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que

présent quelque chose du passé, et cette ombre fugitive inquiète. Plus de bornes, plus de barrières que les esprits ne franchissent. On ne rêve rien moins que des révolutions totales dans chaque État et dans le monde, l'entière abolition de tout ce qui est, sans s'occuper même d'y rien substituer. On veut une nouvelle religion, mais on ne sait quelle; une nouvelle forme de société, mais on ne sait quelle; une nouvelle législation et de nouvelles mœurs, mais on ne sait quelles; déplorable symptôme de la perte de tout sens, et de l'extinction de la raison sociale.

L'isolement absolu, effet immédiat de l'indépendance absolue à laquelle tendent les hommes de notre siècle, détruiroit le genre humain, en détruisant la foi, la vérité, l'amour, et les rapports qui constituent la famille et l'état. Dieu même n'est

pas indépendant, selon le sens qu'aujourd'hui l'on attache à ce mot; il est soumis aux lois qui dérivent de sa nature, lois parfaites comme lui, immuables comme lui. Dans l'unité de son être, il n'est point isolé; et dès qu'altérant sa notion réelle, les déistes le représentent éternellement seul, l'athée le cherche en vain dans cette vaste solitude.

Bien moins encore l'homme peut-il subsister isolé; essayez de le concevoir affranchi de toute dépendance, vous concevrez le néant; car, hors du néant, tout s'enchaîne, tout s'appuie mutuellement. Les esprits comme les corps n'ont de vie que celle qu'ils reçoivent, à condition de la communiquer. Pas un être qui ne se doive aux autres êtres, parce qu'il leur doit tout ce qu'il est.

De ces relations réciproques naît l'ordre,

qui se maintient par l'autorité et l'obéissance. Mais, fatigué d'obéir, l'orgueil ne veut plus reconnoître d'autorité! L'homme se dit Je serai mon maître. On ne croit

:

que soi, on n'aime que soi, on ne rapporte rien qu'à soi; et qu'est-ce que cela, sinon le renversement de la société? car la société consiste dans la croyance de certaines vérités sur le témoignage général, dans l'amour des autres, et dans le dévouement que produit cet amour. Société signifie union, et là où tout se sépare et devient individuel, chacun dès lors se trouve dans l'impossibilité de se défendre contre tous, ou dans l'impossibilité d'exister: d'où il suit que le sacrifice de soi, seul principe d'ordre, est aussi le seul moyen de conservation.

Ceci nous conduit à examiner, sous un nouveau rapport, les deux doctrines dont

nous avons exposé les effets divers. L'une, comme on l'a dû remarquer, n'est que le christianisme ou la religion traditionnelle que tous les peuples ne connoissent pas, ou n'admettent pas dans son entier développement, mais à laquelle cependant ils doivent ce qu'il y a de vrai, et par conséquent d'utile, dans leurs religions particulières. L'autre est cet assemblage d'opinions incohérentes qu'on a nommé philosophie, et qui, par une pente plus ou moins rapide, viennent se perdre dans l'athéisme.

Nous montrerons ailleurs que chaque croyance ou chaque opinion, produit un sentiment qui lui est analogue. Prenons pour exemple cette grande loi sociale : Tu honoreras ton père et ta mère (1). De ce précepte admis résulte le respect et l'amour

(1) Exod. XX, 12.

des parens, des supérieurs, de Dieu même, de qui toute paternité tire son nom (1), dit saint Paul. De cette maxime, Tu ne dois rien qu'à toi, dérive au contraire l'amour exclusif de soi-même. Si l'on considère les hommes en masse et non tel individu, et dans chaque homme l'ensemble des actions et non telle action particulière, la règle que nous venons d'établir est sans exception.

Nous l'avons appliquée à une seule loi; mais elle s'applique bien mieux encore à un système entier de doctrine; et comme toute doctrine découle d'un principe général dont les autres ne sont que des conséquences, à ce principe général répond toujours un sentiment général aussi, qui manifeste le caractère de la doctrine.

(1) Ex quo

omnis paternitas in cælis et in terra nominatur. Ep. ad Ephes. III, 14.

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