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à lui-même, c'est-à-dire, sa gloire, ou la manifestation de ses perfections infinies.

Or, manifester ses perfections, c'étoit manifester son être, en produire au dehors une vivante image; et l'homme, en effet, fut créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Participant, quoiqu'en un degré fini, à tout son être, il fut, comme Dieu, puissance, intelligence, amour : il put connoître la vérité, aimer le bien, et le réaliser au dehors par ses actes.

Et afin que sa ressemblance avec l'Être souverain fût plus parfaite, Dieu voulut que l'homme, concourant librement à ses desseins, se rendit, en quelque sorte, volontairement son image, en réglant l'usage des facultés dont il l'avoit enrichi, sur les rapports immuables ou les lois éternelles, qui mettent, si je l'ose dire, l'ordre en Dieu. même.

Il lui révéla donc ce qui étoit nécessaire qu'il connût de ces lois ; et la Religion, lien d'union entre Dieu et l'homme, comme son nom même l'indique, n'est que cette immortelle et sublime législation.

Qui la viole dégrade donc, autant qu'il est en lui, l'Être éternel, le prive d'une partie de sa gloire, introduit le désordre dans la société des intelligences, se révolte contre le pouvoir qui la régit: crime si grand, que Dieu seul pouvoit ne pas le juger inexpiable.

Mais nécessairement il faut qu'il soit, ou expié, ou puni; car c'est ainsi que, malgré la coupable opposition de l'homme, les desseins de Dieu s'accomplissent, et que l'ordre est rétabli : « La peine rectifie le désordre : qu'on « pèche, c'est un désordre; mais qu'on soit puni quand « on pèche, c'est la règle. Vous revenez donc par la peine << dans l'ordre que vous éloigniez par la faute. Mais que « l'on pèche impunément, c'est le comble du désordre: « ce seroit le désordre, non de l'homme qui pèche, mais

« de Dieu qui ne punit pas. Ce désordre ne sera jamais, « parce que Dieu ne peut être déréglé en rien, lui qui est « la règle. Comme cette règle est parfaite, droite parfaite<«<ment, et nullement courbe, tout ce qui n'y convient << pas y est brisé, et sentira l'effort de l'invincible et im«muable rectitude de la règle 1. »

Qu'avant donc de rejeter avec dédain la Religion, l'homme apprenne à la connoître. Le mépris est facile; c'est un plaisir que l'ignorance procure à peu de frais à l'orgueil : mais encore faudroit-il, portant les yeux plus loin, regarder aux suites de ce mépris, et songer à ce qu'on répondra au Législateur suprême, lorsqu'il nous en demandéra raison. Sourire, ce n'est pas tout; et Dieu aussi sourira, dit l'Écriture, irridebit et subsannabit eos. Mais en ce jour formidable, qui sera le jour de sa justice, la créature rebelle, contemplant à découvert l'ordre qu'elle a blessé, et l'admirant avec désespoir, le sentira tellement conforme à sa nature, que ce sera pour elle un moindre tourment d'y concourir par son supplice, que de le troubler, s'il étoit possible, par la jouissance injuste de la félicité qu'elle mérita de perdre.

A quoi sert de s'abuser? Quel avantage nous en revientil? Qu'est-ce, hélas ! que ce court assoupissement qu'on se procure à l'aide de sophismes enivrants, comparé à cette veille terrible, qui lui succède, et à laquelle rien ne succède? Cependant l'on se tranquillisera sur des motifs si frivoles, que je rougis même de les rappeler. Une créature superbe, s'avilissant par orgueil, cherchera l'indépendance au fond de l'abjection, et se flattant, à force dé bassesse, d'échapper à l'œil du souverain Être, essayera de traverser clandestinement le monde moral, comme ces

1 Bossuet, Médit. sur l'Évangile, tom. I, pag. 51, édit. in-12. 2 Psalm. II. 4.

obcurs vagabonds que la police ignore ou dédaigne. Jusque dans l'hypocrite humilité de son langage, on reconnoît l'esprit de révolte et l'aversion de la règle. « Qu'est« ce que l'homme, dit-elle, à l'égard de Dieu ? Comment, « à l'infinie distance qui les sépare, la créature pour<< roit-elle offenser le Créateur ? Qu'importent à l'Éternel <«<les stériles hommages ou les folles insultes d'un être « d'un jour? Que lui importent ses pensées, ses senti«ments, ses actions? Foibles mortels, cessez d'attribuer << au Très-Haut vos idées rampantes. Dieu, n'en doutez « pas, est trop grand pour s'abaisser jusqu'à l'homme, « et l'homme est trop petit pour s'élever jusqu'à Dieu. »

Intelligence dégradée, est-ce là ton excuse? Est-ce là le fondement de ta stupide sécurité dans l'oubli de tes devoirs ? L'Être qui t'a créé est trop grand pour t'avoir créé pour lui! Il est trop parfait pour s'occuper de la perfection de son ouvrage! Dieu est trop au-dessus de toi, pour s'irriter que tu te préfères à lui, que ta volonté s'oppose à sa volonté souveraine! Dieu est trop sage pour avoir établi aucun ordre parmi ses créatures intelligentes, pour leur avoir prescrit des lois, pour exiger qu'elles les observent! En te donnant l'être, il t'a dit: Je te crée pour m'adorer, ou pour m'outrager, comme il te plaira; pour m'aimer, ou pour me haïr, selon tes caprices; la vérité, l'erreur, le bien, le mal, tout en toi m'est indifférent : ton existence isolée ne se lie à rien dans mes conseils; vile production de mes mains, tu ne mérites pas de fixer mes regards: sors de ma vue, sors de ma pensée, et que la tienne soit ta loi, ta règle, et ton Dieu !

Chose étrange, que l'on s'affranchisse de tout devoir envers le Créateur, sur les raisons mêmes qui prouvent le mieux, et l'importance de ces devoirs, et combien l'homme se rend coupable en les violant. Vous refusez d'adorer Dieu, et pourquoi? parce qu'il est trop grand, trop par

fait, c'est-à-dire trop digne qu'on l'adore. Vous refusez d'obéir à Dieu, et pourquoi? parce qu'il est trop puissant, trop sage, c'est-à-dire parce qu'il a trop de droits à l'obéissance. Vous refusez d'aimer Dieu, et pourquoi ? parce qu'il est trop juste, trop saint, trop bon, c'est-àdire trop aimable. Je ne m'étonne plus qu'ayant préparé des réponses si péremptoires, vous attendiez en repos le jugement formidable qui décidera de votre sort éternel.

Ce n'est pas certes une foible preuve de la dégradation originelle de l'homme, que ces extravagances puissent trouver place dans son esprit. Mais, fussent-elles autant de vérités incontestables, il faut lui apprendre qu'il ne sauroit encore en déduire aucun motif solide, pour se tranquilliser dans l'état d'indépendance absolue où il cherche à se placer. Car la Religion nous enseigne, qu'entre Dieu et l'homme, il existe un Médiateur qui, réunissant en soi la nature divine et la nature humaine, comble l'espace immense qui nous sépare du premier Être, et donne à nos hommages unis aux siens, à nos œuvres unies aux siennes, une valeur infinie. Dès lors tous les prétextes fondés sur le néant de l'homme, pour se dispenser de rendre à Dieu le culte qu'il exige de nous, s'évanouissent comme l'ombre. Notre infirmité naturelle, qui sembloit nous reléguer à jamais loin de l'Être infini, sert même à nous faire comprendre l'énormité du crime que nous commettons, en violant les lois d'une société que Dieu a établie par des voies si merveilleuses.

Nous savons, et l'analogie seule nous conduiroit à juger qu'il existe de pures intelligences plus parfaites que l'homme, et membres, ainsi que lui, de cette haute société dont le Médiateur est le lien. Mais il ne nous est point donné de pleinement connoître la vaste hiérarchie des êtres spirituels, ni l'ensemble des lois qui les régissent. Il en est d'uniquement relatives à un état trop différent du

nôtre, pour que Dieu ait voulu nous les découvrir. Il nous a départi la mesure précise de lumière dont nous avons besoin dans notre condition présente; mais rien de plus. En accordant à l'homme tout ce qui lui est nécessaire pour parvenir à sa fin, il lui refuse ce qui ne serviroit qu'à satisfaire sa vaine curiosité. Car, outre que la foi, pour être méritoire, doit être mêlée de ténèbres, et ressembler, suivant l'expression de l'Apôtre, à une lampe qui luit dans un lieu obscur 1, il У un ordre de connoissances que notre nature ne comporte point ici-bas; et, dans les connoissances où nous pouvons atteindre, un degré de clarté qui, loin de nous être utile, nous deviendroit très-dangereux, et dérangeroit complètement l'économie des desseins de Dieu à notre égard. Notre liberté, notre existence même dépend de ce mélange de lumière et d'obscuritė. Si nous apercevions toute la grandeur de l'âme humaine, sans découvrir en même temps les perfections infiniment plus élevées du souverain Être; ravis, sans pouvoir nous en défendre, d'une admiration désordonnée pour nousmêmes, nous tomberions à l'instant, comme l'ange rebelle, par l'orgueil. Et si Dieu, tout à coup se dévoilant, nous permettoit de contempler une foible partie de sa gloire, l'âme transportée briseroit ses organes, trop frêles pour résister à l'impétuosité des sentiments que cette vue exciteroit en elle.

On conçoit donc que les lois générales de la Religion se modifient selon la nature des différents êtres qu'elle unit, et selon les divers états où ces êtres se peuvent trouver. Ainsi l'homme, être mixte, a des devoirs relatifs à sa double nature et à sa condition présente ; et comme il ne se conserve et que ses facultés ne se développent que dans l'état de société, Dieu a pris soin d'établir une société déposi

1 B. Petri, Ep. II, cap. 1, 19.

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