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ferme quelque vérité, et de la contempler en face? Non, répond Aristote : « De même que certains > oiseaux ne peuvent supporter l'éclat du soleil »notre esprit s'éblouit à la lumière de la vé» rité (1). » Nous avons rapporté ailleurs le sentiment de Pline (2). Il seroit aisé de citer beaucoup de passages semblables; car quiconque exerce sa raison ne tarde pas d'en trouver les bornes, et trompé dans l'espérance qu'il avoit conçue d'elle, presque toujours sa dernière pensée est une pensée de dédain, et sa dernière parole une plainte

amère.

Chose remarquable les siècles s'écoulent, les vérités primitives se développent et dissipent les erreurs contraires, la société fait d'immenses progrès, et l'homme individuel ne change point; sa raison, éclairée d'une nouvelle lumière, demeure également foible, également impuissante, tant elle n'est rien d'elle-même! On vient d'entendre Aristote et Platon déplorer cette impuissance; qu'on écoute maintenant Pascal et Bossuet.

La nature confond les pyrrhoniens, et la rai» son confond les dogmatistes. Que deviendrezvous donc, ô homme, qui cherchez votre véri

(1) Métaphys. Lib. II, c. 1.

(2) Chap. XIII, p.

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table condition par votre raison naturelle? Vous

ne pouvez fuir une de ces sectes, ni subsister » dans aucune. Dira-t-il qu'il possède certaine»ment la vérité, lui qui, si peu qu'on le pousse,

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n'en peut montrer aucun titre, et est forcé de » lâcher prise (1)? »

Ainsi, dans la guerre continuelle que nous avons à soutenir contre l'ignorance et l'erreur, la raison qui combat seule, succombe infailliblement. Car, lui arrivât-il quelquefois de vaincre, qu'importe? puisqu'elle ne peut être certaine d'avoir vaincu, et qu'une nuit funèbre enveloppe ses triomphes comme ses défaites. C'est là ce qu'ont vu les plus forts esprits, et c'est là ce qui les consterne, lorsque rentrant en eux-mêmes, ils se regardent attentivement. Alors, du fond de ces grandes âmes, s'élève comme un cri de détresse : «< Connoissons-nous la vérité parmi les ténèbres qui nous environnent? Hélas! durant ces jours de ténèbres, nous en voyons luire de temps en » temps quelque rayon imparfait. Aussi notre » raison incertaine ne sait à quoi s'attacher ni à quoi se prendre parmi ces ombres. Si elle se

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>> contente de suivre ses sens, elle n'aperçoit que

(1) Pensées de Pascal, chap. XXI. Edit. de Paris, in-12.

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l'écorce; si elle s'engage plus avant, sa propre » subtilité la confond. Les plus doctes, à chaque » pas, ne sont-ils pas contraints de demeurer >> court?.... Que ferai-je, où me tournerai-je, assiégé de toutes parts par l'opinion ou par l'er>> reur? Je me défic des autres, et je n'ose croire » moi-même mes propres lumières. A peine crois-je » voir ce que je vois et tenir ce que je tiens, tant j'ai trouvé souvent ma raison fautive (1). »

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Qu'on ne l'oublie pas, c'est Bossuet qui se plaint ainsi de sa raison. Et ce sera la raison de chaque homme, la raison de celui qui ne l'exerça jamais, la raison du pauvre tout occupé de pourvoir aux besoins du corps, la raison du mortel le plus ignorant ou le plus stupide, qui devra sonder la nature de Dieu et celle de l'homme, chercher les rapports qui les unissent, et découvrir les lois de la vie intellectuelle !

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Enfin la philosophie lui confie ce soin. Elle veut qu'en matière de religion elle soit l'arbitre suprême, le souverain juge de la foi. « Ne don» nons rien, dit-elle, au droit de la naissance et à l'autorité des pères et des mais rappasteurs; pelons à l'examen de la conscience et de la rai

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(1) Bossuet, Sermon pour la fête de Tous les Saints, tom. I, pag. 69 et 70. Edit. de Versailles.

» son tout ce qu'ils nous ont appris dès notre en» fance. Ils ont beau me crier, soumets ta raison; » autant m'en peut dire celui qui me trompe; il >> me faut des raisons pour soumettre ma raison.... >> Nul homme n'étant d'une autre espèce que moi, » tout ce qu'un homme connoît naturellement, je puis aussi le connoître, et un autre homme

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peut se tromper aussi-bien que moi quand je » crois ce qu'il dit, ce n'est pas parce qu'il le dit, » mais parce qu'il le prouve. Le témoignage des hommes n'est done au fond que celui de ma » raison même, et n'ajoute rien aux moyens naDieu m'a donnés de connoître la vérité. Apôtre de la vérité, qu'avez-vous donc à me dire dont je ne reste pas le juge (1)?

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Un apôtre de la vérité attendroit probablement pour répondre, que le paroxysme de l'orgueil fût calmé; après quoi il n'auroit d'autre peine que de choisir, parmi les absurdités dont ce discours abonde, celles qu'il seroit moins humiliant de réfuter. Pour nous, en ce moment, nous ne voulons que constater le principe philosophique, selon lequel chaque homme doit discerner la vraie religion par la raison seule.

Et cela posé, qui ne penseroit que la philoso

(1) Emile, tom. III, pag. 9 et 10.

phie a dans la raison une confiance sans bornes? qu'elle la croit capable de discerner avec certitude le vrai du faux, et de découvrir clairement tout ce qu'il importe à l'homme de connoître ? On, en va juger.

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Notre raison, c'est Bayle qui parle, n'est » propre qu'à brouiller tout, qu'à faire douter de » tout; elle n'a pas plutôt bâti un ouvrage qu'elle

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nous montre les moyens de le ruiner. C'est une » véritable Pénélope qui, pendant la nuit, défait » la toile qu'elle avait faite pendant le jour. Ainsi » le meilleur usage qu'on puisse faire de la philosophie, est de connoître qu'elle est une voie d'égarement, et que nous devons chercher un autre guide, qui est la lumière révélée (1). » Selon Voltaire, «tout ce qui nous environne » est l'empire du doute (2). » D'Alembert lui écrivoit, à propos du Système de la Nature : « C'est un terrible livre. Cependant je vous avoue que, » sur l'existence de Dieu, l'auteur me paroît trop >> ferme et trop dogmatique, et je ne vois en 'cette matière que le scepticisme de raisonnable. Qu'en

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(1) Diction. crit., art. Bunel, pag. 740, col. 1. Edit. de 1720.

(2) Lettre de Voltaire à d'Alembert, du 12 octobre 1770.

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