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Nécessaires tous deux, l'homme sans leur accord
Ou follement s'agite, ou follement s'endort.
Sans l'un c'est une plante à sa glėbe attachée,
Qui croît, donne sa graine, et périt desséchée;
Sans l'autre, un météore enflammé dans la nuit
Et qui détruisant tout, lui-même se détruit.

De l'amour-propre en nous l'énergie est plus forte;
C'est le souffle puissant qui nous meut, qui nous porte:
La tranquille raison, le gouvernail en main,
Voit, observe, choisit et marque le chemin.
L'un plus près des objets s'enflamme davantage
Dans un heureux lointain l'autre les envisage;
Du bien présent l'un voit et juge les attraits,
L'autre dans l'avenir en pèse les effets.

La foule des désirs nous assiège, nous presse :
Que la raison contre eux lutte et veille sans cesse.
Mais qu'opposera-t-elle à leur impulsion?
L'examen, la sévère et froide attention.
L'attention bientôt produit l'expérience,
L'habitude se forme, et leur triple alliance
Rendant à la raison sa juste autorité,

Ramène sous ses loix l'amour-propre dompté.
Ces pouvoirs sont amis et ne sont point contraires:
Je ne vous en crois point, sophistes téméraires,
Qui savez du tranchant d'un syllogisme aigu
Séparer doctement la grâce et la vertu,
Les sens et la raison. Profondément frivoles,
De vos distinctions remplissez les écoles:
Battez-vous pour des mots obscurs, indifférens,

Dont le sens est le même, ou qui n'ont point de sens.
Malgré vous l'amour-propre et la raison conspirent.
Tous deux craignent la peine, au plaisir ils aspirent;
Mais l'un veut dévorer l'objet de son ardeur,
L'autre cueillir le miel sans offenser la fleur.
Bien ou mal entendu ce plaisir nécessaire,
Ou fait notre bonheur, ou fait notre misère.
Du même amour de soi les modes différens
Forment les passions, qui dans leurs mouvemens
Poursuivent le bonheur, ou du moins son image.

Les unes dont l'objet ne souffre aucun partage
N'ont qu'un but personnel d'intérêt, de plaisir :
Si leurs moyens sont purs, on n'en doit point rougir.
Il en est dont la flamme expansive et féconde
Trouve sa volupté dans le bonheur du monde :
Sous le nom de vertus ces nobles passions
Reçoivent en tribut l'encens des nations.
Que le stoïque altier vante son apathie!
Que sa vertu rigide ou plutôt engourdie,
Concentrée en son cœur dur, flétri, contracté,
Froide comme la glace en ait la fermeté!
C'est dans le mouvement qu'est la force de l'âme :
Un calme trop égal en amortit la flamme.
Le nocher dans l'orage est plus actif, plus fort;
Quelque agrès peut souffrir, le vaisseau vole au port.

Si la raison tient lieu de boussole et d'étoiles, Le vent des passions peut seul enfler nos voiles. Dieu dans l'orage est Dieu,comme en calmant les eaux:

Il marche sur les vents, il monte sur les flots.

Du choc des élémens il fit naître le monde :

Ainsi des passions la discorde féconde

Du cœur humain balance et meut tous les ressorts.
Homme, ne tente point d'inútiles efforts :
Comment détruirois-tu ce qui forme ton être?
Sers-toi des passions, mais sois-en toujours maître;
Maintiens leur équilibre, et soumets leur ardeur
'Au vœu de la nature, aux loix de son auteur.
L'amour, le doux espoir, la brillante allégresse,
De l'aimable plaisir famille enchanteresse:
La haine, la terreur, les chagrins ténèbreux
De la douleur, hélas! cortège trop nombreux:
Contraires dans leur cours,se choquent,se repoussent,
Dans ces chocs répétés se tempèrent, s'émoussent;
Par leur mélange enfin produisent le bonheur.
Ce sont les contrepoids qui balancent le cœur ;
C'est l'ombre avec le jour savamment assortie
Qui donne le relief au tableau de la vie.

Les plaisirs en tout tems ou s'offrent sous la main, Ou fixent nos regards dans un riant lointain. Ils passent, et déjà l'espoir les fait revivre. Goûter ceux du moment; pour l'instant qui va suivre En chercher de nouveaux sans cesse renaissans; C'est l'emploi, c'est l'étude et de l'âme et des sens ; Ils plaisent tous, mais tous n'ont pas le même empire. Des objets différens le charme nous attire:

Nos sens divers en sont diversement frappés.
De là divers penchans en nous développés
Empruntent de l'organe ou plus ou moins de force.
Souvent de tous un seul concentre en lui l'amorce;
Il les absorbe tous. Des Mages impuissans
Tel le serpent d'Aaron dévoroit les serpens.

TROISIÈME ÉPITRE..

C'EST donc un point constant; l'auteur de l'univers. N'a qu'un but, mais l'atteint par des moyens divers. Que de nos jeunes ans l'impétueuse ivresse, Le fracas des grandeurs, l'orgueil de la richesse A cette vérité ne ferme point nos cœurs! Méditez-la dévots, enseignez-la docteurs.

Regarde et vois l'amour qui forme, qui resserre Le noeud qui tient unis et le ciel et la terre. De l'univers physique il meut tous les ressorts; Attirans, attirés les corps cherchent les corps : L'atôme suit l'atôme égaré dans l'espace; Tout s'unit, se combine, et tout est à sa place. Vois le monde animé suivre les mêmes loix, Tout vers le bien du tout graviter à la fois.. Une forme a passé, d'une autre elle est suivie : Rien n'est détruit : la mort alimente la vie. Le végétal dissous nourrit les animaux. L'animal meurt et va nourrir les végétaux.

Foibles bouillons qu'on voit paroître et disparoître,
Chacun flotte à son tour sur l'océan de l'être,
Pour y rentrer soudain et s'y perdre à jamais.
Tout se suit, tout se tient par des rapports secrets :
Il n'est rien d'étranger, d'isolé : la partie
Est relative au tout; l'esprit source de vie,
Auteur, observateur, âme de tout, unit
Le foible et le puissant, le grand et le petit.
L'homme rend le secours que la brute lui donne :
Quiconque est servi, sert, et qui dépend ordonne.
De besoins en besoins tout se lie avec tout:
Rien n'interrompt la chaîne, et nul n'en voit le bout.

Crois-tu de l'Eternel épuiser la puissance?
Crois-tu seul avoir droit à sa munificence?
Homme insensé! Non Dieu n'a pas borné ses soins
A contenter tes vœux, à servir tes besoins.
Ce faon dont tu feras un jour ta nourriture,
Pour lui voit au printems renaître la verdure.
Crois-tu que pour
toi seul variant ses concerts
L'alouette en chantant s'élève dans les airs?

Non, non la douce joie embellit son ramage,
La douce volupté soulève son plumage.
Est-ce pour ton plaisir que de sa tendre voix
Le jeune rossignol fait retentir les bois
En sons harmonieux exhalant son ivresse?
Il chante ses plaisirs, il chante sa tendresse.
Ton fier coursier jouit en bondissant sous toi,
Et partage l'orgueil de répandre l'effroi.

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