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ticle bien important et bien facile à justifier en montrant sa nécessité et son utilité. - Sa nécessité, parce que les hommes ne sont point nés égaux; parce que leurs forces, leur esprit, leurs passions romproient toujours entre eux l'équilibre momentané que les loix pourroient y mettre; parce que tous les hommes naissent dans un êtat de foiblesse qui les rend dépendans de leurs parens et qui forme entre eux des liens indissolubles. Les familles inégales en capacité et en force ont redoublé les causes d'inégalité; les guerres des sauvages ont supposé un chef.Que seroit la société sans cette inégalité des conditions? Chacun seroit réduit au nécessaire, ou plustôt il y auroit beaucoup de gens qui n'en seroient point assurés. On ne peut labourer sans avoir des instrumens et le moyen de vivre jusqu'à la récolte. Ceux qui n'ont pas eu l'intelligence, ou l'occasion, d'en acquérir n'ont pas droit d'en priver celui qui les a mérités, gagnés, obtenus par son travail. Si les paresseux et les ignorans dépouilloient les laborieux et les habiles, tous les travaux seroient découragés, la misère seroit générale. Il est plus juste et plus utile pour tous que ceux qui ont manqué ou d'esprit, ou de bonheur, prêtent leurs bras à ceux qui savent les employer, qui peuvent d'avance leur donner

le

un salaire et leur garantir une part dans les produits futurs. Leur subsistance alors est assurée, mais leur dépendance aussi. Il n'est pas injuste que celui qui a inventé un travail productif et qui a fourni à ses coopérateurs les alimens et les outils nécessaires pour l'exécuter, qui n'a fait avec eux pour cela que des contrats libres, se réserve la meilleure part, que pour prix de ses avances il ait moins de peine et plus de loisir. Ce loisir le met à portée de réfléchir davantage, d'augmenter encore ses lumières; et ce qu'il peut économiser sur la part équitablement meilleure qu'il doit avoir dans les produits accroît ses capitaux, son pouvoir de faire d'autres entreprises.

Ainsi l'inégalité naîtroit et s'augmenteroit même chez les peuples les plus vertueux et les plus moraux. Elle peut avoir, elle a eu le plus souvent beaucoup d'autres causes: et l'on y retomberoit par tous les moyens qu'on voudroit employer pour en sortir. Mais elle n'est point un mal; elle est un bonheur pour les hommes, un bienfait de celui qui a pesé avec autant de bonté que de sagesse tous les élémens qui entrent dans la composition du cœur humain. - Où en seroit la société si la chose n'êtoit pas ainsi, et si chacun labouroit son petit champ?-Il faudroit que luimême aussi bâtit sa maison, fit ses habits. Chacun

pour

seroit réduit à lui seul et aux seules productions du petit terrein qui l'environneroit. De quoi vivroit l'habitant des terres qui ne produisent point de bled? Qui est-ce qui transporteroit les productions d'un à l'autre? Le moindre paysan pays jouit d'une foule de commodités rassemblées souvent de climats forts éloignés. Je prends le plus mal équipé: mille mains, peut-être cent mille ont travaillé lui. — La distribution des professions amène nécessairement l'inégalité des conditions. Sans elle, qui perfectionnera les arts utiles? Qui secourra les infirmes? Qui étendra les lumières de l'esprit? Qui pourra donner aux hommes et aux nations cette éducation tant particulière que générale qui forme les mœurs? Qui jugera paisiblement les querelles ? Qui donnera un frein à la férocité des uns, un appui à la foiblesse des autres? - Liberté!... je le dis en soupirant, les hommes ne sont peut-être pas dignes de toi! Egalité! ils te désireroient, mais ils ne peuvent t'atteindre!

Que Zilia pèse encore les avantages réci proques du sauvage et de l'homme policé. Préférer les sauvages est une déclamation ridicule. Qu'elle la réfute; qu'elle montre que les vices que nous regardons comme amenés par la politesse sont l'appanage du eœur humain; que

celui qui n'a point d'or est aussi avare que celui qui en a, parce que partout les hommes ont le goût de la propriété, le droit de la conserver, l'avidité qui porte à en accumuler les produits.

Que Zilia ne soit point injuste; qu'elle déploie en même tems les compensations, inégales à la vérité, mais toujours réelles, qu'offrent les avantages des peuples barbares. Qu'elle montre que nos institutions trop arbitraires nous ont trop souvent fait oublier la nature; que nous avons êté dupes de notre propre ouvrage; que le sauvage qui ne sait pas consulter la nature sait souvent la suivre. Qu'elle critique sur-tout la marche de notre éducation; qu'elle critique notre pédanterie, car c'est en cela que l'éducation consiste aujourd'hui. On nous apprend tout à rebours de la nature. Voyez le Rudiment; on commence par vouloir fourrer dans la tête des enfans une foule d'idées les plus abstraites. Eux que la na ́ture toute entière appelle à elle par tous les objets, on les enchaîne dans une place; on les occupe de mots qui ne peuvent leur offrir aucun sens, puisque le sens des mots ne peut se présenter qu'avec les idées, et puisque ces idées ne nous sont venues que par degrés, en partant des objets sensibles. Mais encore on veut qu'ils les acquièrent sans avoir les secours que nous avons

eus, nous que l'âge et l'expérience ont formés. On tient leur imagination captive; on leur dérobe la vue des objets par laquelle la nature donne au sauvage des premières notions de toutes les choses, de toutes les sciences même, de l'astronomie, de la géomètrie, des commencemens de l'histoire naturelle. Un homme, après une très-longue éducation, ignore le cours des saisons; ne sait pas s'orienter; ne connoît ni les animaux, ni les plantes les plus communes. Nous n'avons point le coup-d'œil de la nature. Il en est de même de la morale, les idées générales gâtent tout encore. On a grand soin de dire à un enfant qu'il faut être juste, tempérant, vertueux; et a-t-il la moindre idée de la vertu? Ne dites pas à votre fils: Soyez vertueux, mais faites-lui trouver du plaisir à l'être; développez dans son cœur le germe des sentimens que la nature y a mis. Il faut souvent plus de barrières contre l'éducation que contre la nature. Mettez-le dans les occasions d'être vrai, libéral, compatissant; comptez sur le cœur de l'homme; laissez ces semences précieuses de la vertu s'épanouir à l'air qui les environne; ne les étouffez pas sous une foule de paillassons et de chassis de bois. Je ne suis point de ceux qui veulent rejetter les idées abstraites et générales; elles sont nécessaires ;

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