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sées sont aussi dans le cœur, qu'elles dépravent par la haine, principe de désordre et de destruc

tion.

Ne nous étonnons donc pas que le sentiment de la Divinité, du bien et du mal, du juste et de l'injuste, se retrouvent chez tous les peuples. Ils n'ont pu exister comme peuples, et l'homme même ne peut exister comme être moral et intelligent, sans connoître Dieu, par conséquent sans l'aimer comme bon, ou sans le craindre comme puissant; et cette crainte et cet amour ont dû nécessairement se manifester par une action sociale, ou par le culte, dont le sacrifice est l'essence. Mais l'homme foible et dégradé, craignant plus la puissance qu'il n'aime une bonté qui n'est la que justice, se jette naturellement du côté de la crainte, fondement des religions fausses, comme l'amour l'est de la vraie religion. De là deux grands sacrifices, celui de l'extrême crainte, qui se manifeste par l'immolation de l'homme, et celui de l'amour extrême, qui se manifeste par l'immolation de Dieu. Et c'est une observation digne d'être méditée profondément, que toute vraie religion, comme toute société véritable, repose sur le dévouement ou le sacrifice volontaire de l'être puissant à l'être foible. Le dirai-je? Il prendra, pour le servir, la forme d'un esclave, et, s'il le faut, se rendra,

pour le sauver, obéissant jusqu'à la mort, et la

mort de la croix (1).

Nous avons vu que la vérité est la vie de notre intelligence, qu'elle ne peut dès lors exister qu'unie à Dieu vérité suprême, et que la parole est le lien, le médiateur de cette union. Révélées par la parole, les vérités nécessaires et la pensée même se conservent et se transmettent également par la parole: trop puissantes pour négocier avec une raison qui naît, elles entrent dans l'esprit en souveraines; et certes il suffit de regarder autour de soi, pour reconnoître que le monde moral ne subsiste que par l'autorité, moyen universel de connoissance, de société, de vie. Comme Dieu parla au premier père, le père parle à l'enfant, et l'enfant croit au témoignage du père, comme le père originairement a cru au témoignage de Dieu; et ici encore il y a union, société, parce qu'il y a connoissance, amour des mêmes vérités, et soumission à l'ordre qui en dérive, Ainsi, et toujours. selon la même loi, se forme la raison de la famille, la raison des peuples, la raison du genre humain, dont le témoignage devient l'infaillible

(1) Qui cùm in formâ Dei esset.... Semetipsum exinanivit formam servi accipiens.... factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Ep. ad. Philip. II, 6-8

garantie de la pureté des traditions primitives qu'il conserve, et qu'il ne pourroit perdre sans perdre en même temps la parole, la pensée, la vie.

L'autorité est donc tout ensemble l'unique fondement de vérité, et l'unique moyen d'ordre ou de bonheur. L'obéissance de l'esprit à l'autorité s'appelle foi, l'obéissance de la volonté, vertu: toute société est dans ces deux choses. Ainsi le genre humain, comme l'enfant et plus que l'enfant, a sa foi, qui est toute sa raison; et il a sa conscience, ou le sentiment, l'amour des vérités sociales qu'il connoît par la foi ; et la foi au témoignage du genre humain est la plus haute certitude de l'homme, comme la foi au témoignage de Dieu est la certitude du genre humain.

Hors de là il n'existe qu'un doute universel, et tellement destructif de la raison, que quiconque rejetteroit de son esprit les vérítés incompréhensibles que la foi seule y conserve, et qui lui ont été révélées par la parole, seroit contraint de renoncer à la parole même qu'il ne connoît que par le témoignage, et dont il ne peut user que par la foi; contraint par conséquent de renoncer à toutes ses idées, à toutes ses croyances; et qu'est-ce que cela, sinon la mort complète de l'homme? Car point de vérité, point d'amour, point d'action; donc la mort: voilà pourquoi les anges de ténèbres

même, forcés de rentrer par le châtiment dans l'ordre qu'ils troublèrent par leur crime, croient, parce qu'il faut qu'ils vivent, credunt et contremiscunt (1).

Cependant il se rencontrera, je ne sais dans quelle basse région de l'intelligence et comme sur les confins du néant, quelques misérables esprits, tristement fiers d'errer au hasard dans ces solitudes désolées, et à qui un stupide orgueil persuadera que, faits pour régner sur Dieu même, ils ne doivent entrer qu'en conquérans dans le royaume de la vérité. Nous ne croirons, disent-ils, que ce que notre raison comprendra: insensés, qui ne comprennent même pas que le premier acte de la raison est nécessairement un acte de foi, et qu'aucun être créé, s'il ne commençoit par dire je crois, ne pourroit jamais dire je suis..

Est-il donc si difficile de l'entendre? Otez la foi, tout meurt; elle est l'âme de la société, et le fonds de la vie humaine. Si le laboureur cultive et ensemence la terre, si le navigateur traverse l'Océan, c'est qu'ils croient; et ce n'est qu'en vertu d'une croyance semblable, que nous participons aux connoissances transmises, que nous usons de la parole, des alimens même. On dit à

(1) Ep. Jac. II, 19.

l'enfant, Mangez, et il mange: qu'arriveroit-il s'il exigeoit qu'auparavant on lui prouvât qu'il mourra, s'il ne mange point? On dit à l'homme, Vous voulez aller en tel lieu, suivez cette route : s'il refusoit de croire au témoignage, l'éternité entière s'écouleroit avant qu'il eût acquis seulement la certitude rationnelle de l'existence du lieu où il désire se rendre. La pratique des arts et des métiers les méthodes d'enseignement, reposent sur la même base. La science est d'abord pour nous une espèce de dogme obscur, que nous ne parvenons ensuite à concevoir plus ou moins, que parce que nous l'avons premièrement admis sans le comprendre, que parce que nous avons eu la foi. Qu'elle vienne à défail→ lir un instant, le monde social s'arrêtera soudain : plus de gouvernement, plus de lois, plus de transactions, plus de commerce, plus de propriétés, plus de justice; car tout cela ne subsiste que par l'autorité, qu'à l'abri de la confiance que l'homme a dans la parole de l'homme; confiance si naturelle, foi si puissante, que nul ne parvint jamais à l'étouffer entièrement; et celui-là même qui refuse de croire en Dieu sur le témoignage du genre humain, n'hésitera point à envoyer son semblable à la mort sur le témoignage de deux hommes. Ainsi nous croyons, et l'ordre se maintient dans la société ; nous croyons, et nos facultés se dévelop

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