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manifestent à la vue d'un homme sans Dieu; horreur aussi naturelle que celle du meurtre : et l'athéisme n'est, en effet, que le désespoir d'une raison aliénée, et le suicide de l'intelligence.

Certes, jamais crime plus grand ne put être conçu : il renferme en soi une perversité si étonnante, que la Religion seule l'explique par ses dogmes. Oui sans doute il y a ici quelque chose de surnaturel; l'action d'un être mauvais sur un être dégradé, d'un tyran sur son esclave, est trop visible pour être méconnue; car aucun être ne peut tendre naturellement à sa destruction. Que l'âme tue le corps, on le comprend; elle agit hors de soi sur un sujet qui lui est soumis; mais que l'âme même, l'intelligence se détruise volontairement, cela n'est pas seulement incompréhensible, mais contradictoire; et jamais on ne rendra raison de ce mouvement désordonné d'un être intelligent vers la mort, qu'en le supposant dominé par une force étrangère, par un esprit plus puissant qui le séduit ou l'opprime.

Nous avons prouvé que l'existence de Dieu, unanimement attestée par le genre humain, réunit au plus haut degré tous les genres de certitude, de sorte qu'on ne la peut nier que par une opposition violente à la nature qui nous porte à déférer au témoignage universel, et en ruinant la

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base de la raison, dès lors éternellement impuissante à s'assurer d'aucune vérité. Considérant donc l'existence du souverain Etre comme un fait incontestable, et plus incontestable que notre existence même, nous exposerons, dans le chapitre suivant, les conséquences qui s'en déduisent relativement à l'origine et à la certitude de nos connoissances, et peut-être ne verra-t-on pas sans étonnement combien ce seul fait, si grand et si simple, répand de lumière sur les lois de notre intelligence, et à quelle hauteur il l'élève.

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CHAPITRE XV.

Conséquences de l'existence de Dieu par rapport à l'origine et à la certitude de nos con

noissances.

EN entrant dans l'immense carrière que nous nous proposons de parcourir, l'homme est le premier objet qui a dû fixer nos regards. Placé en tête de la création qu'il domine par sa pensée, nous ne pouvions alors chercher plus haut la lumière. Cependant, chose étrange, tandis que nous l'avons considéré seul, il ne nous a offert que ténèbres et contradictions. Incapable naturellement de parvenir à la certitude, contraint de douter de tout et de lui-même, sa raison l'entraîne invinciblement dans le pyrrhonisme absolu; de sorte que la plus noble de ses facultés lui seroit une cause de mort, s'il n'existoit en lui je ne sais quel principe énergique de foi qui le conserve, en le forçant de déférer à l'autorité générale, règle immuable de ses croyances, et loi universelle du monde moral, comme l'attraction, ou l'autorité

du créateur agissant par sa volonté sur la matière, est la loi du monde physique.

Or, puisque les êtres intelligens ne sont unis que par cette loi, ne subsistent qu'en vertu de cette loi, donc elle est conforme à leur nature; car il est dans la nature des êtres qu'ils subsistent et qu'ils soient unis; et à cause de leurs rapports réciproques, leur existence même dépend de leur union. Donc toute philosophie qui, au lieu d'établir les droits de l'autorité et de recueillir docilement ses décisions, les soumet à la raison individuelle, est contraire à la nature des êtres intelligens, et tend à les détruire en détruisant toute croyance, èt en ramenant, si je puis le dire, l'homme intellectuel à cet état de nature où l'on a voulu ramener l'homme social; état d'isolement, de foiblesse, d'indépendance et de guerre de chacun contre tous, où l'homme physique même ne peut vivre, parce que l'homme moral ne peut ni s'y développer, ni s'y conserver.

Et ceci nous explique l'apparente contradiction que nous avons remarquée entre la raison de l'homme qui l'arrête dans le doute, et le penchant irrésistible qui le force de croire. Certes la raison, qui est aussi dans la nature, ou plutôt qui est la nature même de l'homme, ne sauroit être natu¬ rellement opposée à ce penchant, ne sauroit tendre

naturellement à la destruction de l'homme, ou à sa propre destruction; et si néanmoins nous avons observé en elle cette tendance, c'est que, sitôt qu'elle s'isole, elle est dans un état contre nature, et manque d'une condition nécessaire à son exis

tence.

Aussi le développement de la raison, nul dans l'individu séparé dès le premier âge de la société de ses semblables, extrêmement borné dans les sauvages, parmi lesquels on remarque à peine quelques grossiers élémens de société, se proportionne toujours aux développemens de l'ordre social; et la raison de l'homme n'est que la raison de la société dont il fait partie, comme la raison de la société n'est que sa civilisation, d'où résulte l'union plus ou moins parfaite de ses membres; et voilà pourquoi, quand l'homme, rompant cet accord, principe de sa force et de sa vie, veut refaire la société avec sa raison individuelle, tout périt, et la société, et l'homme même.

Et comment s'étonner de cette dépendance mutuelle des esprits, lorsque nous apercevons partout dans l'univers une pareille dépendance, lorsque nous n'y découvrons aucun être qui ne soit en rapport avec les êtres de même espèce et avec tous les êtres, aucun être qui pût vivre seul, et que partout la loi générale de l'autorité, ou de la

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