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conde, que le doute absolu est impossible à l'homme en sorte que sa raison, quand il ne consulte qu'elle, le place dans un état contre nature, puisqu'elle le contraint de douter, et que la nature le force de croire.

Or croire n'est autre chose que déférer à un témoignage ou obéir à une autorité; et tout esprit, en effet, commence par obéir. Nous recevons le langage sur l'autorité de ceux qui nous parlent, et avec le langage nos premières idées ou les vérités nécessaires à notre conservation. Point de peuple chez lequel on ne retrouve ces vérités : au moment où il tira l'homme du néant, Dieu les lui révéla, en se manifestant à lui par sa puissante parole; et la vie intellectuelle, dont l'obéissance est la loi, n'est qu'une participation de la raison suprême, un plein consentement au témoignage que l'Etre infini a rendu de lui-même à sa créature. Toutes les intelligences créées s'animent aux rayons de l'intelligence éternelle. La raison divine se communiquant par le moyen de la parole, est la cause de leur existence, et la foi en est le mode essentiel (*).

Il suit de là que le principe de certitude et le

(*) La foi, dit saint Augustin, est la santé de l'âme : Fides sanitas mentis.

principe de vie sont une même chose; ce qui ne sauroit nous surprendre, puisque évidemment la certitude doit appartenir à la raison infinie qui renferme toute vérité, et que la vérité n'est que l'être. Qui reçoit l'être ou la vie, reçoit donc la vérité; il la reçoit par le moyen de la parole ou du témoignage; le témoignage ou la parole sont donc le principe de notre raison, de notre être intellectuel (*); c'est par la parole que nous sommes, c'est par le témoignage que nous sommes certains d'être ou de posséder la vérité; plus l'autorité ou la raison qui rend témoignage est générale, plus la certitude est grande, et le témoignage sur lequel reposent les vérités primordiales qui constituent notre raison, notre vie, étant nécessairement le témoignage de l'auteur même de cette vie, c'està-dire, de la plus haute autorité ou de la raison infinie, a une certitude absolue (**).

On voit en outre que les idées premières, dont

elle

(*) La déclaration de ce que vous avez dit, éclaire; donne l'intelligence aux petits enfans: Declaratio sermonum tuorum illuminat, et intellectum dat parvulis. Ps. 118.

(**) Les pensées anciennes sont vraies; il est ainsi : Cogitationes antiquas fideles, amen. Joan. XXV, 1. Votre parole est vérité: Sermo tuus veritas est. Joan. XVII, 17.

le langage, en ce qu'il a d'essentiel, est l'expression, ne sauroient se perdre, sans que perdre, sans que le langage lui-même se perdît, et sans que l'intelligence fût détruite. Privé de ces idées, l'homme tomberoit dans une impuissance absolue d'agir ou de penser, puisqu'il n'auroit plus en lui d'instrument pour agir, ni rien aussi sur quoi il pût agir. Aussi, quand des circonstances particulières séparent quelques hommes des autres hommes, et que les vérités primitives s'obscurcissent, ou, comme parle admirablement l'Ecriture, diminuent (1) dans leur raison; dépourvus en partie de ces élémens de toute pensée, ils n'ont qu'une langue extrêmement pauvre, et qu'un petit nombre d'idées secondaires. Tous les Sauvages sont dans ce cas.

Combiner les notions qu'il reçut à l'origine, en tirer des conséquences, c'est à cela que se bornent les opérations de notre esprit. Et comme la raison humaine est faite pour la vérité, puisqu'elle ne vit que par elle, la raison générale ne sauroit errer ou se détruire elle-même; autrement il y auroit en Dieu contradiction de volontés, ou défaut de puissance.

Il n'en est pas ainsi de la raison individuelle. En s'isolant, elle perd l'appui de la tradition. Inca

(1) Diminutæ sunt veritates à filiis hominum. Ps. 11.

pable dès lors de remonter à son principe, elle ne voit en elle qu'un effet sans cause. Le doute l'envahit de toutes parts. Elle ne trouve en elle aucune certitude, parce qu'elle n'y trouve rien de nécessaire. Pouvant également être ou n'être pas, son existence lui devient un problème éternellement insoluble (*); car le témoignage est l'unique moyen par lequel il puisse être résolu, et elle ne sauroit se rendre témoignage à elle-même. Et ceci nous aide à comprendre cette profonde parole de la souveraine raison, du Verbe éternel revêtu de notre nature: Si je me rends témoignage à moi-même, mon témoignage n'est pas vrai. Ily a un autre qui rend témoignage de moi (1). Par cela seul donc que la raison se sépare de la société, elle meurt; elle viole la loi du témoignage ou de l'autorité, qui, pour les êtres intelligens, est la loi de la vie.

Nulle loi n'est plus générale; elle ne souffre aucune exception; elle embrasse la durée entière de notre existence. Si l'homme, aveugle et corrompu, n'essayoit pas de s'y soustraire, ses magnifiques destinées s'accompliroient sans effort. En ce qui

(*) Voyez le chap. XIII.

(1) Si ego testimonium perhibeo de me ipso, testimonium meum non est verum. Alius est, qui testimonium perhibet de me. Joan., v. 31 et 32.

concerne la vie présente, il se résigne aisément à obéir à l'autorité, parce qu'avant tout il veut vivre, et qu'il aperçoit la mort après la désobéissance. Mais ce qui intéresse la vie éternelle, la vie de l'âme, ne le touche pas, à beaucoup près, autant. Comme il ignore ce que c'est que cette vie, qu'il n'en a pas le sentiment, il n'éprouve point la même horreur de sa privation ou de la mort éternelle. Porté naturellement à ne reconnoître aucun maître, il cherche en lui-même la loi de vérité et la loi d'ordre, dont il a puisé la notion dans la société. Il la demande d'abord à sa raison, et sa raison lui répond: Que sais-je? Il la demande ensuite au sentiment, et le sentiment ne lui répond point, car il n'a pas de langage; ou, si l'on prend pour une réponse le penchant qui entraîne vers certains objets, ou l'aversion qu'ils inspirent, la vérité et l'ordre deviennent aussi incertains, aussi variables que nos amours et nos haines. Ainsi l'homme, qui ne peut que penser et sentir, s'adresse tantôt à la raison par mépris pour le sentiment, tantôt au sentiment par mépris pour la raison. Il poursuit, haletant de désir, la vérité qui le fuit, et quand il se croit près de l'atteindre, ses yeux s'obscurcissent, il chancelle, et ne trouve, dans une nuit profonde, que le doute pour appui.

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