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ceux des Anciens, il faudra qu'également poëtes, ils aient porté encore plus haut l'art de la versification. Cela seroit utile aux langues actuelles de l'Europe; car plus une langue a de tours, plus elle peut exprimer de nuances d'idées, c'està-dire plus elle peut porter dans l'expression des idées une exactitude scrupuleuse et une clarté

soutenue

Après cette digression, je viens aux observations que j'ai encore à faire sur le caractère de la prosodie allemande. De ce que les mêmes syllabes qui sont longues dans une position, et dans la composition de certains mots deviennent nécessairement bréves dans une autre position et dans la composition d'autres mots, il résulte un nouveau sujet d'étonnement pour ceux qui voudroient juger de la prosodie allemande par la prosodie latine; c'est que des diphtongues où le son de deux voyelles se fait entendre trèsdistinctement sont très-souvent bréves. Le mot Rath haus que j'ai déjà cité en est un exemple, et le second vers du poëme de M. Klopstock en présente deux autres. Il en est de même des voyelles suivies de deux ou de plusieurs consonnes qui sont toujours longues en latin, et qu'on appelle par cette raison longues par position: en allemand des voyelles suivies de trois

et jusqu'à quatre consonnes sont aussi souvent bréves que longues, et par exemple il n'est pas. rare de voir dans des vers allemands le mot selbst former une syllabe bréve.

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Il faut avouer cependant que la règle constamment observée en latin de faire longues toutes les diphtongues ou voyelles doubles, et celle de faire longues toutes les voyelles suivies de plusieurs consonnes, sont fondées sur des principes qui semblent devoir être communs à toutes les langues, parce qu'ils tiennent à la nature même de nos organes. Une diphtongue est une syllabe composée de deux voyelles qui doivent être distinctes l'une de l'autre dans la prononciation (sans quoi ce ne seroit plus une diphtongue), mais qui doivent être prononcées assez rapidement pour que l'organe n'y emploie pas plus de tems que la durée ordinaire d'une syllabe (sans quoi, au lieu d'une diphtongue on auroit deux syllabes); mais quelque rapidité que l'organe mette à prononcer deux sons, il est impossible qu'il n'y emploie pas plus de tems qu'à en prononcer un seul : tel est le fondement de la règle latine par rapport aux diphtongues.

Celle qui concerne les voyelles suivies de plusieurs consonnes n'est pas moins naturelle. A la vérité les consonnes qui suivent ces voyelles ne

paroîtroient pas devoir influer sur leur prononciation, puisque celles-ci sont déjà proférées avant qu'on commence à prononcer les consonnes; mais l'augmentation de durée n'en est pas moins réelle pour la syllabe entière. Il est aisé de se convaincre soi-même avec un peu d'attention que lorsqu'on veut prononcer deux consonnes de suite, on est obligé malgré soi de faire entendre une espèce d'e muet entre les deux, à moins que la seconde de ces consonnes ne soit unel ou une r; ce son muet remplit l'intervalle de tems nécessaire à l'organe pour se replier et passer d'un mouvement à l'autre ; c'est cet intervalle qui s'ajoutant, quoique d'une manière un peu moins sensible, au son de la voyelle bréve par elle-même, allonge nécessairement la durée de la syllabe entière. Cet effet est fondé sur la constitution physique de nos organes, et il est d'autant plus remarquable que le nombre des consonnes placées à la suite l'une de l'autre est plus grand.

La prosodie allemande semble au premier coup-d'œil contredire ces principes; mais cette contradiction n'est qu'apparente, et il est aussi vrai en allemand qu'en latin qu'une syllabe composée ou de deux voyelles distinctes ou d'une voyelle suivie de plusieurs consonnes, ne peut

être prononcée dans un tems aussi court que pourroit l'être une voyelle simple et isolée. Certainement la seconde syllabe du mot menscheit est un peu moins bréve que la seconde du mot menschen, et la syllabe selbst l'est moins que la seconde de liebe. Mais cela n'empêche nullement que ces syllabes ne puissent être regardées comme bréves dans la prosodie. Il suffit pour cela qu'elles se prononcent d'une manière plus légère et plus rapide que. les voyelles longues auxquelles elles sont comparées. Ce n'est pas la quantité absolue de chaque syllabe considérée en elle-même qui la fait regarder comme bréve ou comme longue dans le discours, c'est le rapport de sa quantité avec celle des syllabes qu'on y joint et qui la balancent pour former le rythme. Dans l'allemand la prononciation des longues est beaucoup plus marquée qu'en latin, une moindre briéveté suffit en cette langue pour faire regarder une syllabe comme bréve; et dès lors les diphtongues et les voyelles suivies de consonnes peuvent être bréves ou employées comme telles. Le François n'est pas dénué de cet avantage. Il a des longues plus longues et des bréves plus bréves que le latin, et entre celles-ci et celles qui ne sont ni longues ni bréves, au moins une, ou même réellement deux intermédiaires.

Le changement du spondée en trochée qui est perpétuel chez les poëtes allemands, semble au premier coup-d'œil porter quelque atteinte à la forme primitive et à l'essence du vers hexamêtre qu'on a toujours regardé comme renfermant douze tems à six mesures égales, non pas en nombre de syllabes mais en durée. Les deux bréves du dactyle étant comptées pour deux demi-tems, équivalent à une seule des syllabes du spondée dont chaque syllabe vaut un tems. Sous ce point de vue le trochée n'équivaudra qu'à un tems et demi, et ne sera qu'un dactyle tronqué, incapable de tenir la place d'un dactyle entier. Le vers ne renfermera donc pas six mesures complettes, et ne sera qu'une fausse image de l'ancien hexamêtre.

C'est peut-être pour remédier à cet inconvénient que M. de Kleist a imaginé de commencer tous ses hexamêtres par une bréve superflue qui précède le premier pied. Sans doute il a cru compenser par cette addition ce que l'hexamêtre perdoit d'ailleurs sur la durée des six mesures par la substitution d'une bréve à la syllabe longue qui auroit terminé chaque spondée.

Voici un exemple de cette espèce d'hexamètre. C'est le commencement du poëme du Printems:

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