Obrázky na stránke
PDF
ePub

forment aux lois qui en dérivent; et le désordre dont toutes les langues ont fait le synonyme de maladie, et que tous les peuples, avertis par la raison et l'expérience, regardent comme un symptôme de mort, n'est que la violation des lois naturelles.

De là cet effroi qui s'empare des hommes, quand ils croient apercevoir un dérangement dans les lois du monde matériel. L'univers leur semble toucher à sa fin. L'esprit un moment a douté de l'ordre, et l'épouvante consterne les cœurs.

Rien d'indépendant, rien d'isolé dans la création: expression, si je l'ose dire, d'une magnifique pensée de Dieu, les êtres s'y lient aux êtres, et les mondes aux mondes, comme les mots s'enchaînent dans le discours; mais la liaison la plus intime, la plus nécessaire, est sans doute celle de cette pensée même avec la puissante raison qui l'a produite. Et nous savons qu'en s'élevant encore plus haut, et, comme parle Leibnitz, jusque dans la région infinie des essences, on découvre, à travers un voile de lumière, trois personnes liées par des rapports à jamais immuables; en sorte que, dans le fond le plus secret de son être, Dieu luimême est une grande et éternelle société.

le

Mais, pour considérer l'homme en particulier, corps n'a-t-il pas les lois de sa vie, expression

de ses rapports avec les autres corps, et de ses différentes parties entre elles? Que ces lois soient troublées, le corps souffre; qu'elles soient totalement interverties, il périt. En qualité d'êtres physiques, la plupart des substances matérielles, brutes ou organisées, l'air, la lumière, l'eau, les plantes, nous sont immédiatement nécessaires pour nous conserver; nous vivons dans une dépendance absolue de tout ce qui nous environne, et pour nous assurer un seul moment d'existence, des millions de rapports, dont la chaîne s'étend du grain de sable imperceptible jusqu'au soleil le plus éloigné de notre système, doivent se maintenir invariables.

Mais qu'est-ce que ces rapports purement physiques, comparés à ceux qui nous unissent avec les êtres intelligens? et combien j'ai pitié de ces esprits bassement curieux, qui, oubliant tout le reste, se réjouissent en eux-mêmes et s'admirent quand ils ont aperçu quelque relation nouvelle entre les corps. N'apprendront-ils donc jamais à s'élever audessus des organes, et à connoître des lois plus nobles que celles du mouvement et de la pesanteur? Des rapports de l'homme avec ses semblables, je vois naître l'ordre moral, la raison, la société, si nécessaire que, hors d'elle, l'homme ne peut ni se perpétuer, ni se conserver, comme elle-même

ne se conserve et ne se perpétue qu'en se conformant aux lois qui résultent de la nature de l'homme. Point de salut pour elle que dans la possession de la vérité et la soumission à l'ordre; et, pour nous, point de vie que celle qu'elle nous communique. Qu'importe qu'on cite trois ou quatre animaux à face humaine trouvés dans les bois, où, sans idées, sans langage, mus par d'aveugles appétits, ils partageoient la pâture des bêtes : certes, ce n'est pas là l'homme. Et encore, ces êtres imparfaits appartenoient originairement à la société, et lui devoient, avec la naissance, une première éducation; car on ne prétendra pas qu'un enfant, jeté dans les forêts en sortant du sein de sa mère, privé de force et d'expérience, ait pu subsister deux jours.

Mais, je le répète, ce n'est pas là l'homme; manger, digérer, dormir, ce n'est pas toute sa destinée, et l'on consentira peut-être à lui permettre d'autres fonctions: ce seroit aussi trop lui ravir, que de le déshériter à la fois de la pensée, de la parole, de la vertu, de l'espérance et de l'amour. Or j'ai prouvé que toutes ces choses sont des dons de la société. Pour aimer il faut connoître, pour connoître il faut avoir entendu ou vu parler; car on parle aux yeux comme à l'oreille, et l'écriture n'est qu'une parole figurée. Ainsi, hors de la société, la vie

morale et intellectuelle s'éteint de même que la vie physique, et, séparé de ses semblables, l'homme meurt tout entier.

Que sera-ce donc séparé de Dieu, de la vérité suprême et du souverain bien? La violation d'une seule loi du corps, un léger désordre dans nos organes, devient pour nous une cause de souffrances et de mort; et nous violerions impunément les lois de la raison, la règle éternelle des devoirs, l'ordre conservateur des intelligences! Nos désirs ignorans et notre volonté pervertie prévaudraient -contre la sagesse, la justice et la toute-puissance! Que ceux-là s'en flattent, qui se sentent assez forts pour vaincre Dieu.

Deux sortes de rapports nous unissent à lui, parce qu'il est tout ensemble et le principe de notre vie, et le pouvoir de la société à laquelle nous appartenons comme êtres intelligens. Violer ces rapports, c'est donc, premièrement, violer notre nature, et nous constituer dans un état de ruine; en second lieu, c'est violer les lois de la société dont nous sommes membres, et la loi fondamentale de toute société, qui est l'obéissance au pouvoir. Or, si dans ce monde d'épreuve, image fugitive de notre vraie patrie, celui-là est retranché de la société qui en viole les lois', qui désobéit au pouvoir, pense-t-on que, dans la société par

faite dont Dieu est le monarque, ce rapport de justice ou cette grande loi de l'ordre demeure sans exécution? Pense-t-on qu'il ne sache pas défendre son royaume et se défendre lui-même ? Il n'a pas besoin pour cela de sortir de son repos; l'ordre qu'il a établi se maintient ou se répare de soimême. Ici-bas la société rejette de son sein, ou punit de mort ceux qui la troublent; elle les dépouille de tous les biens qu'ils tenoient d'elle; ear la vie même est un bienfait de la société, et en l'ôtant à qui en abuse contre elle, elle ne fait que reprendre ce qu'elle avoit donné. De même, être retranché de la société éternelle, c'est être éternellement puni de mort, ou privé à jamais de tout bien, puisque Dieu les renferme tous. Mais ce retranchement terrible, ce n'est pas Dieu qui l'opère par un acte particulier; il est la suite, l'effet nécessaire de la violation des rapports qui nous unissent à lui; nous mourons à la vérité, à l'amour, à l'espérance, comme le corps meurt quand nous violons volontairement ses lois, et jamais l'âme ne périt que par un suicide.

Pour bien comprendre la misère d'une créature ainsi séparée de Dieu, il faut nous souvenir qu'il est notre lumière, le principe et le terme de notre amour, en sorte que nous ne nous aimons nous→ mêmes que par le mouvement qui nous porte vers

« PredošláPokračovať »