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dans son geste et: maintien la sérénité propre d'un Dieu qui méprise son ennemi, et qui se fait un jeu de la victoire *. Un autre, imitant les accents naturels, fera ouir à peu près les mêmes inflexions qui tous les jours s'entendent dans les voix passionnées; mais moi, je choisirai ces mêmes inflexions, je les corrigerai de ce qu'elles ont de dur et de désagréable, les reglerai suivant la mélodie la plus exquise, ferai que les modulations circulent artificieusement à Fentour du ton dominant, pénètrerai jusqu'aux fibres les plus cachées du cœur, irai toucher les points les plus délicats de la sensibilité, arracherai par force les larmes, transporterai l'imagination, et soumettrai les facultés de l'ame **. Un imitateur du naturel me dira, que, dans un tremblement de terre, le sol, s'ébranle, les montagnes se séparent, les cavernes s'entr'ouvrent, et que de leurs gouffres s'élancent des feux dévorants, qui détruisent tout ce qu'ils rencontrent; mais moi, embrassant à la fois le ciel, la mer, la terre et les enfers, je ferai croire que ce qui semble cause naturelle n'est autre chose qu'un mou* L'Apollon du Belvédère.

** Gluck, Lulli, Handel, Pergolėse.

vement de la colère divine je représenterai Neptune sapant de son trident les murs pro fonds de l'antique Troie, et menaçant les fon dements du globe terrestre à ses horribles coups tremblent les arbres de l'Ida, vacillent les sommets de l'Antandre; la mer épouvantée se retire loin de sa rive, les vaisseaux sont sur le point de se perdre, et jusqu'à Pluton luimême, Pluton, monarque des abîmes, s'élance effrayé de son trône, en criant, par les espaces infernaux, à Neptune, de cesser de frapper, de peur que les éléments ne se confondent, et que la brillante lumière du jour ne s'altère à la vue de ces effroyables régions *. De même un poëte ordinaire se contentera de me dire que le soleil, lorsqu'il se lève, voyage par l'horizon, dore les cieux, réjouit l'air, récrée la terre, et donne l'être et la vie aux choses; mais moi, ajoutant aux beautés du monde visible les beautés du fantastique, je le décrirai précédé de l'aurore, riante fille du matin, qui, avec ses doigts de rose, met en fuite les ténèbres le soleil, vêtu de pourpre et couronné de rayons, ira sur un char, dont l'essieu, le timon et les

* Homère. Iliad. liv. 20.

roues sont d'or, où se verront incrustés des milliers de rubis, d'émeraudes, et d'autres pierres précieuses. Les chevaux qui le tirent, nourris d'ambrosie, seront aussi blancs que la neige, et leur blancheur sera de temps en temps interrompue par quelques belles taches tirant sur le rouge. Devant eux iront en courant les heures, sous la figure de jeunes filles très agiles, qui, demi-nues, et la tête parée de guirlandes de fleurs, tiendront en main les rênes. Aux deux côtés du char se verront les jours, les mois, et l'année avec ses quatre saisons, que tous j'ornerai de vêtements et de couleurs idéales, qui embelliront merveilleusement la narration *. Ainsi, les amateurs de la beauté me sauront gré d'avoir accru et multiplié leurs jouissances; et moi, sans tache de vanité, je pourrai répéter avec Horace :

Quæsitam meritis sume superbiam. »

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(Ce fragment est tiré d'une traduction manuscrite de M. Bourdau fils, de Nogent-le-Rotrou.)

* Ovide, Métam. liv. 2.

SUR BEAUMARCHAIS.

BEAUMARCHAIS cultiva les lettres avec le même esprit qu'il avoit porté dans les affaires; et, dans ces deux carrières si différentes, il fit sa fortune par des moyens. à peu près sem

blables.

Son premier Mémoire, contre le conseiller Goëzmann, eut et devoit avoir un débit prcdigieux. La malignité d'un public frivole trouvoit réunis pour la première fois, dans une discussion juridique, des anecdotes scandaleuses, une ironie légère, un style semé de réflexions hardies et de bons mots audacieux. Si l'on ajoute à ces moyens nouveaux la faveur des circonstances et l'intérêt des passions, on concevra comment cet ouvrage fit à Beaumarchais unc grande renommée, et l'environna, pour ainsi dire, d'une faveur insultante et protectrice, qui prépara le succès de toutes ses productions.

Les Factums qui le suivirent, et ceux qu'il publia depuis contre Bergasse et Kornmann, sont d'une bouffonnerie si grossière, l'injure et les calembourgs y remplacent d'une manière si

dégoûtante la plaisanterie et la raison, que l'on refuse assez généralement à Beaumarchais l'honneur d'être l'auteur du premier mémoire.

Il est vrai que, dans cette dernière cause, il avoit un adversaire plus redoutable. Nic. Bergasse, à peine connu jusqu'alors par ses Considérations sur le magnétisme animal, ouvrage d'une imagination trop facilement séduite, développa tout à coup des talents d'un ordre supé rieur La faveur et l'immoralité détruisant les principes conservateurs de l'ordre social, une coalition de corrupteurs effrontés, pour qui le déshonneur d'une mère et la ruine d'une famille n'étoient qu'une distraction piquante et fugitive, voilà ce qu'il crut voir, et ce qu'il osa peindre dans le procès du banquier Kornmann. Son éloquence passionnée eut le pouvoir d'arrêter le tourbillon des folies à la mode, et tous les yeux se fixèrent sur un homme qui sembloit être le vengeur de la morale publique. Beaumarchais soutint mal dans cette lutte pénible l'opinion qu'il avoit donnée de sa force et de ses moyens. Les saillies de Figaro ne désarmèrent point la sévérité du public indigné; et le fameux portrait du malheureux qui suoit le crime épouvanta pour quelque temps la frivolité du vice et le

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