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tion que je discute est donc incompatible avec le système de Rousseau. Admettre l'une, c'est rejeter l'autre évidemment.

Reste la supposition d'une seule Religion véritable, et par conséquent seule utile, seule nécessaire, toutes les autres étant fausses, et par conséquent nuisibles. Or quoi de plus absurde, dans cette hypothèse, que de faire à l'homme un devoir de suivre la Religion où il est né? que de présenter tous les cultes comme indifférents, comme également salutaires? que d'attribuer à l'erreur, source impure du vice, les mêmes droits qu'à la verité, mère de la vertu? que d'interdire à un être raisonnable tout usage de sa raison, sur l'objet qui l'intéresse le plus ? que de le contraindre à respecter, à aimer des extravagances qui répugnent invinciblement à son esprit? Est-ce donc là ce qu'on appelle de la philosophie? « Un fils, dit-on, n'a « jamais tort de suivre la Religion de son père. » Ainsi, en matière de Religion, la naissance décide de tout. Ici c'est un devoir d'être polytheiste, et là c'est un devoir de n'adorer qu'un Dieu. La foi doit changer avec les climats, varier selon les degrés de latitude: autant de pays, autant de devoirs opposés. Chrétien en Europe, musulman dans la Perse, idolâtre au Congo, vous rendrez, sur les bords du Gange, les honneurs divins à Vishnou. Votre père, un peu crédule, adoroit une pierre, un oignon, conservez ce culte domestique. Un fils n'a jamais tort de suivre la Religion de son père. Mais cette Religion est indigne de Dieu et dégradante pour l'homme. N'importe : vous y êtes nė; en professer une autre seroit une inexcu sable présomption.

Disciples de Jean-Jacques, reconnoissez les paroles de votre maître, et dites si, dans l'hypothèse d'une Religion véritable, il est possible de porter plus loin l'inconséquence; tranchons le mot, la folie. Quoi, il existe une

Bolingbroke, peu satisfait des symboles de ses devanciers, élargit étrangement la voie de la Religion naturelle. Il nie que Dieu puisse être offensé par l'homme, et attaque en conséquence la doctrine des peines et des récompenses futures 1. Tout se perfectionne avec le temps.

Si l'âme est immatérielle ou matérielle, si elle est distincte du corps, et si, dans ce cas, elle est périssable comme le corps, ou doit lui survivre : Chubb ne décide point ces questions, parce qu'il n'aperçoit rien sur quoi l'on en puisse fonder la décision?. Toutefois il paroît fortement incliner vers le matérialisme; et en supposant qu'il y ait des châtiments et des récompenses futures, chose au moins fort douteuse à son avis, la masse du genre humain n'a pas lieu de s'en inquiéter beaucoup; car ces récompenses et ces peines ne seront que pour les hommes dont les actions auront puissamment influé sur le bonheur ou le malheur du genre humain. Les autres n'ont rien à espérer ni à craindre. Leur vie est trop insignifiante, pour que Dieu daigne leur en demander compte. « Autant vaudroit s'imaginer, dit Chubb, qu'un jour il jugera tous les animaux". >>

L'existence de Dieu est donc le seul dogme qu'admettent formellement les deux derniers auteurs dont je viens de parler. Cette grande et sublime vérité, au milieu des débris de toutes les doctrines religieuses, est demeurée debout dans leur esprit, comme une colonne d'un temple antique que le temps ou les barbares ont renversé.

Jean-Jacques étend un peu davantage le symbole de la religion naturelle; mais je montrerai tout à l'heure qu'il

1 Bolingbroke's Works, v. V, p. 209, 356, 493, 495,498,507,508, 510. 2 Chubb's Posthumous Works, vol. I, p. 312, 313.

5 lbid., p. 317, 318, 324, 326.

4 lbid., p. 395, 400,

songère, n'offrent qu'un informe assemblage d'incohérences, d'absurdités et de contradictions. C'en seroit, assez peut-être pour qu'on dût les abandonner sans plus d'examen; cependant tout ce que je demande, c'est qu'on les examine attentivement. Ne vous hâtez point de juger, dirai-je aux partisans de ces maximes, convenez seulement qu'il y a de puissants motifs d'en tenir la vérité pour douteuse. Dégagez-vous de toute prévention; cherchez sincèrement ce qui est vrai; étudiez les preuves du Christianisme avec le même soin, avec la même bonne foi que vous étudieriez une science humaine. Sûrement il vous importe autant de savoir si le Christianisme est véritable que de connoître la théorie de l'électricité, ou les lois de la pesanteur. Faites une fois pour l'intérêt de votre sort éternel ce que vous faites tous les jours pour satisfaire votre curiosité. Pour peu que vous attachiez de prix à la vérité, à la raison, à la vertu, vous êtes plus que personne obligés de chercher une règle fixe de croyance et de conduite; car cette règle vous manque plus qu'à personne. Celle que vous vous flattez de posséder est nulle, fausse, illusoire. On l'admet en spéculation, et on la rejette dans la pratique. En effet, je vous le demande à vous particulièrement qui êtes nés en pays catholique, de parents catholiques, professcz-vous sincèrement, comme Rousseau le veut, la Religion de vos pères? Vous voit-on pratiquer les devoirs que la Religion catholique impose à ceux qui font profession de la suivre? Assistez-vous régulièrement, dans nos temples, aux offices publics, aux instructions des pasteurs? Obéissez-vous aux lois de l'Église? Gardezvous scrupuleusement les préceptes de l'abstinence et du jeûne? Fuyez-vous les spectacles dangereux? Fréquentezvous les tribunaux de la pénitence? Vous souriez de ces questions, et vous n'avez pas tort. Persuadés que toutes les Religions sont indifférentes, ignorant s'il en est une

«le fond, c'est n'affirmer rien. J'ai beau me dire: Dieu « est ainsi; je le sens, je me le prouve; je n'en conçois « pas mieux comment Dieu peut être ainsi. Enfin, plus je « m'efforce de contempler son essence infinie, moins je <«< la conçois; mais elle est, cela me suffit; moins je la « conçois, plus je l'adore 1. >>

Ainsi Rousseau fonde l'espérance du juste sur des attri. buts dont il n'a nulle idée absolue, qu'il affirme sans les comprendre, de sorte que, dans le fond, c'est n'affirmer rien. Ne voilà-t-il pas une merveilleuse certitude, et une espérance bien consolante? Plus il s'efforce de contempler l'essence infinie de la Divinité, moins il la conçoit; il ne la connoît ni en elle-même, ni dans ses attributs et c'est de la sorte que les plus grandes idées de la Divinité nous viennent par la raison seule. Chose admirable, et que la philosophie seule pouvoit nous apprendre ; la plus grande idée que nous ayons de la Divinité, est de n'en avoir aucune idée!

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Mais enfin, dira-t-on, elle est, cela nous suffit: son existence est un dogme admis par tous les sectateurs de la Religion naturelle. Soit; mais je soutiens que, dans leurs

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que ce sont des conséquences nécessaires, que l'esprit est forcé d'admettre. Le bon usage de la raison, dont parle Rousseau, favorise ce dernier sens le reste de la phrase le contredit; car, tirer une conséquence, c'est affirmer quelque chose, et qui n'affirme rien, ne conclut pas. De plus, Rousseau tombe dans une erreur grave, en supposant qu'il faut comprendre, pour affirmer réellement; cela n'est pas, il suffit d'avoir une idée nette de ce qu'on affirme. Ainsi le mot attraction réveillant en nous une idée, et en chacun de nous la même idée, nous pouvons affirmer ou nier l'existence de cette force occulte, que nous ne comprenons pas en elle-même. Au reste, le passage auquel cette note appartient, n'est pas le seul où Rousseau cherche à cacher l'inconséquence et le vague de ses doctrines sous l'ambiguïté des expressions.

Émile, t. III. p. 96.

principes, on peut légitimement nier ce dogme, et même qu'on le doit quelquefois.

En effet, la première règle de Jean-Jacques et de tous les déistes, leur principe fondamental est de former sa foi sur les seules lumières de la raison, et par conséquent de ne rien croire que ce que l'on conçoit clairement. Or, je suppose un philosophe qui ne conçoive pas plus clairement. l'existence de Dieu que Rousseau ne conçoit son essence et ses attributs, il pourra et devra le nier, s'il est conséquent. Car de demeurer indécis sur une telle question, Rousseau nous apprend qu'il est impossible : « Le doute « sur les choses qu'il nous importe de connoître est un « état trop violent pour l'esprit humain; il n'y résiste pas << longtemps, il se décide, malgré lui, de manière ou << d'autre1»

Réalisons un moment le fait supposé; mettons dans la bouche de Rousseau ses propres paroles, et voyons ce que lui répondroit le philosophe en question, à qui d'ailleurs je ne prêterai que des opinions défendues par un célèbre partisan de la Religion naturelle.

ROUSSEAU.

Je vous plains sincèrement de ne pas croire à l'Être infini. Vous ne concevez pas qu'il existe; mais je ne conçois pas davantage ses attributs, et j'y crois : « Le plus digne « usage de ma raison est de s'anéantir devant lui: » suivez mon exemple.

LE PHILOSOPHE.

«Me dire de soumettre ma raison, c'est outrager son « auteur3: autant peut m'en dire celui qui me trompe ; <«< il me faut des raisons pour soumettre ma raison*. »

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