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un navire jusqu'à Rouen furent transbordées sur un bateau qui les remonta jusqu'à Paris, mais qui échoua au port de l'École. Les manuscrits restèrent trois jours au fond de l'eau, et on fut obligé de les étendre sur des cordes pour les faire sécher.

corps

En 1666, M. d'Alibert (nous avons rapporté les offres généreuses qu'il fit plusieurs fois à Descartes) conçut le projet de faire rétablir le tombeau du philosophe, tel que Christine l'avait d'abord ordonné. Mais on lui fit observer qu'il serait plus glorieux pour la France de posséder le de Descartes. Il se consacra donc tout entier au projet de rendre la dépouille du philosophe au sol de sa patrie. Il écrivit au chevalier de Terlon, alors ambassadeur en Suède, qui obtint le consentement du successeur de Christine pour l'exhumation du corps de Descartes. Christine, à cette nouvelle, déclara que, si elle eût été encore sur le trône, jamais elle n'eût permis qu'on enlevât ce trésor à la Suède, et qu'elle l'eût fait porter dans une église et couvrir d'un magnifique monument. M. de Terlon fit faire un cercueil de cuivre, long seulement de deux pieds et demi, dans lequel on plaça les ossemens les uns sur les autres, à l'exception d'une phalange de la main droite que l'ambassadeur conserva du consentement de tous ceux qui avaient assisté à la cérémonie de l'exhumation. Nous comprenons bien la vénération qui s'attache à la dépouille mortelle d'un grand homme; mais ce serait justement une marque de ce respect que de laisser religieusement des restes sacrés reposer dans leur tombeau. Où peuvent-ils se trouver avec plus de décence? Une relique dans une châsse, au milieu d'une église, a déjà l'air d'un colifichet frivole; que doit-elle devenir sur le rayon d'une bibliothèque ou sur la console d'un salon, fût-ce dans l'appartement d'un ambassadeur? Le cercueil scellé resta dans l'antichambre de M. de Terlon jus qu'au départ de celui-ci pour le Danemarck, sa nouvelle résidence. Ce ne fut pas sans difficulté que le transport de ce précieux fardeau put s'effectuer jusqu'à Copenhague: les matelots, dans leurs préjugés populaires, craignaient que la présence d'un mort ne leur devînt funeste. L'exhu、

mation ne se présente aux yeux du peuple que sous l'apparence d'une profanation, et, dans leur religieux scrupule, si le temps était devenu orageux, ils auraient bien pu réparer le sacrilége à leur manière; en jetant les dépouilles à la mer. Pour faire passer le corps de Copenhague en France, l'ambassadeur donna au cercueil la forme d'un ballot d'objets à son usage, scellé de ses armes. Il voulait ainsi prévenir la superstition des peuples: il demanda les ordres du roi et pria les ministres Colbert et Lionne de défendre aux douaniers d'ouvrir le ballot. Malgré toutes ces précautions, les douaniers de Péronne brisèrent le sceau du cercueil, et les ossemens de Descartes furent encore une fois exposés au grand jour. Le corps arriva, enfin, à Paris au commencement de janvier 1667, à l'adresse de M. d'Alibert, rue de Beautreillis. On déposa provisoirement ces restes funèbres dans une chapelle de la paroisse Saint-Paul, et l'on délibéra sur l'église qui en deviendrait la dernière gardienne On fit choix de Sainte-Geneviève-du-Mont, qui, placée au centre des écoles, était considérée comme le sanctuaire des sciences. Le père Lallemand, chancelier de l Université, fut chargé de composer l'oraison funèbre; et le 24 juin 1667 un cortège composé du clergé de Saint-Paul, d'une grande multitude de pauvres vêtus de neuf et portant des flambeaux, et d'une longue suite de carrosses remplis des personnes de la plus haute distinction, partit de la rue de Beautreillis après le coucher du soleil, alla prendre le corps à l'église Saint-Paul et le conduisit à Sainte-Geneviève, où le reçut en grande pompe. La cérémonie de la sépulture fut remise au lendemain. Pour obtenir l'entrée du corps en France il avait fallu se procurer des certificats de la catholicité de Descartes, mort en pays non-catholique, et soupçonné d'aller quelquefois au prêche. Descartes s'était autrefois expliqué sur cette accusation; il n'était entré qu'une fois dans le temple pour entendre un prédicateur fort vanté, et il avait écouté de la porte et sans s'asseoir. Il recevait fréquemment les sacremens de la pénitence et de l'Eucharistie; enfin il avait composé un Commentaire sur le premier chapitre de la Genèse, pour démontrer la confor

on

mité de ses principes avec ceux de Moïse. Ses amis avaient écrit au résident de France à Hambourg pour le prier d'obtenir de Christine, alors convertie, un témoignage en faveur de Forthodoxie du philosophe. Elle assura qu'elle avait puisé dans ses entretiens et dans ceux de Chanut la première semence de sa conversion. On avait reçu un témoignage aussi éclatant de l'ancien aumônier de l'ambassade de France en Suède, du père Viogué, alors assistant français du général des Augustins à Rome. Tout cela, cependant, ne suffit pas pour rassurer les hautes consciences du royaume ;et au moment de la cérémonie funèbre, lorsque le père Lallemand allait monter en chaire, il arriva un ordre de la cour faisant défense de prononcer l'oraison funèbre de Descartes.

Le corps fut enseveli dans un caveau du côté méridional de la nef, entre la chapelle de Sainte-Geneviève et celle de Saint-François. On appliqua sur la muraille une tablette de marbre où furent écrites des épitaphes en français et en latin. M. de Terlon, l'ambassadeur en Suède, qui paraît n'avoir pas manqué de vanité, avait demandé que, pour le récompenser de ses soins, on écrivît sur le tombeau que le transport des ossemens avait été fait, sous Louis XIV, par le chevalier de Terlon, son ambassadeur. On ne fit pas droit à cette requête vaniteuse : on trouva probablement qu'il avait assez de la phalange d'un doigt de Descartes; et l'on substitua en place de son nom celui de M. d'Alibert, qui avait eu le mérite de l'initiative dans cette translation, et qui s'était chargé de tous les frais de l'entreprise. Nous ne rapporterous pas les épitaphes, car des rimes et des antithèses nous paraissent mal placées en face de la gravité d'un tombeau.

Ainsi, dix-sept ans après la mort de Descartes, ses amis étaient encore nombreux, et pleins de zèle pour sa philosophie et pour sa gloire. Il se tenait tous les mercredis chez Rohauld, très habile mathématicien, grand partisan de Descartes, à qui, malgré son peu de bien, le riche Clerselier avait donné sa fille, par amour pour la philosophie cartésienne, une assemblée où la doctrine du maître

était exposée, et défendue contre les objections des assistans, en présence, dit Clerselier ', d'un grand nombre de personnes de condition parmi lesquelles les dames mêmes tenaient souvent le premier rang, et qui n'en sortaient jamais qu'avec applaudissement et admiration. Sa doctrine partageait les écoles de la Hollande et s'enseignait publiquement dans les chaires de ce pays 2. Les plus illustres intelligences du XVII siècle, les Bossuet, les Fénelon, les Arnauld, les Nicole, les d'Aguesseau, adoptèrent le cartésianisme; il se répandit peu à peu dans l'enseignement en France; il pénétra jusque dans les séminaires; et un des derniers vestiges de l'enseignement philosophique du dernier siècle, le petit livre intitulé Institutiones philosophicæ, dont tous nos colléges étaient pleins il n'y a pas trois ans, et qu'on retrouverait peut-être en beaucoup d'endroits encore, avait épuré la philosophie scolastique au crible de la philosophie de Descartes. Un plus haut enseignement, celui qui de nos jours a fait la gloire de l'académie de Paris, a tenu à honneur de se rattacher par mille liens à la pensée cartésienne: ainsi pour nous Descartes n'est pas un homme du passé; il est debout, il vit, il se meut, sa parole nous arrive par les bouches les plus éloquentes; il est enfin glorieusement monté en chaire dans cette même Sorbonne à laquelle, il y a deux siècles, il avait si timidement dédié ses Méditations.

1 Voyez la Préface des Lettres, édition in-4°.

• Clerselier, Préface du premier volume des Lettres.

FIN DE LA NOTICE BIOGRAPHIQUE.

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.

OUVRAGES CONCERNANT LA VIE DE DESCARTES.

Fragment sur la vie de Descartes parmi les Essais sur la Philosophie cartésienne de Daniel Lipstorpius. Leyde, 1653 (ce Fragment est écrit sur les renseignemens que l'auteur a recueillis de Schooten et de de Raey).

Renati Cartesii Vita a Petro Borello. Castres, 1653; Paris, 1657, in-8°; Francfort, 1670; Leipsick, 1676.

Le même ouvrage inséré dans les Mémoires de Henning Wite. Francfort, 1677.

Le méme ouvrage, Paris, 1723, in-12 (cette Vie est écrite sur les renseignemens que l'auteur avait reçus de Villebressieux).

Quelques renseignemens sur l'histoire de Descartes dans le Commentaire du Père Poisson sur le Discours de la Méthode. Vendôme, 1670.

La Vie de M. Descartes par Baillet. Paris, 1691, 2 vol. in-4o.

Abrégé de l'ouvrage précédent, par le même. Paris, 1693, 1 vol. in-12. Ibid., 1723, in-12.

Réflexions d'un Académicien sur la Vie de M. Descartes, envoyées à un de ses amis en Hollande. La Haye, 1692, in-12. Eloge de René Descartes par Thomas. Paris, 1761, in-8°. Idem par Gaillard. Paris, 1765, in-8°.

Idem par Mercier. Genève et Paris, 1765, in-8°.

OUVRAGES DE DESCARTES.

Indication des principales éditions et traductions qui en ont été faites.

I. Discours de la Méthode, etc, plus la Dioptrique, les Météores et la Géométrie, qui sont des essais de cette Méthode. Leyde, 1637, in-4o.

Specimen Philosophiæ, seu Dissertatio de Methodo, Dioptrice et Meteoris e gallico sermone translata. Amst., Elz., 1644, in-4° (traduction latine de la Méthode, ainsi que des Météores

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