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gler sa raison. Ce n'est pas tout cependant, et l'on n'auroit qu'une idée très imparfaite du danger de cette philosophie, si l'on n'observoit pas qu'elle renferme encore un autre principe d'erreur et de septicisme, plus funeste même que le premier, parce qu'il flatte davantage l'orgueil et l'esprit d'indépendance.

Montrons d'abord en quoi consiste ce principe de scepticisme, nous ferons voir ensuite comment il devient une cause d'erreur.

Supposons que les dogmatistes soient enfin parvenus à trouver cette première vérité certaine qu'ils cherchent, ou que, ne pouvant réussir à s'assurer de sa certitude, ils conviennent d'admettre sans preuves certains axiomes ou certaines notions pour servir de bases à leurs raisonnemens ; ils ne sont guère avancés pour cela car, à moins de soutenir qu'il est impossible que l'homme se trompe dans l'usage qu'il fait de sa raison, ce qui seroit dire que les contradictoires sont également vrais, ou détruire par une autre voie toute vérité et toute certitude, il faut qu'ils donnent à chaque homme une règle infaillible de ses jugemens, ou un moyen certain de reconnoître s'ils ont bien ou mal appliqué le

principe d'où l'on est convenu de partir autrement l'on ne pourroit encore rien affirmer raisonnablement, puisqu'on n'auroit aucune assurance d'avoir bien raisonné. Voyons donc si les philosophes dont nous parlons donnent cette règle, s'ils la donnent comme infaillible, et s'ils sont d'accord entre eux sur cela.

Pour commencer par Descartes, on a vu qu'après s'être entièrement isolé de tous les autres êtres intelligens, la première chose dont il tâche de s'assurer est son existence, et que sa première proposition est celle-ci : Je pense, donc je suis. On a vu encore que, de son aveu, cette proposition seroit incertaine, si Dieu n'existoit pas, ou s'il pouvoit être trompeur. Sa certitude dépend encore de celle des idées qu'elle renferme, et que Descartes n'essaie pas de prouver. « Lorsque « j'ai dit (ce sont ses paroles) que cette pro<< position, je pense, donc je suis, est la << première et la plus certaine qui se présente «< à celui qui conduit ses pensées par ordre; << je n'ai pas pour cela nié qu'il ne fallût savoir <<< auparavant ce que c'est que pensée, certi<< tude, existence, et que, pour penser, il faut

«étre, et autres choses semblables; mais à «< cause que ce sont des notions si simples, << que d'elles-mêmes elles ne nous font avoir << la connoissance d'aucune chose qui existe, « je n'ai pas jugé qu'elles dussent être mises ici << en compte

I

».

Pour que la fameuse proposition de Descartes soit certaine, c'est-à-dire, pour qu'il soit assuré de son existence, il est donc obligé de supposer trois choses :

.

1° Que Dieu existe, et qu'il ne peut ni ne veut le tromper;

2° Que toutes ses premières notions sont vraies, ce qui est précisément la question;

3o Enfin son existence même, puisque, pour penser, il faut être, et que, par conséquent, dire je pense, c'est affirmer que l'on est.

Toute cette philosophie n'est donc qu'une éternelle complication de cercles vicieux. Mais venons à la règle générale que Descartes déduit de son premier principe, et qui est, selon lui, le criterium ou la marque de la vérité : Tout ce que je perçois clairement et distinctement est

1 Les Principes de la philosophie de R. Descartes, trad. en françois par un de ses amis, n. 10, pag. 8.

vrai. Leibnitz observe avec raison qu'elle a besoin d'une nouvelle marque pour faire discerner ce qui est clair et distinct'; car jamais les hommes ne se trompent que parce qu'ils croient avoir une perception claire et distincte de ce. qu'ils pensent; autrement ce ne seroit plus l'erreur, ce seroit le doute, vu que l'essence de la méprise consiste à la méconnoître. Comment donc saurons-nous que nous nous méprenons? Comment discernerons-nous avec certitude nos perceptions véritablement claires et distinctes de celles que nous croyons faussement avoir ces caractères? Qu'est-ce que distinct? Qu'est-ce que clair? Descartes nous l'apprendra-t-il ?«< La connoissance sur laquelle on veut << établir un jugement indubitable doit être, << dit-il, non seulement claire, mais aussi dis<<< tincte. J'appelle claire celle qui est présente a et manifeste à un esprit attentif; de même que <<< nous disons voir clairement les objets, lors<< que, étant présens, ils agissent assez fort, et

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Remarques sur le livre de l'Origine du mal. Oper. theolog., tom. I, pag. 438.

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<< que nos yeux sont disposés à les regarder; <<< et distincte, celle qui est tellement précise «<et différente de toutes les autres, qu'elle ne << comprend en soi que ce qui paroît mani« festement à celui qui la considère comme il « faut1».

Si Descartes avoit dit, J'appelle clair ce qui est clair, et distinct ce qui est distinct, il se seroit exprimé un peu plus clairement et distinctement. Quelle pitié de voir un si grand génie contraint, par un système faux, de balbutier des paroles sans aucun sens, et s'enfoncer de plus en plus dans l'obscurité, pour avoir voulu trouver en lui-même la lumière !

Nous ne sommes pas au bout, et sa règle a bien d'autres inconvéniens. Au fond, puisqu'il ne peut donner aucune marque certaine pour discerner ce qui est réellement clair et distinct, son criterium se réduit à ceci : Tout ce dont il nous est impossible de douter, ou tout ce que nous croyons fortement être vrai, est vrai; et par conséquent tout ce que nous croyons fortement être faux, est faux.

Écoutons maintenant Pascal. Après avoir parlé

▪ Les Principes de la philosophie, n. 45, pag. 34.

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