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LETTRE circulaire aux Officiers Munici paux sur les Rôles des Tailles dans les Villes (1).

Limoges, le 31 août 1762.

APRÈS avoir pris, Messieurs, toutes les précautions qui m'ont paru les plus efficaces pour assurer l'exactitude et la justice de la répartition des impôsitions que doivent supporter les Taillables de la Campagne, en envoyant dans toutes les Paroisses des Commissaires chargés de vérifier les rôles, je crois devoir porter également mon attention sur la répartition des impositions auxquelles sont assujettis les Habitans des Villes. La multitude des plaintes que j'ai reçues me persuade qu'il s'y est glissé beaucoup d'abus, qui peut-être seront trèsdifficiles à réformer. Ces abus prennent leur source dans la nature de l'impôsition, qui ne peut être répartie que d'une manière arbitraire, sujette par conséquent à l'incertitude et à la faveur. Mais plus

ces inconvéniens semblent naturellement attachés à la nature même de l'impôsition, plus il faut redoubler de soins et de précautions pour les éviter, et pour se mettre en êtat de rendre raison, autant qu'il est possible, à chaque Contribuable de sa cote.

Il est évident que le premier pas à faire pour asseoir exactement l'imposition, est de connoître tous les Contribuables, et de s'en procurer un êtat complet. Il doit arriver journellement tant de chan

(1) La place de cette Lettre et des deux suivantes, si on les avait eues plustôt, aurait êté au tome IV, après la Lettre au Contrôleur général, et avant le Mémoire sur les doubles emplois qui avaient lieu dans l'Élection d'Angoulême.

gemens

gemens dans une grande ville, que si ces états ne sont pas refaits, ou du moins vérifiés chaque année, ils ne peuvent manquer de devenir bientôt inutiles. Les omissions doivent se multiplier dans les rôles, et les Particuliers dont la fortune est diminuée doivent continuer à payer les mêmes impositions. Je souhaite que les rôles des villes considérables de la Généralité ne soient pas dans le cas de donner lieu à de pareils reproches.

Quelque connoissance que vous ayiez, Messieurs, des noms et des facultés des Habitans de votre ville, et quelque peine que vous preniez, il me paroîtra toujours impossible qu'un petit nombre de personnes puissent, dans une ville un peu grande,

savoir exactement les noms et les facultés de tous les Contribuables, et les variations que les événemens y apportent tous les ans.

Je pense donc que le meilleur moyen d'acquérir toutes les connoissances nécessaires pour appuyer désormais la répartition sur une base solide, est de partager le travail entre un grand nombre de personnes, dont chacune ne soit chargée que d'un certain Canton. Le Corps de ville, par exemple, pourroit nommer deux Bourgeois pour vérifier chaque Isle de maisons.

Le premier travail de ces deux Commissaires seroit de reconnoître chaque maison, et de les noter toutes l'une après l'autre sur un registre par ordre de numéro en faisant le tour de l'Isle. Comme les constructions nouvelles sont peu fréquentes, ce dénombrement des maisons auroit rarement besoin de réforme, et il pourroit pendant plusieurs années servir de guide pour les vérifications.

Je crois qu'il conviendroit de destiner à chaque maison un quarré de papier, en tête duquel seroit le numéro de la maison.

Tome IX.

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La première colonne contiendroit le nom du Propriétaire avec l'espace nécessaire pour y établir les changemens successifs.

Dans la seconde colonne on écriroit les noms et surnoms de ceux qui occupent actuellement ou la maison entière ou ses différentes parties, le nom même du Propriétaire y seroit répété lorsqu'il occuperoit lui-même sa maison.

L'on marqueroit avec soin dans cette même colonne la profession de chaque locataire, s'il est veuf ou marié, le nombre de ses enfans et de ses domestiques. Et si c'est un Marchand ou un Artisan, le nombre de ses compagnons logeant chez lui.

Les autres colonnes, tant sur le recto que sur le verso, serviroient pour établir les changemens d'année en année; au moyen de quoi le registre une fois formé pourroit durer un assez grand nombre d'années, au bout desquelles il seroit facile de le renouveller. Je joins à cette Lettre un modèle de la forme qui me paroît convenir à ces registres.

Si l'on nommoit deux Commissaires pour chaque Isle de maison, ils n'auroient certainement que bien peu de travail, et je pense que quand les Isles sont petites on peut charger les mêmes Commissaires d'en opérer de la même manière deux ou trois. Mais il faudroit toujours que le dénombrement de chaque Isle fut séparé, en sorte que dans chacune les maisons fussent comptées en commençant par le No. I.

Les dénombremens de toutes les Isles réunies formeroient le dénombrement total de la ville, dans lequel, pour éviter la confusion, l'on désigneroit chaque Isle par une lettre de l'alphabet, ou mieux encore par le nom du principal édifice. Ce dénom

brement général comprenant tous les Habitans sans exception, il suffiroit d'en faire le relevé nom par nom, pour former le canevas du rôle, dans lequel je pense qu'il faudroit, comme dans les rôles de la campagne, laisser subsister les noms des Privilégiés. pour mémoire seulement, et sans les assujettir à l'impôsition.

Ce premier travail ne présenteroit encore qu'une simple énumération des Contribuables sans aucune indication de leurs facultés, auxquelles cependant doit être proportionnée l'imposition. Il faudroit donc que les mêmes Commissaires qu'on auroit l'attention de choisir parmi les plus honnêtes gens, et les plus intelligens de chaque Canton, recueillissent tous les renseignemens qu'ils pourroient se' procurer sur la fortune de chacun des Contribuables compris au dénombrement, sur leur industrie et leur commerce, sur les accidens ou dérangemens qu'ils auroient pu essuyer, sur les charges de toute espèce qu'ils supporteroient.

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Ces renseignemens seroient inscrits sur un registre particulier d'observations, maison par maison, et dans chaque maison, article par article en suivant tous les noms des Contribuables dans le même ordre dans lequel ils sont écrits au registre du dénombrement.

Le registre d'observations pourroit être écrit sur du papier plié en trois, dont deux colonnes resteroient en blanc, afin de laisser un très-grand espace pour placer les nouvelles connoissances qu'un examen plus approfondi pourra procurer, et les changemens que les années subséquentes ameneront dans la fortune des mêmes personnes. Il seroit aussi nécessaire de laisser pour chaque maison un espace blanc considérable dans la colonne même destinée

à être remplie, pour y placer dans la suite les nouveaux articles occasionnés par les changemens de locataires.

Avec ces précautions, le même registre pourra durer plusieurs années, ainsi que celui du dénombrement auquel il correspondra pour l'ordre; et d'après ces deux registres, rien ne sera plus aisé que de former un projet de répartition dans lequel l'équité sera aussi exactement observée qu'il est possible dans une forme d'impôsition dont l'arbitraire est malheureusement inséparable.

L'espace de six semaines qui reste encore d'ici au département, me paroît suffire pour remplir entièrement ce plan dans chaque Ville au moyen du petit nombre de maisons dont les commissaires seront chargés chacun en leur particulier. Je vous prie en conséquence de vouloir bien procéder incessamment aux choix des Commissaires pour chaque Canton de votre Ville. Lorsqu'ils auront achevé leur opération, je me réserve de prendre les mesures qui me paroîtront les plus convenables pour faire, d'après les connoissances que leur travail aura procurées, la répartition la plus juste qu'il sera possible.

Je joins un modèle fictif du registre, et je suis très-parfaitement, etc.

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