprit, subsistant à côté l'une de l'autre dans la même société, les yeux pouvoient, à toute heure, comparer leurs

effets, en même temps que la raison comparoit leurs doctrines.

Il suit de là, premièrement, qu'à l'égard de la société, il n'y a point de doctrine indifférente en Religion, en morale, en politique; secondement que l'indifférence, considérée comme un état permanent de l'âme, est opposée à la nature de l'homme et destructive de son être.

Nous disons qu'à l'égard de la société il n'y a point de doctrine indifférente; il est étrange qu'on soit obligé de prouver, dans le siècle des lumières, aux peuples chrétiens, un principe si évident, que les nations païennes en avoient fait une des premières máximes de leur politique. Elles sentoient que la stabilité des États dépendoit de la stabilité des croyances. Aussi voyez combien, à l'époque surtout de leur plus grande force réelle et de leur gloire la plus pure, elles se montrèrent jalouses de la conservation des doctrines établies. On connoît le serment que faisoient les jeunes Athéniens, dans le temple d'Agraule : « Je jure « de combattre jusqu'au dernier soupir pour les intérêts de <«< la Religion et de la patrie; et je resterai constamment « attaché à la foi de mes pères 1. » Caton ne redoutoit tant l'introduction de la philosophie des Grecs dans sa patrie que parce qu'il prévoyoit qu'en apprenant à disputer sur tout, les Romains finiroient par ne croire à rien. L'événement justifia complétement ses craintes. Bannis plusieurs fois de Rome, les philosophes triomphèrent enfin de la résistance des lois, de la sagesse du sénat, et des destins même de la ville éternelle. Quelques rêveurs, armés du doute, firent ce que n'avoient pu faire les forces du monde entier ils vainquirent avec des opinions cette république superbe qui avoit vaincu la terre; et c'est un fait digne de

:

Il existoit à Athènes une loi par laquelle un seul mot proféré contre la religion étoit puni très-rigoureusement et sans espoir de pardon. Joseph.. contr. Appion.)

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