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claré son sectateur en Hollande. Il continua dans cette ville la Dioptrique, et le Traité de la lumière qu'il appelait son Monde. Il retouchait ce dernier écrit, où il soutenait l'opinion du mouvement de la terre, et était sur le point de l'envoyer à Mersenne et de le faire imprimer à Paris, lorsqu'il apprit la condamnation de Galilée pour une doctrine semblable. Voici en quels termes il écrivit à ce sujet au père Mersenne :

« 28 novembre 1633.

de

«... J'en étais à ce point lorsque j'ai reçu votre dernière, de l'onzième de ce mois; et je voulais faire comme les mauvais payeurs, qui vont prier leurs créanciers de leur donner un peu de délai lorsqu'ils sentent approcher le temps leur dette. En effet, je m'étais proposé de vous envoyer mon Monde pour ces étrennes ; et il n'y a pas plus de quinze jours que j'étais encore tout résolu de vous en envoyer au moins une partie, si le tout ne pouvait être transcrit en ce tempslà mais je vous dirai que m'étant fait enquérir ces jours à Leyde et à Amsterdam si le Système du monde de Galilée n'y était point, à cause qu'il me semblait avoir appris qu'il avait été imprimé en Italie l'année passée, on m'a mandé qu'il était vrai qu'il avait été imprimé, mais que tous les exemplaires en avaient été brûlés à Rome au même temps, et lui condamné à quelque amende; ce qui m'a si fort étonné, que je me suis quasi résolu de brûler tous mes papiers, ou du moins de ne les laisser voir à personne. Car je ne me suis pu imaginer que lui, qui est Italien, et même bien voulu du pape, ainsi que j'entends, ait pu être criminalisé pour autre chose, sinon qu'il aura sans doute voulu établir le mouvement de la terre, lequel je sais bien avoir été autrefois censuré par quelques cardinaux, mais je pensais avoir ouï dire que depuis on ne laissait pas de l'enseigner publiquement, même dans Rome, et je confesse que s'il est faux, tous les fondemens de ma philosophie le sont aussi, car il se démontre par eux évidemment; et il est tellement lié avec toutes les parties de mon Traité, que je ne l'en saurais détacher sans rendre le reste tout défectueux. Mais comme je ne voudrais

pour rien du monde qu'il sortît de moi un discours où il se trouvât le moindre mot qui fût désapprouvé de l'Église, aussi aimé-je mieux le supprimer que de le faire paraître estropié. Je n'ai jamais eu l'humeur portée à faire des livres; et si je ne m'étais engagé de promesses envers vous, et quelques autres de mes amis, afin que le désir de vous tenir parole m'obligeât d'autant plus à étudier, je n'en fusse jamais venu à bout: mais, après tout, je suis assuré que vous ne m'enverrez point de sergent, pour me contraindre à m'acquitter de ma dette, et vous serez peut être bien aise d'être exempt de la peine de lire de mauvaises choses. Il y a déjà tant d'opinions en philosophie qui ont de l'apparence, et qui peuvent être soutenues en dispute, que si les miennes n'ont rien de plus certain, et ne peuvent être approuvées sans controverse, je ne les veux jamais publier. Toutefois, pour ce que j'aurais mauvaise grace si, après vous avoir tant promis, et si longtemps, je pensais vous payer ainsi d'une boutade, je ne laisserai pas de vous laisser voir ce que j'ai fait, le plus tôt que je pourrai; mais je vous demande encore, s'il vous plaît, un an de délai pour le revoir et le polir. Vous m'avez averti du mot d'Horace: Nonumque prematur in annum, et il n'y en a encore que trois que j'ai commencé le Traité que je pense vous envoyer; je vous prie aussi de me mander ce que vous savez de l'affaire de Galilée...

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AU RÉVÉREND PÈRE MERSENNE.

« 10 janvier 1634.

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« MON RÉVÉREND PÈRE,

J'apprends, par les vôtres, que les dernières que je vous avais écrites ont été perdues, bien que je les pensais avoir adressées fort sûrement. Je vous y mandais tout au long la raison qui m'empêchait de vous envoyer mon Traité, laquelle je ne doute point que vous ne trouviez si légitime, que tant s'en faut que vous me blâmiez de ce que je me résous à ne le faire jamais voir à personne, qu'au contraire vous seriez

le premier à m'y exhorter, si je n'y étais pas déjà tout résolu. Vous savez sans doute que Galilée a été repris depuis peu par les inquisiteurs de la foi, et que son opinion touchant le mouvement de la terre a été condamnée comme hérétique: or je vous dirai que toutes les choses que j'expliquais en mon Traité, entre lesquelles était aussi cette opinion du mouvement de la terre, dépendaient tellement les unes des autres, que c'est assez de savoir qu'il y en ait une qui soit fausse, pour connaître que toutes les raisons dont je me servais n'ont point de force; et quoique je pensasse qu'elles fussent appuyées sur des démonstrations très certaines et très évidentes, je ne voudrais toutefois pour rien du monde les soutenir contre l'autorité de l'Église. Je sais bien qu'on pourrait dire que tout ce que les inquisiteurs de Rome ont décidé n'est pas incontinent article de foi pour cela, et qu'il faut premièrement que le concile y ait passé; mais je ne suis point si amoureux de mes pensées, que de me vouloir servir de telles exceptions, pour avoir moyen de les maintenir; et le désir que j'ai de vivre en repos, et de continuer la vie que j'ai commencée en prenant pour ma devise Bene vixit, bene qui latuit 1, fait que je suis plus aise d'être délivré de la crainte que j'avais d'acquérir plus de conuaissances que je ne désire, par le moyen de mon écrit, que je ne suis fâché d'avoir perdu le temps et la peine que j'ai employée à le composer....

« Pour les expériences que vous me mandez de Galilée, je les nie toutes, et je ne juge pas pour cela que le mouvement de la terre en soit moins probable. Ce n'est pas que je n'avoue que l'agitation d'un chariot, d'un bateau, ou d'un cheval, ne demeure encore en quelque façon en la pierre, après qu'on l'a jetée étant dessus, mais il y a d'autres raisons qui empêchent qu'elle n'y demeure si grande; et pour le boulet de canon tiré du haut d'une tour, il doit être beaucoup plus long-temps à descendre, que si on le laissait tomber de haut en bas, car il rencontre plus d'air en son chemin, lequel ne l'empêche pas seulement d'aller parallèlement à l'horizon,

Bene qui latuit, bene vixit.

(OVIDE, Tristes, liv. III, él. 4.)

mais aussi de descendre. Pour le mouvement de la terre, je m'étonne qu'un homme d'église en ose écrire, en quelque façon qu'il s'excuse; car j'ai vu une patente sur la condamnation de Galilée, imprimée à Liége le 20 septembre 1633, ой sont ces mots : quamvis hypothetice a se illam proponi simularet; en sorte qu'ils semblent même défendre qu'on se serve de cette hypothèse en l'astronomie : ce qui me retient que je n'ose mander aucune de mes pensées sur ce sujet. Ne voyant point encore que cette censure ait été autorisée par le pape, ni par le concile, mais seulement par une congrégation particulière des cardinaux-inquisiteurs, je ne perds pas tout-àfait espérance qu'il n'en arrive ainsi que des antipodes, qui avaient été quasi en même sorte condamnés autrefois, et, ainsi, que mon Monde ne puisse voir le jour avec le temps; auquel cas j'aurai besoin moi-même de me servir de mes raisons... »

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« Encore que je n'aie aucune chose particulière à vous mander, toutefois, à cause qu'il y a déjà plus de deux mois que je n'ai reçu de vos nouvelles, j'ai cru ne devoir pas attendre plus long-temps à vous écrire; car si je n'avais eu de trop longues preuves de la bonne volonté que vous me faites la faveur de me porter, pour avoir aucune occasion d'en douter, j'aurais quasi peur qu'elle ne fût un peu refroidie, depuis que j'ai manqué à la promesse que je vous avais faite de vous envoyer quelque chose de ma Philosophie: mais d'ailleurs la connaissance que j'ai de votre vertu me fait espérer que vous n'aurez que meilleure opinion de moi, de voir que j'ai voulu entièrement supprimer le traité que j'en avais fait, et perdre presque tout mon travail de quatre ans, pour rendre une entière obéissance à l'Église, en ce qu'elle a défendu l'opinion du mouvement de la terre; et toutefois, pour ce que je n'ai point encore vu que ni le pape ni le concile aient ratifié

cette défense, faite seulement par la congrégation des cardinaux établis pour la censure des livres, je serais bien aise d'apprendre ce qu'on en tient maintenant en France, et si leur autorité a été suffisante pour en faire un article de foi. Je me suis laissé dire que les jésuites avaient aidé à la condamnation de Galilée, et tout le livre du P. Scheiner montre assez qu'ils ne sont point de ses amis; mais d'ailleurs les observations qui sont dans ce livre, fournissent tant de preuves pour ôter au soleil les mouvemens qu'on lui attribue, que je ne saurais croire que le P. Scheiner même en son ame ne croie l'opinion de Copernic: ce qui m'étonne de telle sorte que je n'en ose écrire mon sentiment. Pour moi je ne cherche que le repos et la tranquillité d'esprit, qui sont des biens qui ne peuvent être possédés par ceux qui ont de l'animosité ou de l'ambition, et je ne demeure pas cependant sans rien faire, mais je ne pense pour maintenant qu'à m'instruire moi-même, et me juge fort peu capable de servir à instruire les autres, principalement ceux qui ayant déjà acquis quelque crédit, par de fausses opinions, auraient peut-être peur de le perdre, si la vérité se découvrait. »

En attendant qu'il pût mettre au jour sa véritable opinion, Descartes se félicitait de voir les ministres protestans fulminer contre le mouvement de la terre, parce que cela lui faisait espérer, disait-il, que par contradiction les prédicateurs catholiques finiraient par l'adopter.

Quoiqu'il n'admît pas toutes les raisons de Galilée, ainsi que nous venons de le voir, il trouva dans l'ouvrage de ce grand homme tant de rapports avec ses propres pensées, que, s'il les avait eu publiées auparavant, il aurait cru, ditil, que Galilée l'avait dérobé. Il ne se décida que dix ans après à laisser entrevoir son opinion sur le mouvement de la terre, dans ses Principes de la philosophie, encouragé par l'exemple de ce qu'il y avait de plus habile parmi les philosophes et les mathématiciens catholiques, à qui, dit Baillet, le décret de l'inquisition n'avait pas fait tant de peur qu'à lui. Galilée d'ailleurs n'avait pas été enfermé dans les cachots de l'inquisition, comme on l'a cru plus tard il garda les arrêts pendant une dizaine de jours, du 22 juin

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