ÆNEIDOS. LIBER QUARTUS. SECTIO PRIM A. Ar Regina, gravi jam dudum saucia curâ, Vulnus alit venis, et cæco carpitur igni. «Anna soror, quæ me suspensam insomnia terrent? »Quis novus hic nostris successit sedibus hospes? Quem sese ore ferens! quam forti pectore et armis ! >> Credo equidem, nec vana fides, genus esse Deorum. >> Degeneres animos timor arguit. Heu quibus ille >>Jactatus fatis! quæ bella exhausta canebat! >> Si mihi non animo fixum, immotumque sederet, >>Ne cui me vinclo vellem sociare jugali, >> Postquam primus amor deceptam morte fefellit ; »Si non pertæsum thalami tædæque fuisset; DIDON. 63 CHANT PREMIE R. DEJA Didon, la superbe Didon brûle en secret. Son cœur Nourrit le poison lent qui la consume et court de veine en veine. Enfin lorsque l'Aurore a de ses feux blanchi l'horizon, Lorsque du jour naissant les clartés ont chassé les ombres'; Triste, abattue elle accourt à sa sœur, la réveille, et déposant Dans son sein la douleur qui l'accable, en adoucit l'amertume. <«< Anne ma sœur,quels troubles nouveaux ont assailli mes sens? >> Quel coup du sort jetta dans nos murs cet étranger?Que ses traits >> M'ont paru beaux! que sa grâce me plaît! quej'approuve sa fierté! » Digne du sang des Dieux, je le crois leur fils: ce ne sont point >> Des bruits vains; j'en crois sa valeur qui décèle sa naissance. >> Quels destins rigoureux! mais quel courage! as-tu remraqué » Ces combats, ces faits éclatans que sa bouche racontoit? >> Qu'il seroit digne, ma sœur, d'un sort plus doux! Si ma raison >> Contre tout engagement n'étoit affermie, inébranlable; >> Douceurs d'un premier choix! prestiges flatteurs qui m'abusâtes! » Frêle bonheur! Si depuis que la mort t'obscurcit de ses ombres, » L'hymen et ses flambeaux ne m'étoient horribles, ce cœur foible >> Eût à cette erreur seule peut-être, eût craint de succomber. >> Car je l'avouerai, depuis qu'un monstre, un frère détestable » Vint frapper dans mes bras mon époux et m'inonder de sonsang; » Huic uni forsan potui succumbere culpæ. >> Anna, fatebor enim, miseri post fata Sichæi Conjugis, et sparsos fraternâ code penates; >> Solus hic inflexit sensus, animumque labantem »Impulit. Agnosco veteris vestigia flammæ. >> >> Sed mihi vel tellus optem prius ima dehiscat; >> Vel Pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras, כל >> Pallentes umbras Erebi, noctemque profundam; » Ante pudor quam te violo, aut tua jura resolvo. Ille meos, primus qui me sibi junxit, amores >> Abstulit: ille habeat secum, servetque sepulcro. » Sic effata, sinum lacrymis implevit obortis. Anna refert : « O luce magis dilecta sorori, >>Solane perpetuâ morens carpere juventâ? » Nec dulces natos, Veneris nec præmia noris? >> Id cinerem, aut manes credis curare sepultos? >> Esto: ægram nulli quondam flexere mariti; »Non Libyæ, non ante Tyro despectus Iarbas, >> Ductoresque alii, quos Africa terra triumphis >> Dives alit: placito ne etiam pugnabis amori? >> Nec venit in mentem quorum consederis arvis? » Hinc Getulæ urbes, genus insuperabile bello; >>Et Numidæ infræni cingunt, et inhospita Syrtis: >> Hinc deserta siti regio, lateque furentes » Barcæi. Quid bella Tyro surgentia dicam, >>Germanique minas? » Seul >> Seul, ce Troyen, a pu quelques momens suspendre ma tristesse. » Mon cœur flétri renaît à sa vue, et s'étonne de sentir. >> Des feux dont il brûla seroit-ce encore une étincelle? » Vertu sacrée, austère devoir que je tremble d'offenser! >> Plutôt sous mes pas que la terre s'abîme ! que les Dieux >> S'arment de leurs carreaux vengeurs, et me plongent à l'instant >> Au fond des redoutables cachots de l'Érèbe et du Tartare! >> Sainte pudeur! s'il faut que Didon manque un jour à tes loix. » Ombre adorée, à qui mes sermens ont engagé mon cœur! » O cher époux ! mes vœux, mon amour t'ont suivi ! qu'avec toi >> Ils soient ensevelis au fond de ta tombe!» De ses yeux, En finissant ces mots, des larmes coulèrent, et baignèrent Son sein. «O mon amie, ô sœur plus chère que mes jours, >> Peux-tu » dit Anne «ah peux-tu vouloir dans un deuil éternel » Ensevelir ta jeunesse ? jamais ne connoître ce plaisir >> Enchanteur de répondre au titre de mère, de voir croître >> Ses enfans, doux fruits de l'amour, plus doux que l'amour même? » Ausouvenir d'un époux faut-il donc t'immoler? Qu'importe >>> Sous une tombe à sa cendre glacée? En proie à l'amertume >> Ton cœur contre l'amour s'étoit armé: de mille prétendans >> Les importunités n'ont point encore pu le fléchir : » J'y consens. Qu'en vain cet Iarbas déjà refusé » Dans Tyr, sur ce rivage encor te fatigue de ses vœux. >> Mais cède au penchant qui te plaît. Tu le peux, tu le dois même. » Les sauvages cruels, au bord des Syrtes répandus; » Aucun frein; l'habitant des sables arides de Barca >> Exerçant au loin ses impitoyables brigandages. » Faut-il parler de Tyr? des coups que médite la vengeance » D'un frère? Ah! les Dieux sans doute propices, Junon même, Tome IX. 5 >>Dis equidem auspicibus reor, et Junone secundâ, >> Tu modo posce Deos veniam : sacrisque litatis, ע Exquirunt : mactant lectas de more bidentes Heu! vatum ignaræ mentes! quid vota furentem, Uritur infelix Dido, totâque vagatur Urbe furens. Qualis conjectâ cerva sagittâ, Quam procul incautam nemora inter Cressia fixit |