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est nouveau pour nous. Semblables à un nageur qui suit le courant, nous ne sentons les lois de notre être, que lorsque nous leur résistons: et comme la résistance suppose de la force, l'homme qui se complaît en tout ce qui lui donne la con→ science des siennes, met souvent son orgueil à se roidir contre l'autorité. Telle est la source la plus commune et la plus dangereuse de l'erreur en sorte que, par une liaison qui n'étonnera que les esprits superficiels, la raison de l'homme et son cœur se perfectionnent ou se dépravent par les mêmes causes, et l'humilité, fondement de la morale, est aussi le fondement de la logique.

J'ai dit que nous avions en nous trois moyens de connoître, les sens, le sentiment et le raisonnement; et j'ai montré qu'insuffisans pour nous conduire à la certitude, nous ne pouvions rien affirmer sur leur seul témoignage. Voyons maintenant de quelle manière le consentement commun, suppléant à leur foiblessé, devient, dans l'institution de la nature, le point d'appui de nos connoissances, le titre qui nous en assure la possession certaine, en un mot, la véritable base de notre raison.

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Quelque système qu'on adopte sur l'origine de nos idées, il est incontestable que nous n'acqué→ rons la connoissance des objets sensibles qu'à l'aide

des organes. Les corps et leurs propriétés, les phénomènes physiques, les faits de toute espèce ne nous sont connus que par les sens; et l'histoire, aussi-bien que les sciences naturelles ou d'observation, repose uniquement sur leur témoignage.

Or, il n'est nullement rare que les sens nous trompent. Une continuelle expérience nous apprend à nous défier de ces instrumens imparfaits, et dont nous n'apercevons les défauts, qu'en les comparant avec d'autres instrumens semblables. Formés sur un type commun, et variant néanmoins dans les divers individus, nous présumons avec vraisemblance que l'imperfection d'où provient l'erreur, n'affectant pas, en chacun de nous, la même partie de l'instrument, la similitude des rapports en prouve la vérité, et d'autant mieux que les rapports comparés sont en plus grand nombre. Ainsi un témoignage unique ne produit qu'une simple probabilité : à mesure qu'ils se multiplient, la certitude augmente, et il vient un moment où tous les hommes, d'un commun accord, interdisent le plus léger doute, sous peine d'être tenu pour insensé. Il n'importe que le phénomène ou le fait attesté, ait ou non frappé nos propres sens. - Saunderson, aveugle de naissance, n'étoit pas moins sûr de l'existence du soleil que Newton,

et nous ne sommes pas plus assurés que Paris existe, que nous ne sommes certains que Carthage

a existé.

La multiplicité des témoignages uniformes constitue donc, à notre égard, la certitude des connoissances qui tirent leur origine des sens; quoique toutefois, nous n'en puissions rigoureusement conclure la vérité absolue de leurs rapports. Mais obligés d'y croire, la nature nous enseigne à soumettre nos croyances à cette règle, que nous appliquons, sans y penser, presque à chaque ins

tant.

Fixer le nombre de témoignages nécessaires pour produire une certitude parfaite, est impossible. Cela dépend de mille circonstances, et, en particulier, du poids de chaque témoignage pris à part. Tout, dans cette appréciation, se réduit à ce principe: «Un témoignage a d'autant plus de force, que » la véracité du témoin est mieux connue, et qu'il » a moins d'intérêt à nous tromper. » Et comme c'est encore le consentement commun qui décide de ces choses, qui sanctionne et consacre le principe même que j'énonçois tout à l'heure, la certitude vient toujours, en dernière analyse, se reposer sur la base de la plus grande autorité.

Il en est ainsi à l'égard du sentiment et de l'évidence, de même à l'égard du raisonnement. Il y

a des vérités et des erreurs de sentiment, des évidences certaines et des évidences trompeuses, de bons et de mauvais raisonnemens qui ne sait cela par expérience? et qui ne sait aussi que le seul moyen de discerner avec certitude le vrai du faux, est l'autorité ou l'accord des jugemens et des témoignages? Où cet accord ne se trouve point, le. doute règne en paix du consentement de la sagesse; mais partout où il se rencontre, le doute cesse, ou les hommes l'accusent de folie.

Qui nieroit la distinction du bien et du mal moral, que le tout est plus grand que sa partie, ou les conséquences rigoureuses que la géométrie déduit de cet axiome; celui-là ne seroit pas moins fou, que s'il nioit la différence du plaisir et de la douleur, l'existence des corps, et leurs propriétés générales. Pourquoi cela? parce qu'il choqueroit l'autorité du genre humain. Car, du reste, ces négations pourroient être, relativement à son organisation propre, autant de vérités; du moins seroit-il impossible de démontrer le contraire.

Appeler de l'autorité à la raison, c'est donc violer la loi fondamentale de la raison même, c'est ébranler le monde moral, c'est constituer l'empire du scepticisme universel, et creuser un abîme où toutes les vérités, toutes les croyances viendroient nécessairement s'engloutir. Par la na

pour

ture même des choses, s'isoler c'est douter. La certitude, principe de vie de l'intelligence, résulte du concours des moyens et de la similitude des rapports; elle est, si cette expression m'est, permise, une production sociale : et voilà quoi l'être intelligent ne se conserve que dans l'état de société; comme aussi voilà pourquoi la société tend à se dissoudre, quand on renverse la base de la certitude et de l'intelligence, en soumettant l'autorité à la raison individuelle.

Or, en ce moment où nous ne connoissons encore et ne considérons que l'homme, la plus grande autorité que nous puissions concevoir est l'autorité du genre humain; par conséquent elle renferme le plus haut degré de certitude où il nous soit donné de parvenir. Si donc il existoit une vérité universellement crue, unanimement attestée par tous les hommes, dans tous les siècles; vérité de fait, de sentiment, d'évidence, de raisonnement, à laquelle ainsi toutes nos facultés s'uniroient pour rendre hommage; cette vérité souveraine, manifestement investie d'une puissance suprême sur notre entendement, viendroit se placer en tête de toutes les autres vérités dans la raison humaine. La nier, ce seroit détruire la raison même. Quiconque en effet la nieroit niant par-là même le témoignage unanime des

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