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Tu m'as donné du moins dans cette nuit obscure

De voir le bien, le mal, la défense et la loi ;
Tandis que tes décrets enchaînent la Nature,
Tu m'as fait libre comme toi.

Que mon cœur, dans lui-même et dans sa propre estime Trouvant un juge austère et jamais corrompu, Redoute moins l'enfer qu'il n'abhorre le crime, Désire moins le Ciel qu'il n'aime la Vertu!

Loin de moi cette erreur impie

Qui méconnoît tes dons, qui tremble d'en jouir.
C'est toi qui rassemblas les plaisirs sur ma vie ;
Les goûter, c'est payer tes soins, c'est t'obéir.

Mais je ne croirai point que ta munificence
A ce globe où je rampe ait borně ses effets;
Qu'errans autour de moi dans l'étendue immense,
Mille mondes en vain appellent tes bienfaits.

Que jamais mon orgueil usurpant ton tonnerre
Ne s'arroge le droit d'en diriger les coups,
De lancer l'anathême et de juger la terre,
Interprète ignorant de ton secret courroux.

mais qui pour l'énergie, l'onction et la fidélité ne peut être comparée à celle-ci, où M. Turgot exprimait le sentiment religieux de son auteur et le sien.

Si je marche dans la justice,

Jusqu'au terme affermis mes pas;

Si j'ai pû m'égarer dans les sentiers du vice,
Montres-moi le chemin que je ne connois pas.

Quelques biens qu'à mes yeux refuse ta sagesse
Ou que verse sur moi ta libéralité,

Du murmure insolent préserve ma foiblesse

Et défends ma raison contre la vanité.

Si tu m'as vu sensible au malheur de mes frères,

Prêter à leurs défauts un voile officieux,

Adoucis à ton tour tes jugemens sévères

Sois indulgent pour moi, si je le fus pour eux.

Je connois mon néant, mais je suis ton ouvrage : Quel que soit aujourd'hui mon sort,

Sois mon appui, mon guide, et soutiens mon courage Ou dans la vie, ou dans la mort.

Donne-moi le nécessaire,

La subsistance et la paix.

Si de tant d'autres biens quelqu'un m'est salutaire, Tu le sais, tu peux tout; j'adore et je me tais.

Ton temple est l'immensité même ; Tes autels sont le ciel, et la terre et les mers. Choeurs des Êtres, chantez votre Maître suprême: Éclate, hymne éternel, ordre de l'Univers.

AUTRE PRIÈRE UNIVERSELLE

DE CLEANTHE,

PHILOSOPHE

STOÏCIEN,

A JUPITER (2).

Père et maître des Dieux, auteur de la Nature, Jupiter, ô sagesse, ô loi sublime et pure! Unité souveraine à qui tous les mortels Sous mille noms divers élèvent des autels; Je t'adore.

Nos cœurs te doivent leur hommage: Nous sommes tes enfans, ton ombre, ton image; Et tout ce qui respire, animé par tes mains, A célebrer ta gloire invite les humains.

Béni sois à jamais! ma voix reconnoissante Consacre ses accens à ta bonté puissante.

Tu régis l'Univers : ce tout illimité Que renferme la terre en son immensité, Ce tout harmonieux émané de toi-même,

(2) Elle paraît avoir donné à Pope l'idée et le désir de composer la sienne. Elle a été traduite du grec en prose par M. de Bougainville, de l'Académie Française et de celle des Belles-Lettres.

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S'applaudit d'obéir à ton ordre suprême :
Ton souffle intelligent circule en ce grand corps,
En féconde la masse, en meut tous les ressorts.
La foudre étincelante, en ta main redoutable
Porte un effroi vengeur dans l'âme du coupable.
Présent à tous les tems, tu remplis tous les lieux,
La Terre, l'Océan, le Ciel, t'offre à mes yeux.
Tout dérive de toi ! J'en excepte nos vices,

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Nos injustes projets, nos fureurs, nos caprices.

Par toi l'ordre naquit du Cahos étonné, Chaque être prit le rang par toi seul assigné; Par toi des Elémens la discorde est bannie, Et des biens et des maux la constante harmonie, Les enchaînant entre eux par un secret lien, Forme de leur accord un monde où tout est bien. L'homme insensé, qu'aveugle un jour perfide et sombre, Cherche partout ce bien, et n'en saisit que l'ombre. Ta loi seule, ta loi vrai flambeau des humains De la félicité leur montre les chemins.

Mais l'un dort inutile au sein de la paresse, L'autre boit de Vénus la coupe enchanteresse; De la soif des grandeurs un autre est dévoré Ou sèche auprès de l'or dont il est altéré.

Grand Dieu, Père du jour et Maître du tonnerre, u crime et de l'erreur daignes purger la terre; Affranchis la raison du joug de ses Tyrans;

Parles, fais entrevoir aux mortels ignorans
Des éternelles lois le plan sage et sublime.

Puisse alors de nos cœurs le concert unanime · Te rendre un pur hommage égal à tes bienfaits, Et digne enfin de toi, s'il peut l'être jamais!

'Ame de l'Univers, Dieu, par qui tout respire, Qu'à célébrer ton nom le monde entier conspire! Que la terre à l'envi s'unisse avec les Cieux,

C'est le devoir de l'homme et le bonheur des Dieux!

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