Obrázky na stránke
PDF
ePub

sens,

à une loi invariable. Dans l'autre tout

est particulier; et les devoirs, dès lors, ne

L'esprit veut vivre ou se conserver; vivre, pour lui, c'est connoître, ou posséder la vérité. Quand il la reçoit, il est passif; quand il la communique ou la transmet, il est actif; mais, dans ces deux états, toujours faut-il qu'il soit uni à un autre esprit qui agisse sur lui, ou sur lequel il agisse. Ne pouvant, lorsqu'il est seul, ni recevoir, ni transmettre, et néanmoins voulant vivre, il essaie de se multiplier ou de créer en lui les personnes sociales nécessaires pour conserver et perpétuer la vie : vain travail, stérile effort d'un esprit qui, cherchant à se féconder lui-même,yeut enfanter sans avoir conçu. Ce genre de dépravation, ce vice honteux de l'intelligence, l'affoiblit, l'épuise, et conduit à une espèce particulière d'idiotisme qu'on appelle idéologie.

Il en est ainsi du cœur ; il veut vivre, et vivre pour lui, c'est aimer ou s'unir à un autre être. Quand il n'a point au dehors un objet d'amour ou de terme de son action, il agit sur lui-même, et que produit-il? De vagues fantômes, comme l'esprit qui est seul produit de chimériques abstractions. L'un se nourrit de rêves, l'autre de rêveries; ou plutôt ils essaient inutilement de s'en nourrir. Dans sa solitude et dans ses désirs, le cœur se tourmente pour jouir de lui-même. C'est

sont plus que les intérêts, les croyances que des opinions, l'autorité n'est que l'indépendance. Chacun, maître de sa raison, de son cœur, de ses actions, ne connoît de loi que sa volonté, de règles que ses désirs, et de frein que la force. Aussi, dès que la force se relâche, la guerre commence aussitôt; tout ce qui existe est attaqué; la société entière est mise en question.

On se tranquillise sur les suites d'un

pa

l'amour de soi ou l'égoïsme à son plus haut degré. Ce genre de dépravation, ce vice honteux du cœur, l'affoiblit, l'épuise, et conduit à une espèce particulière d'idiotisme qu'on appelle mélancolie.

Un désordre semblable dans l'homme physique, affoiblit, épuise le corps, dégrade toutes les facultés, et conduit à l'i¬ diotisme absolu, qui est la mort des sens du cœur et de l'intelligence.

2

Il est à remarquer que, chez les anciens, l'idéologie proprement dite, et la mélancolie considérée comme passion, étoient inconnues, et que le vice des sens qui correspond

reil état, en se disant qu'il y eut toujours des troubles et des crimes dans le monde. Sans doute il y a toujours eu des désordres parmi les hommes, parce qu'il y a toujours eu des erreurs et des passions. C'est le perpétuel combat du mal contre le bien. Mais autrefois on savoit ce que c'est que le mal, et ce que c'est que le bien; aujourd'hui on ne le sait plus, on doute.

Autrefois encore les plus pervers s'atta

à ces vices de l'esprit et du cœur étoit beaucoup moins

[ocr errors]

commun qu'il ne l'est devenu de nos jours. L'homme alors ne se séparoit point de la famille et de la société; il ne cherchoit point à vivre seul. Mais trop souvent des opinions et des institutions fausses établissant de faux rapports entre les personnes sociales, il en résultoit, dans les esprits et dans les mœurs, des désordres analogues. Il y avoit, sous ce rapport, entre les anciens et les disciples de notre moderne philosophie, la différence de l'erreur à l'idiotisme. Le mot même d'idiotisme, selon son étymologie, désigne l'état d'un être séparé de la société, ou qui vit à part, qui vit seul.

choient uniquement au mal particulier dont le fruit étoit présent pour eux. Le crime n'étoit qu'un moyen, et jamais un but. On assassinoit par vengeance ou par cupidité, mais personne ne songeoit à proscrire par système; et, en assassinant, on ne nioit point la loi éternelle qui dit : Tu ne tueras point. La dépravation du cœur s'étendoit rarement à l'intelligence. Les mots de vice et de vertu avoient un sens, et le même pour tous. Il existoit un fonds commun de vérités reconnues, des droits avoués, un ordre général que nul n'imaginoit qu'on pût renverser. Lors même qu'on le violoit partiellement, on en respectoit l'ensemble. La guerre se faisoit à l'extrême frontière, ou dans l'ombre contre quelques individus isolés, et les tribunaux suffisoient pour défendre l'État et chacun de ses membres.

Maintenant tous les liens sont brisés,

1

l'homme est seul; la foi sociale a disparu, les esprits, abandonnés à eux-mêmes, ne savent où se prendre; on les voit flotter au hasard dans mille directions contraires. De là un désordre universel, une effrayante instabilité d'opinions et d'institutions. Las de l'erreur et de la vérité, on rejette également l'une et l'autre. Il y a au fond des cœurs, avec un malaise incroyable, comme un immense dégoût de la vie, et un insatiable besoin de destruction. Ce besoin se manifeste de mille manières et dans toutes les classes. Riches et pauvres, peuples, grands, rois même, tous, comme s'ils se sentoient poursuivis par les siècles qu'ils ont renié, se hâtent, se précipitent vers un avenir inconnu. Les gouvernemens, pressés de finir, s'altèrent eux-mêmes, mais pas assez peutêtre et pas assez vite à leur gré, et au gré de la multitude. On aperçoit encore dans le

« PredošláPokračovať »