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« Mais lorsque la patrie est presque sans défense,
« Lorsqu'en foule au tombeau les tiens ont descendu,
« Après tous nos malheurs, quel tu nous es rendu!
« D'où viennent de ton front les indignes souillures?
« Quelle barbare main t'a couvert de blessures? »
Mais lui, sans s'arrêter à tous ces vains propos
De son cœur oppressé tirant de longs sanglots :
« Hélas! fuis, me dit-il, ô fils d'une Déesse,
<< Fuis; la cruelle Argos de nos murs est maitresse;
« D'Ilion, dans les feux, s'engloutit la grandeur.
« Ses périls ont assez occupé ta valeur ;

yeux

« Si du bras d'un mortel son sort pouvoit dépendre,
« Ce bras, depuis long-temps, auroit su le défendre.
« Pergame te confie et son culte et ses dieux.
« Qu'ils suivent ton exil; va fonder sous leurs
«Des murs où par-delà les plaines de Neptune
" Doit se fixer un jour ton errante fortune. »
Il dit, et de Vesta dépouillant les autels,
M'apporte son image et ses feux immortels. *

M. BECQUET.

Que le lecteur se donne la peine de comparer cette traduction à l'original, il trouvera qu'en effet l'une est assez bien calquée sur l'autre; mais, que lui manque-t-il ? l'élégance dans le tour, l'harmonie dans l'expression, et cette fermeté de style qui n'appartient qu'à l'homme pour écrire en vers. Au lieu de relever tous

* C'est le meilleur morceau de la traduction de M. Becquey.

les défauts de cette traduction, nous lui opposerons les beautés de la suivante; et cette espèce de critique apprendra à M. Becquey tout ce qui lui manque encore pour mériter le titre de traducteur de Virgile. Il verra combien il y a loin du style lapidaire au style poétique.

SONGE D'ÉNÉE.

C'étoit l'heure où du jour adoucissant les peines, ate
Le sommeil, grace aux Dieux, se glisse dans nos veines.
Tout à coup le front pâle et chargé de douleurs,
Hector près de mon lit a paru tout en pleurs,
Et tel qu'après son char la victoire inhumaine,
Noir de poudre et de sang, le traŝua sur l'arène.
Je vois ses pieds, encore et meurtris et percés
Des indignes liens qui les ont traversés.
Hélas! qu'en cet état de lui-même il diffère!
Ce n'est plus cet Hector, ce guerrier tutélaire,
Qui, des armes d'Achille orgueilleux, ravisseur,
Dans les murs paternels revenoit en vainqueur;
Ou courant assiéger les vingt rois de la Grèce,
Lançoit sur leurs vaisseaux la flamme vengeresse.
Combien il est changé! le sang de toutes parts
Souilloit sa barbe épaisse et ses cheveux épars;
Et son sein étaloit à ma vue attendrie

Tous les coups qu'il reçut autour de sa patrie.
Moi-même il me sembloit qu'au plus grand des héros,
L'oeil de larmes noyé, je parlois en ces mots :
"O des enfants d'Ilus la gloire et l'espérance!

« Quels lieux ont si long-temps prolongé ton absence! «Oh! qu'on t'a souhaité! mais pour nous secourir

«Est-ce ainsi qu'à nos yeux Hector devoit s'offrir?

4

«‹ Quand à ses longs travaux Troie entière succombe,

Quand presque tous les tiens sont plongés dans la tombe, « Pourquoi ce sombre aspect, ces traits défigurés, « Ces blessures sans nombre et ces flancs déchirés?»>

Hector ne répond point; mais du fond de son ame Tirant un long soupir : « Fuis les Grecs et la flamme, Fils de Vénus, dit-il, le Destin t'a vaincu,

«Fuis, hâte-toi, Priam et Pergame ont vécu. «Jusqu'en leurs fondements nos murs vont disparoître; « Ce bras nous eût sauvés, si nous avions pu l'être. « Cher Énée! ah! du moins dans ses derniers adieux «Pergame à ton amour recommande ses Dieux. «Porte au-delà des mers leur image chérie, « Et fixe-toi près d'eux dans une autre patrie. » Il dit, et dans ses bras emporte à mes regards La puissante Vesta qui gardoit nos remparts, Et ses bandeaux sacrés, et la flamme immortelle Qui veilloit dans son temple et brûloit devant elle.

M. DE FONTANES.

(Cet article est d'un ancien professeur de rhétorique.)

DISCOURS ET FRAGMENTS

DE M. BERGASSE.

Un vol. in-8°, br. A Paris, chez Gueffier imprimeur, rue du Foin S.-Jacques.

PARMI tant de noms que notre révolution a rendus célèbres, celui de M. Bergasse est un de ceux qui ont conservé le plus d'éclat, et surtout de considération. On se souvient encore de ses plaidoyers éloquents, qui, par la hardiesse des pensées, l'étendue des vues et l'énergie de l'expression, devancèrent les plus fameux dis-, cours de nos orateurs politiques. On se souvient sur-tout du procès qu'il soutint contre Beaumarchais; lutte inégale! qui montra combien l'esprit seul, avec toutes ses ressources, est petit et foible contre le vrai talent appelé au secours des mœurs et de la vérité. L'homme qui avoit occupé toute l'Európe de ses mémoires ingénieux, et qui avoit accablé Goesman du poids de sa supériorité, se vit réduit à chercher sa vengeance dans les moyens honteux qu'il avoit su repousser lui-même avec tant de grace et de vigueur. Mais

la Mère coupable ne compromit dans l'opinion publique que l'honneur et le goût de son au

teur.

On n'a point oublié non plus que M. Bergasse, appelé dans nos assemblées, où son élocution facile et son courage lui promettoient une gloire certaine, pensa que dans ces temps de trouble et d'intrigue la dignité d'un homme de bien étoit dans le silence et la retraite. Il se contenta de protester contre la domination des factieux, et, regardant les transactions comme une sorte de complicité, il se laissa volontairement ravir la faculté de délibérer. Nous rendons justice aux défenseurs des principes qui luttèrent avec plus ou moins de succès; mais le citoyen austère qui s'enveloppe de son manteau à l'approche des dissensions civiles, acquiert une autorité prophé tique et des droits plus grands à la confiance, quand l'évènement a justifié sa prévoyance.

Au reste, M. Bergasse n'a point perdu les loisirs de sa solitude. On annonce sous son nom un ouvrage important qui a pour titre : De la loi des étres et de leur destinée, avec cette épigraphe: Cogitavi dies antiquos, et annos æternos in mente habui.

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