« Mais lorsque la patrie est presque sans défense, yeux « Si du bras d'un mortel son sort pouvoit dépendre, M. BECQUET. Que le lecteur se donne la peine de comparer cette traduction à l'original, il trouvera qu'en effet l'une est assez bien calquée sur l'autre; mais, que lui manque-t-il ? l'élégance dans le tour, l'harmonie dans l'expression, et cette fermeté de style qui n'appartient qu'à l'homme pour écrire en vers. Au lieu de relever tous né * C'est le meilleur morceau de la traduction de M. Becquey. les défauts de cette traduction, nous lui opposerons les beautés de la suivante; et cette espèce de critique apprendra à M. Becquey tout ce qui lui manque encore pour mériter le titre de traducteur de Virgile. Il verra combien il y a loin du style lapidaire au style poétique. SONGE D'ÉNÉE. C'étoit l'heure où du jour adoucissant les peines, ate Tous les coups qu'il reçut autour de sa patrie. « Quels lieux ont si long-temps prolongé ton absence! «Oh! qu'on t'a souhaité! mais pour nous secourir «Est-ce ainsi qu'à nos yeux Hector devoit s'offrir? 4 «‹ Quand à ses longs travaux Troie entière succombe, Quand presque tous les tiens sont plongés dans la tombe, « Pourquoi ce sombre aspect, ces traits défigurés, « Ces blessures sans nombre et ces flancs déchirés?»> Hector ne répond point; mais du fond de son ame Tirant un long soupir : « Fuis les Grecs et la flamme, Fils de Vénus, dit-il, le Destin t'a vaincu, «Fuis, hâte-toi, Priam et Pergame ont vécu. «Jusqu'en leurs fondements nos murs vont disparoître; « Ce bras nous eût sauvés, si nous avions pu l'être. « Cher Énée! ah! du moins dans ses derniers adieux «Pergame à ton amour recommande ses Dieux. «Porte au-delà des mers leur image chérie, « Et fixe-toi près d'eux dans une autre patrie. » Il dit, et dans ses bras emporte à mes regards La puissante Vesta qui gardoit nos remparts, Et ses bandeaux sacrés, et la flamme immortelle Qui veilloit dans son temple et brûloit devant elle. M. DE FONTANES. (Cet article est d'un ancien professeur de rhétorique.) DISCOURS ET FRAGMENTS DE M. BERGASSE. Un vol. in-8°, br. A Paris, chez Gueffier imprimeur, rue du Foin S.-Jacques. PARMI tant de noms que notre révolution a rendus célèbres, celui de M. Bergasse est un de ceux qui ont conservé le plus d'éclat, et surtout de considération. On se souvient encore de ses plaidoyers éloquents, qui, par la hardiesse des pensées, l'étendue des vues et l'énergie de l'expression, devancèrent les plus fameux dis-, cours de nos orateurs politiques. On se souvient sur-tout du procès qu'il soutint contre Beaumarchais; lutte inégale! qui montra combien l'esprit seul, avec toutes ses ressources, est petit et foible contre le vrai talent appelé au secours des mœurs et de la vérité. L'homme qui avoit occupé toute l'Európe de ses mémoires ingénieux, et qui avoit accablé Goesman du poids de sa supériorité, se vit réduit à chercher sa vengeance dans les moyens honteux qu'il avoit su repousser lui-même avec tant de grace et de vigueur. Mais la Mère coupable ne compromit dans l'opinion publique que l'honneur et le goût de son au teur. On n'a point oublié non plus que M. Bergasse, appelé dans nos assemblées, où son élocution facile et son courage lui promettoient une gloire certaine, pensa que dans ces temps de trouble et d'intrigue la dignité d'un homme de bien étoit dans le silence et la retraite. Il se contenta de protester contre la domination des factieux, et, regardant les transactions comme une sorte de complicité, il se laissa volontairement ravir la faculté de délibérer. Nous rendons justice aux défenseurs des principes qui luttèrent avec plus ou moins de succès; mais le citoyen austère qui s'enveloppe de son manteau à l'approche des dissensions civiles, acquiert une autorité prophé tique et des droits plus grands à la confiance, quand l'évènement a justifié sa prévoyance. Au reste, M. Bergasse n'a point perdu les loisirs de sa solitude. On annonce sous son nom un ouvrage important qui a pour titre : De la loi des étres et de leur destinée, avec cette épigraphe: Cogitavi dies antiquos, et annos æternos in mente habui. |