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autres, d'où leur est venu cette croyance, ils vous répondront: Nos pères nous ont dit; Patres nostri narraverunt nobis. Ils connoissent Dieu comme ils connoissent leurs ancêtres, par le témoignage transmis; et le souvenir de la première famille, tige féconde de la race humaine, est inséparable pour eux du souvenir de son auteur.

Prétendroit-on s'inscrire en faux contre cette tradition, sous prétexte que les témoins primitifs n'ont pu s'assurer par leurs sens de la vérité du fait qu'elle atteste? Sur ce point la tradition se défend assez elle-même, puisqu'elle dépose qu'originairement Dieu se communiqua d'une manière sensible à sa créature. Il n'en faut pas davantage pour fermer la bouche aux contradicteurs, fussent-ils armés d'objections en apparence insolubles. Car le raisonnement, dont j'ai prouvé que la dernière force réside dans l'autorité, ne sauroit, en aucun cas, prévaloir contre elle, de quelque façon qu'elle proclame sa décision.

Cependant, comme on doit une certaine condescendance aux esprits plutôt ombrageux par foiblesse qu'opiniâtres par orgueil, je veux bien m'occuper un moment de tranquilliser la raison de ceux qu'inquiéteroit la difficulté que j'indique. Je consens d'autant plus volontiers à y jeter. un coup d'œil en passant, que cela me fournira

l'occasion d'attaquer d'avance un des fondemens du déisme: car le principal motif pour lequel ses sectateurs rejettent la révélation, c'est qu'ils ne sauroient comprendre que l'Etre infini, spirituel de sa nature, se soit rendu accessible à nos sens. Je ne sache point de spectacle plus fait pour exciter un grand étonnement, que celui de créatures intelligentes qui repoussent la lumière, à cause, disent-elles, qu'elles sont plongées dans une obscurité profonde. Elles ne comprennent pas que Dieu se soit rapproché de nos sens. Eh! qu'importe qu'elles comprennent ou non un fait que le genre humain tout entier atteste? Leur raison est-elle la règle de la puissance divine, en est-elle la borne ? Encore s'ils la consultent sérieusement, cette raison toute débile qu'elle est, suffira pour dissiper leurs répugnances. Qu'y a-t-il, en effet, de siétrange à ce que celui qui a donné des organes à l'âme humaine, et lui a refusé tout autre moyen de communiquer avec les autres âmes, et de connoître qu'elles existent, se soit servi de ces mêmes organes pour communiquer avec l'homme, et lui manifester son existence? Je ne parle pas de la possibilité, évidente par elle-même, de ce mode d'action; je parle de sa convenance, de son analogie avec la nature. Falloit-il que son auteur, l'instant même où il venoit d'en établir les lois

les violât dans ses rapports avec notre premier père? Par une suite de ces lois, nous ne pouvons trouver la certitude en nous-mêmes; sa base nécessaire est l'autorité. La plus importante des vérités, l'existence de Dieu, devoit donc reposer sur un témoignage d'une autorité infinie. Et n'étoit-il pas d'ailleurs éminemment convenable, qu'ayant reçu du Créateur toutes nos facultés, toutes nos facultés concourussent à nous conduire à lui, et à nous convaincre de son être? Qu'y a-t-il là qui blesse la raison? et en quoi l'action de Dieu sur notre œil ou sur notre oreille, seroit-elle plus surprenante que son action sur notre cerveau, à laquelle veulent le réduire les déistes? Profonds esprits, qui, par pitié, daignent apprendre au Tout-puissant quels moyens il dut employer pour se révéler primitivement à sa créature!

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Ce que je ne fais qu'effleurer ici, sera développé plus loin. Il nous suffit maintenant de la preuve de fait qu'offre la tradition universelle. Et qu'on n'objecte pas qu'elle se réduit à la déposition de deux témoins; car, premièrement, nous ignorons à quelle époque ont cessé les communications sensibles du Créateur avec l'homme; et, en second lieu, nous avons vu que le nombre de témoignages requis pour produire une certitude complète, dépendant de mille circonstances va

riables, était uniquement déterminé par le consentement commun. Or, y eut-il jamais de consentement plus unanime que celui qui sanctionne le témoignage de nos premiers parens? Et quelle vérité respectera le doute, s'il pénètre jusqu'à celle-ci, à travers cette majestueuse enceinte de toutes les générations et de tous les siècles rangés autour d'elle pour la défendre?

Voulez-vous donc contester au genre humain sa tradition alors, et nécessairement, contestez à chaque famille, à chaque peuple, sa tradition particulière moins attestée, et dès lors moins certaine. Effacez toutes les histoires, niez tous les faits, tous les témoignages; ravissez-vous à vousmême la possibilité de rien croire, de rien connoître, de rien affirmer; doutez de tout ce qui fut, et, les yeux fermés, asseyez-vous en silence entre les ruines du passé et les ténèbres de l'avenir; simulacre vide placé entre deux mondes, pour indiquer aux intelligences dégoûtées de la vie, la route du néant.

C'est déjà, certes, une assez forte preuve de l'existence de Dieu, qu'il faille ou l'admettre, ou rejeter tous les faits traditionnels, tous les rapports des sens; ce qui emporteroit, s'il étoit possible à l'homme d'être conséquent jusqu'à ce point, la destruction de la société et de la race humaine. On n'auroit

cependant qu'une légère notion de la folie de l'athée, si l'on ne comprenoit en outre qu'il ne peut nier Dieu sans se nier lui-même, sans être contraint de douter du sentiment intime qui l'assure de sa propre existence; car j'ai montré que la certitude des vérités de sentiment repose, aussi bien que la certitude des vérités de sensation, sur l'autorité générale ou le consentement commun. Qui donc oseroit nier une vérité de sentiment universel, devroit douter de tout ce qu'il sent ou s'imagine sentir; puisqu'il est visible que si le genre humain a pu être, depuis son origine, perpétuellement abusé par un sentiment faux, nul homme ne peut se répondre que le sentiment le plus invincible pour lui, ne soit pas une illusion.

Or, jamais il n'exista de peuple qui n'eût le sentiment de la Divinité. Le sentiment se manifeste par l'action, comme la pensée par la parole; et partout nous voyons un hommage, un culte public rendu par la société au souverain Etre. « Vous pourrez trouver, dit Plutarque, des cités privées de murailles, de maisons, de gymna»ses, de lois, de l'usage de la monnoie, de la » connoissance des lettres; mais un peuple sans Dieu, sans prières, sans sermens sans rites religieux, sans sacrifices, nul n'en vit jamais (1). » (1) Plut. adv. Coloten.

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