Obrázky na stránke
PDF
ePub

pouvoir demande grâce, comme s'il ignoroit que le peuple ne l'accorde jamais. La royauté descend de peur d'être précipitée, et on la voit partout occupée d'écrire son testament de mort. Hélas! elle auroit pu s'épargner ce dernier soin; elle n'a pas d'espérances à léguer.

On s'est imaginé de nos jours que l'art de gouverner consistoit à tenir le milieu entre le bien et le mal, à négocier sans cesse avec les opinions, et à composer avec le désordre. Dès lors plus de principes certains, plus de maximes ni de lois fixes; et comme il n'y a rien de stable dans les institutions, il n'y a rien d'arrêté dans les pensées. Tout est vrai, et tout est faux. La raison publique, fondement et règle de la raison individuelle, est détruite. Qui pourroit dire quelles sont les doctrines des

gou

vernemens, quelles sont les croyances des

peuples? On n'aperçoit qu'un chaos d'idées inconciliables; et dans les peuples une violence, et dans les souverains une foiblesse, présage d'un sinistre avenir.

Tantôt la nécessité de la religion se fait sentir, et l'on protége la religion; tantôt on s'effraie des cris de fureur que poussent ses ennemis, et l'on se hâte de la bannir des lois, et de désavouer Dieu comme un allié dont on rougiroit. Si l'État déclare qu'il est catholique, les tribunaux décident qu'il est athée. Que croire au milieu de ces contradictions? Quel effet doivent-elles produire sur le peuple? Les bons sont ébranlés ; les méchans, avertis de leur force, se flattent d'un triomphe complet; ils redoublent d'audace et d'activité, N'est-ce pas là ce que nous voyons? Une nouvelle société se constitue secrètement au sein de l'ancienne, et deviendra bientôt peut-être la société pu

blique. Le mal régnera: on a douté de l'ordre, on aura foi dans le crime. Ceci n'est point exagéré, l'expérience ne le prouve que trop. Quand les esprits sont dans le vague, ils s'inquiètent; dans leurs ténèbres et dans leur effroi, ils se font des croyances terribles; et déjà n'avons-nous pas une religion secrète qui se révèle par le meurtre?

L'athéisme aussi a la sienne, froide comme l'orgueil, ce qui n'exclut pas le fanatisme. On adore sous le nom de science la raison humaine : la science, pour certains esprits, est le Dieu de l'univers; on n'a foi qu'en ce Dieu, on n'espère qu'en lui; sa sagesse et sa puissance doivent renouveler la terre, et, par de rapides progrès, élever l'homme à un degré de bonheur et de perfection dont il ne sauroit se faire une idée. Cette religion se développe, elle a ses dogses mystères, ses prophéties même et

mes,

ses miracles; elle a son culte, ses prêtres, ses missions, et ses sectateurs se flattent de la substituer à toutes les autres.

En considérant la société sous un point de vue plus général, il est impossible de n'y pas remarquer un principe de division qui en pénètre toutes les parties, et par conséquent une cause très-active de dissolution. Deux doctrines sont en présence dans le monde; l'une tend à unir les hommes, et l'autre à les séparer; l'une conserve les individus en rapportant tout à la société, l'autre détruit la société en ramenant tout à

[ocr errors]

་,,,་

l'individu (1). Dans l'une tout est général, l'autorité, les croyances, les devoirs; et chacun n'existant que pour la société, con

(1) Hors de la société, l'homme ne peut ni se conserver, ni se perpétuer. Se perpétuer, c'est se conserver toujours, et le désir de se perpétuer, de même que le désir de se perfectionner, n'est que le désir de viyre; car être plus parfait,

court au maintien de l'ordre

par une obéissance parfaite de la raison, du cœur et des

c'est vivre davantage; la perfection est le développement complet de la vie.

L'esprit, le cœur, les sens même où le corps, en un mot, l'homme tout entier désire naturellement se conserver ou se perpétuer, parce que naturellement il veut vivre, et qu'il n'est point en son pouvoir de ne pas vouloir vivre.

Mais, dans l'isolement contre nature où le place la philosophie, tous les efforts qu'il fait pour se conserver, tendent à le détruire. Seul, l'homme ne produit rien; la vie est un don du souverain Être ; les créatures la transmettent, et voilà tout. Or, transmettre, c'est communiquer ce qu'on a reçu. Recevoir et rendre, voilà done en quei consiste la vie, et le moyen par lequel elle se conserve: donc point de vie hors de la société ; et la société, considérée dans son existence intellectuelle, se compose essentiellement de trois personnes, celle qui reçoit, celle dont elle a reçu, et celle à qui elle rend ou transmet ce qu'elle a reçu.

Tout ce qui, dans l'homme, a un mode de vie particu→ lier, l'esprit, le cœur, les sens ou le corps, est soumis à eette loi universelle d'union et de dépendance.

Qu'arrive-t-il donc quand l'homme est seul?

« PredošláPokračovať »