Obrázky na stránke
PDF
ePub

renoncer à cette chimère du sentiment, et chercher une autre voie pour discerner la vraie religion. La raison se présente, on la prend pour guide; on

Salmon, ministre à Coventry, enseignoit au peuple à jurer, à blasphemer, et à s'abandonner à tous les désordres de la chair. A Douvres, une femme coupa la tête à son enfant, sous prétexte d'un commandement particulier que Dieu lui avoit fait comme à Abraham. Une autre femme fut condamnée à York, en mars 1647, pour avoir crucifié sa mère, et sacrifié un veau et un coq. (Milner's Letters to a Prebendary.) - Stork, disciple de Luther, et fondateur de la secte des Abécédaires, soutenoit que les fidèles, pour éviter les distractions qui empêchent d'être attentifs à la voix de Dieu, devoient renoncer à l'étude, et ne pas même connoître les premières lettres de l'alphabet. (Vid. Osiander, cent, XVI, lib. 2. Stokman Lexic. voce abecedarii. ) Quelque absurde que paroisse une pareille doctrine, en admettant le principe de l'inspiration particulière, Stork étoit conséquent : et JeanJacques aussi est conséquent, lorsqu'après avoir dit, c'est le sentiment intérieur qui doit me conduire, il ajoute : Puisque plus les hommes savent, plus ils se trompent, » le seul moyen d'éviter l'erreur est l'ignorance. Ne ju» gez point, vous ne vous abuserez jamais. C'est la leçon » de la nature aussi-bien que de la raison. » (Emile, t. II, p. 156. Edit. de la Haye.) C'est grande pitié que de n'écouter que soi, car on finit par s'imposer silence à soimême; et désespérant de la vérité et de la vie, on cherche repos dans le néant.

«

le

pre

s'imagine pouvoir, à son aide, s'assurer de la vérité, et cette dernière erreur est pire que la mière; car, impuissante à rien établir, la raison individuelle ébranle toutes les croyances, obscurcit toutes les nations, et, toujours détruisant, s'avance de ruine en ruine, jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse dans un doute universel.

C'est pourtant à ce système d'examen et de discussion que s'arrêtent nécessairement les déistes et les sectaires. Le sentiment exclu comme règle de foi, il ne leur reste que le raisonnement; triste ressource dont nous allons démontrer l'insuffisance, en prouvant que la voie de raisonnement ou de discussion n'est pas le moyen général offert aux hommes pour discerner la vraie religion. Recueillons toutes nos forces pour attaquer l'orgueil dans son dernier retranchement.

CHAPITRE XIX.

Que la voie de raisonnement ou de discussion n'est pas le moyen général offert aux hommes

pour discerner la vraie religion.

Ce que nous avons de plus grand et tout ensem

ble de plus intime, c'est notre raison, notre entendement, cette sublime faculté de connoître qui nous rend semblables à Dieu, puisque par elle nous devenons participans de son être ou de sa vérité. Elevés ainsi au-dessus de la création matérielle, au-dessus des mondes qui roulent dans l'espace, au-dessus de tous les êtres qui ont reçu la vie et n'ont pas reçu l'intelligence, nous ne saurions concevoir une trop haute idée de nousmêmes. Par notre pensée, nous touchons de toutes parts à l'infini. Nul temps ne peut la borner, nulle étendue la circonscrire, et Dieu seul est assez vaste pour la contenir dans son immensité.

Ce n'est donc point parce qu'il se glorifie de

sa raison que l'homme s'égare, mais parce qu'il se méprend sur sa nature, en s'attribuant ce qui n'est pas à lui. Dans son orgueil, il confond la capacité de connoître, avec la puissance de produire. Il oublie que son intelligence, purement passive à l'origine, naît et se développe à l'aide des vérités qu'on lui donne, et qu'elle ne possède que ce qu'elle a reçu. Doué du pouvoir de combiner ces vérités primitives et d'en tirer des conséquences, pouvoir borné comme toute action d'un être fini, il cherche en soi la certitude ou la dernière raison des choses, et ne l'y trouvant pas, il commence à douter. Les vérités se retirent, la nuit se fait; au milieu de cette nuit, il cesse de se reconnoître lui-même; seul et fier de sa solitude, il essaie de créer; il remue d'obscurs souvenirs, et croit peupler d'êtres réels son entendement désert, parce qu'il évoque des fantômes. Mais bientôt détrompé, las de ce vain labeur, il ferme les yeux et s'assoupit dans des ténèbres éternelles,

Hors de Dieu tout est contingent; hors de lui rien n'existe que par sa volonté; lui seul est nécessairement; lui seul donc possède en lui-même la certitude. Il est certain de son être, parce qu'il se connoît; il est certain de l'existence des autres êtres, parce qu'il connoît ses volontés; et toute la

1

certitude que nous en pouvons avoir vient de lui, et repose sur son témoignage. C'est toujours là qu'il faut remonter, à un témoignage, à une autorité première, infaillible, sans quoi l'on ne peut pas même raisonner; car tout raisonnement présuppose quelque vérité antérieure, quelque principe certain d'où l'on part et qu'on ne prouve pas. Il n'importe que l'on comprenne clairement ce principe, cette vérité. Vouloir tout comprendre, c'est vouloir tout nier. Et, en effet, que comprenons-nous? Il n'y a pas une loi de la nature qui ne renferme l'infini, par conséquent pas un phé nomène que l'homme puisse pleinement expliquer et pleinement comprendre.

Comment donc parviendroit-il à découvrir avec certitude la vraie religion par le raisonnement? Connoître la religion, c'est connoître Dieu, c'est connoître l'homme, leur nature et les rapports qui en dérivent, ou les lois de l'intelligence : et l'on veut qu'il s'en aille à la recherche de ces lois dans les solitudes d'un esprit d'où l'on aura banni toute idée reçue de confiance sur le témoignage des autres hommes ou de la société. Est-ce ainsi que l'homme a vécu? Est-ce ainsi qu'il se conserve? A-t-il, avant de les admettre, discuté ses premières notions, qu'il ne pouvoit comparer rien? Qu'on nous explique par quelle industrie il

« PredošláPokračovať »