ADDITION AU CHAPITRE XVIII. NOTE. JAMAIS l'orgueil de la raison ne fut porté plus loin que dans ce siècle, et jamais on ne montra plus de penchant à décider les hautes questions de religion, de morale et même de politique, par sentiment ou par une règle indépendante de la raison. Or, voici ce que Bayle pensoit de ce genre de preuves : << Les preuves de sen>> timent ne concluent rien. On en a en Saxe, touchant » la présence réelle, tout comme en Suisse touchant l'absence réelle. Chaque peuple est pénétré de preuves de » sentiment pour sa religion : elles sont donc plus souvent >> fausses que vraies (1). » Des preuves qui ne concluent rien, sont des preuves qui ne prouvent rien, ou, en d'autres termes, ce ne sont pas des preuves. Cela n'empêche pas Rousseau d'insister beaucoup, comme on l'a sur ces preuves qui ne prouvent rien. C'est le sentiment, dit-il, qui doit me conduire. Ce que je sens étre bien, est bien, etc. Le sentiment est, à l'entendre l'unique fondement de la morale ; jamais l'homme ne s'égareroit, s'il suivoit toujours ce que son cœur lui dicte. vu (1) Continuation des Pensées diverses, tom. III, p. 130. Voilà ce que Rousseau répète presque à chaque page de l'Emile. Vous croyez peut-être qu'il étoit profondément persuadé de cette doctrine? Ecoutez ce qu'il écrivoit confidemment à l'un de ses amis. « Oui, je suis convaincu qu'il » n'est point d'homme, si honnête qu'il soit, s'il suivoit >> toujours ce que son cœur lui dicte, qui ne devînt en » peu de temps le dernier des scélérats (1). » Cet aveu ne fortifie-t-il pas merveilleusement ce que dit Rousseau en faveur de la règle de sentiment? Au reste, si le sentiment étoit une preuve de vérité, ce seroit chez les fous qu'il faudroit chercher les vérités les plus certaines; car, apparemment, la preuve est d'autant plus forte que le sentiment est plus énergique, et le sentiment que produit l'erreur qui constitue la folie, est absolument invincible. (1) Lettre de Rousseau à Tronchin, citée dans les Mémoires de madame d'Epinay; tom. III, p. 192. DU TOME SECOND. PREFACE. Pages. 1 CHAPITRE XIII. Du fondement de la certitude. I 35 74 99 131 CHAPITRE XVII. Réflexions générales sur la possibi- FIN DE LA TABLE DU TOME SECOND. 149 212 De l'imp. de L. T. CELLOT, rue des Grands-Augustins, no 9. |