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recourir ailleurs à cette raison sans principe et à cet entendement sans règle, pour découvrir à leur aide la vraie Religion. « Cherchons-nous sin» cèrement la vérité, ne donnons rien au droit » de la naissance, et à l'autorité des pères et des pasteurs; mais rappelons à l'examen de la » conscience et de la raison, tout ce qu'ils nous » ont appris dès notre enfance. Ils ont beau me >> crier Soumets ta raison; autant m'en : peut dire » celui qui me trompe. Il me faut des raisons » pour soumettre ma raison (1).. » Et encore: «La foi s'assure et s'affermit par l'entendement : >> la meilleure de toutes les Religions est infailli»blement la plus claire..... Le Dieu que j'adore » n'est point un Dieu de ténèbres; il ne m'a point » doué d'un entendement pour m'en interdire

l'usage. Me dire de soumettre ma raison, c'est » outrager son auteur. Le ministre de la vérité ne tyrannise point ma raison; il l'éclaire (2).

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D'après Rousseau, l'on peut donc choisir entre deux méthodes, pour discerner la vraie Religion; l'une fondée sur le raisonnement, et l'autre qui l'exclut. « C'est, dit-il, le sentiment intérieur qui

(1) Emile, tom. III, pag. 9. (2) Ibid., tom. III, pag. 18.

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doit me conduire (1).... Ce que Dieu veut qu'un homme fasse, il ne lui fait pas dire par un >> autre homme, il le lui dit lui-même, il l'écrit » au fond de son cœur. »

S'il en est ainsi, tous les hommes doivent trouver la vraie religion écrite au fond de leur cœur, puisque sans doute elle renferme ce que Dieu veut que les hommes fassent, et, de plus, ce qu'il est nécessaire qu'ils croient; car encore faut-il croire en Dieu pour lui rendre un culte, et à une loi morale pour y obéir volontairement. Mais alors qu'on m'explique la diversité des Religions, « Si, » dit Rousseau, l'on n'eût écouté que ce que >> Dieu dit au cœur de l'homme, il n'y auroit

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(1) Ibid., pag. 2. Madame de Staël adopte cette doctrine, et l'applique à la politique même; en sorté que chacun doit chercher en soi-même ou dans ses sentimens intimes, quelle est la meilleure religion, la meilleure morale, la meilleure législation et la meilleure forme de gouvernement; car tout cela nous est connu par une révélation perpétuelle. Les expressions de cette femme phi. losophe sont trop curieuses pour ne pas les citer ici: « Il » n'est aucune question, ni de morale, ni de politique, » dans laquelle il faille admettre ce qu'on appelle auto>> rité. La conscience des hommes est en eux une révélation perpétuelle, et leur raison un fait inaltérable. Ce

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qui fait l'essence de la religion chrétienne, c'est l'ac

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jamais eu qu'une Religion sur la terre (1); c'est-à-dire que tous les hommes, dans tous les temps, auroient cru les mêmes dogmes et obéi aux mêmes préceptes.

Sophiste, répondez maintenant : N'y a-t-il qu'une Religion sur la terre? Est-ce là ce que nous voyons? et que devient votre règle démentie par les faits? En vain prétendrez vous que les hommes n'ont pas écouté. Ce n'est pas d'écouter qu'il s'agit, mais de sentir. Or les hommes ne sont pas maîtres de ne point sentir ce qu'ils sentent. Ils ne pourroient pas plus, dans votre hypothèse, confondre la vérité et l'erreur, que la souffrance et le plaisir. Ils ne pourroient ni se méprendre sur leurs devoirs, ni ne les pas remplir, puisque naturellement ils aimeroient le bien, et haïroient le mal. La vraie Religion seroit un sentiment invincible et le même dans tous. Elle seroit leur être même; car, en admettant la supposition des sentimens innés, on se représenteroit aisément l'homme dénué de toute idée acquise, mais il

>> cord de nos sentimens intimes avec les paroles de Jésus» Christ. » Considérations sur les principaux événemens de la révolution française, par madame la baronne de Staël; tom. III, pag. 15.

(1) Emile, tom. III, pag. 5.

seroit impossible de le concevoir privé de ce qui constitueroit le fond de sa nature morale et intel- ligente.

La diversité des Religions prouve donc que le sentiment n'est pas le moyen général établi de Dieu pour nous faire discerner la véritable. Voyez.combien de croyances opposées les hommes adoptent d'une conviction également ferme. Le sentiment du vrai et du faux, du bien et du mal, aussi variable que leurs idées, dépend de l'éducation, des préjugés, et de mille causes extérieures qui le modifient selon les lieux, les temps, les opinions reçues, les institutions. Loin d'être quelque chose de primitif et d'antérieur à la foi, c'est la foi qui le détermine, comme l'enseignement détermine la foi. Est-ce par sentiment que le chrétien croit à la Trinité, le Musulman à Mahomet, et l'Indien à Buddah? Est-ce par sentiment que certains peuples offroient à d'horribles divinités le sang de leurs enfans, ou leur sacrifioient la pudeur de leurs filles? Ils obéissoient à une loi fausse que Dieu certes n'avoit pas écrite dans leur cœur, et ils obéissoient sans remords, parce que y l'erreur de l'esprit enfantoit une erreur analogue de

sentiment.

L'homme n'apporte avec lui que des besoins, la société doit satisfaire, et peut seule satis

que

faire. Son corps a besoin d'alimens, la société les lui donne; son âme a besoin de vérité, la société ' la lui donne. Quel est l'enfant qui ait dit : Je sens Dieu, avant qu'on le lui eût fait connoître? On le lui nomme, il en a l'idée; on lui apprend à le prier, il en a le sentiment; on lui dit, ceci est bien, cela est mal, et la conscience se développe. Voilà l'ordre de la nature. Aussi n'existat-il jamais de peuple dont la Religion fût fondée sur le sentiment ou l'inspiration particulière de chaque individu. Tous, en croyant, se sont soumis à une autorité extérieure, et, selon leur pensée, originairement divine. Jamais il ne leur vint à l'esprit, que chacun, sans autre enseignement, trouvât la Religion dans son cœur. Tous les peuples déposent donc, avec une parfaite unanimité, contre le système qui fait du sentiment, ou de l'inspiration individuelle, ou de la révélation immédiate, le moyen général de reconnoître la vraie Religion. Or, comme nous l'avons déjà observé tant de fois, le témoignage du genre humain, expression de la raison universelle, est infaillible: le nier, c'est nier la raison et renoncer à la certitude.

Et en effet, quand Rousseau veut faire du sentiment le principe de la foi et la règle des mœurs, n'est-il pas conduit à nier la raison? Et

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