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son pendant ces siècles? Elle croyoit à Jupiter, à Mars, à Vénus. On ne voit pas qu'elle ait protégé une seule vérité, ni repoussé une seule erreur. Et lorsque les passions la dégoûtèrent de ses stupides croyances, ramena-t-elle les hommes à des principes plus sûrs, à des opinions plus saines? Où est le peuple chez lequel elle ait aboli l'idolâtrie, dont elle ait réformé les mœurs? Ce peuple est encore à trouver. Que fit-elle done? Elle laissa les vices divinisés en possession de leurs temples, et combattit de tout son pouvoir les vérités traditionnelles, qui partout étoient mêlées aux erreurs locales du paganisme. Elle créa les doctrines du néant, et les mœurs du siècle de Tibère; elle forma Pétrone et Néron.

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Nous ne retracerons point ici les innombrables opinions des philosophes, leurs disputes leurs contradictions sur les objets les plus importans. Quel est le dogme qu'ils n'aient pas nié? le devoir qu'ils aient respecté (*)? L'his

(*) Tous les philosophes anciens ont admis l'éternité de la matière, opinion incompatible avec l'existence de Dieu. Les Stoïciens croyoient, en outre, à je ne sais quelle nécessité fatale, qui entraînoit tout, et les dieux mêmes. En morale, ils soutenoient que les femmes devoient être communes entre les sages, et que le sage étoit maître de

toire de la philosophie est l'histoire du doute. Ce n'étoient pourtant pas des esprits vulgaires

se donner la mort. Ils réprouvoient la pitié, et nioient les maux dans l'impuissance de s'y dérober. (Voyez la 13° Dissert. de Thomasius sur la Philosophie stoicienne, et ta Remarque H sur l'article Chrysippe, dans le Dictionnaire de Bayle. Diog. Laërt. Liv. VII, p. 120 et 131.) — Antisthène et ses disciples enseignoient que les lois du mariage n'étoient qu'une vaine sujétion, qu'il n'y avoit rien de honteux, etc. (Diog. Laërt. L. VI, n. 72.)

Aristippe, chef des Cyrénaïques, regardoit les lois civiles et les coutumes comme l'unique fondement du juste et de l'injuste. Il faisoit consister le souverain bien dans la volupté. (Ibid., n. 87, 88 et 93.) — Aristote ne parle qu'en doutant de l'immortalité de l'âme et de la Providence. Il prétend, comme l'observe Grotius, que l'adultère auquel on se porte pour satisfaire ses désirs, et un meurtre commis dans la colère, ne doivent pas proprement être mis au nombre des injustices. Il veut, ainsi que Lycurgue et Platon, qu'on n'élève point les enfans qui viennent au monde avec quelque infirmité; et que si les lois défendent de les exposer, on fasse avorter les femmes enceintes, après qu'elles ont eu le nombre d'enfans que demande l'intérêt de l'Etat. ( Arist. Polit. L. VII, c. 16. Plat. de Rep. L. V. Plutarch. in Lyc.) Il justifie le brigandage, et, d'accord en cela avec Cicéron, il fait de la vengeance une vertu ou un devoir naturel. ( Arist, de morib. ad Nicomach. Lib. IV, c. 2. Cicer. de Invent. Je me lasse de rapporter tant d'hor

Lib. II,

C.

22.)

que ces anciens sages; et si la raison seule devoit nous conduire à la vérité, qui pouvoit y parvenir plus aisément que Platon, le plus beau génie de la Grèce, et plus sûrement qu'Aristote, qui a réduit à quelques règles invariables tous les procédés du raisonnement? Cependant ils n'ont su que douter, ils n'ont su que détruire, comme leurs successeurs en philosophie; et lorsqu'aban-donnant la tradition, ils essaient d'y substituer leurs pensées particulières, ils disent des choses si étranges qu'on en a honte pour l'esprit humain. Cicéron lui-même en fait la remarque:

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Il n'est point, dit-il, d'absurdité qui n'ait été soutenue par quelque philosophe (1). » Or, est-ce de toutes ces absurdités que se composera la religion de l'homme?

Mais quoi, notre raison n'est-elle donc qu'un instrument d'erreur? faut-il renoncer à en faire usage? Non, mais il faut la soumettre à la raison générale, qui n'est que la raison de Dieu même. Au lieu de commencer par le doute, il faut

reurs et de folies. Voilà pourtant le fruit des travaux de la raison à Rome et dans la Grèce, pendant les siècles les plus éclairés.

(1) Nihil tam absurdum dici potest, quod non dicatur ab aliquo philosophorum.

qu'elle commence par la foi, car le doute n'engendre que le doute, et toute certitude repose sur la foi; chose si vraie, que le raisonnement même suppose la foi dans la raison, et, pour le philosophe qui ne veut écouter que la sienne, une foi sans bornes comme sans preuves; sans preuves, car la raison ne sauroit se prouver ellemême; sans bornes, car préférer sa raison à la raison de tous, c'est la déclarer infaillible ou infinie.

La raison individuelle se forme et se développe à l'aide de la raison générale. Elle croit, c'est son premier acte; et comme il n'existe en elle rien d'antérieur à ces croyances, si elle essaie de remonter plus loin, elle rentre dans les ténèbres d'où la foi l'avoit fait sortir.

Sitôt donc qu'elle aspire à l'indépendance, la raison s'en va vers la mort. Mais, en outre, telle est son irréparable foiblesse, qu'elle s'égare presque à chaque pas, si elle n'est redressée par une raison plus haute. Ce n'est pas qu'il n'existe entre elle et la vérité une relation naturelle, puisque notre raison n'est que la faculté de connoître, et qu'on ne connoît réellement que ce qui est vrai ou ce qui est. Mais la raison ne se trompe-t-elle jamais? Voit-elle toujours effectivement ce qu'elle s'imagine voir? Ne peut-elle parvenir à la convic

tion de l'erreur? Et en quoi cette conviction diffère-t-elle, par rapport à l'homme, de la conviction de la vérité? Que si la raison quelquefois nous montre comme vrai ce qui est faux et réci– proquement, nos jugemens ne sont donc plus une règle assurée de certitude; l'édifice de nos connoissances croule; nous ne pouvons rien nier, rien affirmer absolument, et la sagesse n'est plus que le doute universel.

Mais peut-être exagérons-nous la foiblesse de l'esprit humain. Hélas! nous savons tous s'il est facile de l'exagérer, et chacun n'a besoin que de son expérience pour l'apprendre (*).

Examinons néanmoins ce qu'en ont pensé les hommes en qui l'on s'accorde à reconnoître la plus haute supériorité de raison. Je veux même qu'on entende de préférence, parmi les anciens, les chefs du dogmatisme. Voici d'abord Platon qui, attribuant à Dieu seul la plénitude de l'intellidéclare qu'à peine en possédons un petit fragment (1). Mais cette intelligence si courte, au moins pourra-t-elle saisir d'une prise

gence,

nous

(*) Il est à remarquer qu'une grande confiance en sa raison, a toujours été regardée comme un signe de stupidité, et le mépris de la raison générale, comme une folie. (1) Bgazó 1. In Tim.

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