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rance invincible de la Religion révélée, ont cherché de bonne foi la vérité, et pratiqué les devoirs de la loi naturelle, ont pu trouver grâce devant la bonté divine; qu'au défaut d'une foi explicite et formelle dans les mérites de N. S. J. C., ils ont pu avoir une foi implicite et virtuelle exactement semblable à celle d'un enfant baptisé au moment de sa naissance, et qui meurt une minute après. Personne ne doute que cet enfant n'ait le degré de foi nécessaire pour être sauvé en conclure, comme a fait l'auteur de Bélisaire, que Dieu verra d'un œil aussi favorable un homme qui, parmi les orages des passions, au milieu des tentations d'une longue vie, aura conservé, par l'usage courageux de sa liberté, cette innocence que l'Enfant est dans l'heureuse impuissance de perdre; c'est raisonner pitoyablement, je le sais bien; c'est ne pas connoître l'efficacité des eaux saintes du Baptême.

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L'Auteur a encore, je le sais, un autre tort bien plus grand: c'est d'avoir nommé par leurs noms les Payens qu'il a mis au nombre des élus les Théologiens les plus relâchés ne se sont point donné cette liberté qui a de grands inconvéniens; car il faudroit connoître un homme bien à fond pour répondre de son salut ; et s'il est vrai qu'il n'y a guères de Héros pour leurs

Valets de chambre, on peut croire qu'il y a encore moins de Saints.

D'ailleurs, si le droit de canoniser les Catholiques est réservé au Pape seul, quelle témérité n'est-ce à un homme du monde de canopas niser des Payens de son autorité privée? Cette hardiesse ne seroit pas tolérable quand il ne s'agiroit qué de Payens morts avant la prédication de l'Évangile; mais sauver des Payens morts depuis la venue de J. C., des Titus, des Antonins, cela révolte; c'est comme si on sauvoit aujourd'hui l'Empereur de la Chine ou le Grand-Turc.

Tout cela est incontestable, ou il faut brûler nos livres. Mais, comme je l'ai déjà dit, en condamnant la doctrine, j'excusois l'intention de l'Auteur: après tout, me disois-je, entre les opinions des Théologiens favorables à l'ignorance invincible, et les erreurs de Bélisaire la différence n'est guères que du plus au moins. Pour distinguer sûrement dans ces matières, ce qui ést permis de ce qui ne l'est pas; pour fixer, entre ces nuances et ces dégradations imperceptibles d'opinions, la ligne indivisible qui sépare la foi de l'hérésie; il faut une certaine finesse de dialectique que l'habitude donne et que tout le monde n'a pas. Nous autres, qui nous sommes

exercés long-tems sur les bancs à cette précision délicate, nous nous tirons à merveille de toutes ces difficultés ; mais on rencontre journellement dans la société des gens d'ailleurs très-instruits, remplis d'esprit et de bon sens, qui ne comprennent rien à nos explications. Doit-on donc juger l'erreur d'un pauvre Laïc avec autant de sévérité qu'on jugeroit celle d'un Docteur? non sans doute, me disois-je; et telles êtoient mes dispositions, lorsque j'appris le scandale qu'excitoit au sein de la Faculté ce malheureux livre, dans lequel les yeux de nos Sages Maîtres ont su voir le Déisme tout pur.

On peut imaginer combien je fus humilié de n'y avoir vu qu'une simple inexactitude théologique sur le salut des Payens: je frémis et je sentis combien un jeune Bachelier doit se défier de ses propres lumières; je me hâtai de relire l'Ouvrage, pour tâcher d'y reconnoître le poison qui m'avoit échappé; mais quel fut mon étonnement, d'éprouver à la seconde lecture la même impression qu'à la première? Je savois, à n'en pouvoir douter, que le livre, à le prendre in globo, êtoit rempli de principes affreux; et presque toutes les maximes, prises en détail, m'en paroissoient respectables. En pensant que ce que mon cœur approuvoit le plus, êtoit peut-être ce

qu'il y avoit de plus condamnable, j'êtois (pour me servir de la belle comparaison employée par le grand Archevêque à qui nous devons Marie Alacoque), j'étois semblable à un homme placé devant une table couverte de mets délicieux, et qui, sachant que plusieurs de ces mets sont empoisonnés, sans pouvoir les discerner, est com battu entre la crainte et le désir.

Je crois que je serois tombé dans le désespoir, si un de mes amis ne m'avoit pas procuré l'imprimé des XXXVII Propositions extraites de Bélisaire par les Commissaires de la Faculté. A la voix de nos Maîtres, mes perplexités se sont dissipées, et mon esprit s'est senti tout à coup éclairé comme par la flamme du bûcher le plus lumineux (1).

En lisant, en étudiant ce choix de Propositions jugées dignes de la censure, j'ai connu les erreurs que je devois détester, et par une conséquence nécessaire, les vérités que je devois croire et chérir. Enfant docile de la sacrée Faculté, soumis de cœur et d'esprit aux précieuses instructions de cette bonne mère, j'ai cherché à m'en pénétrer de plus en plus, en me développant à moi-même la chaîne des vérités opposées

(1) Voyez plus bas, proposition XXXIV, page 335. Tome IX.

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aux erreurs qu'elle m'a fait connoître; et c'est dans cette vue que j'ai rédigé l'écrit que je donne au Public. Je me flatte qu'on y reconnoîtra l'esprit qui a dirigé le choix des propositions trouvées répréhensibles.

J'ai fait imprimer l'Ouvrage à deux colonnes, afin de mettre toujours le remède à côté du mal. Il est fâcheux que la forme oratoire de plusieurs de ces propositions n'ait pas toujours permis d'y opposer des contradictoires énoncées dans la forme logique et rigoureuse. Parmi les XXXVII propositions, il y en a de fort composées qui renferment d'autres propositions incidentes, ou des suppositions, soit expresses, soit tacites; il est quelquefois difficile de démêler ce qu'il y a de véritablement répréhensible dans ce bloc de propositions, et la vérité précise qui doit résulter de la condamnation. J'ai fait de mon mieux pour saisir le vrai but des Docteurs : j'ai êté obligé de me livrer à quelques explications; j'ai, dans le doute, envisagé les propositions sous tous les aspects possibles, ce qui m'a donné plusieurs contradictoires très-différentes, entre lesquelles le Lecteur choisira, s'il n'aime mieux (ce qui est peut-être le plus sage) se contenter de croire implicitement qu'il y en a une de vraie, en attendant patiemment que la

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