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de certaines vérités qui sont les fondemens et les principes de la géométrie, il ajoute : « Il n'y a <<< point de connoissance naturelle dans l'homme « qui précède celles-là, et qui les surpasse en «< clarté. Néanmoins, afin qu'il y ait exemple de <<< tout, on trouve des esprits excellens en toutes << autres choses, que ces infinités choquent, et « qui ne peuvent, en aucune sorte, y consen« tir >>>.

Voilà donc des esprits excellens pour qui la géométrie n'est pas vraie, et qui ne doivent pas y croire, selon la règle de Descartes. Mais c'est peu de choses encore, près de ce qu'il dit de luimême ; car il avoue qu'il y a des personnes qui, en toute leur vie, n'aperçoivent rien comme il faut pour en bien juger, par conséquent des personnes qui, en toute leur vie, ne pourront jamais être certaines de rien. Comment Descartes ne s'est-il pas aperçu que cet aveu détruit complètement sa règle et toute sa philosophie de l'homme isolé? Car qui nous assure

1 Pensées de Pascal, tom. I, pag. 155.

* Les Principes de la philosophie, n. 45, pag. 54.

,

que nous ne sommes pas une de ces personnes qui, en toute leur vie, n'aperçoivent rien comme il faut pour bien en juger? Toutes les raisons prises en nous-mêmes par lesquelles nous pourrions nous persuader le contraire ne prouvent absolument rien, puisqu'il faudroit auparavant que nous fussions sûrs que nous apercevons quelque chose comme il faut pour en bien juger. Ainsi, nous tombons de nouveau, et par règle même de Descartes, dans le scepticisme absolu.

la

Nous avons montré qu'elle se réduit à cet axiome Tout ce que je crois fortement étre vrai est vrai. Mais quelle croyance plus forte que celle des fous sur le point de leur folie *? Outre les autres motifs qui peuvent rendre incertaine la croyance la plus invincible, elle ne prouve donc nullement la vérité de ce qu'on croit, à moins d'être sûr qu'on n'est pas fou. Or, quelle preuve chacun de nous a-t-il qu'il n'est pas fou, si ce n'est le témoignage des autres hommes; l'impuissance de reconnoître

Les fanatiques sont à cet égard dans le même cas que les fous.

qu'on est fou étant précisément le caractère de la folie?

La marque de la vérité que donne Descartes, ou sa règle générale, est donc :

1o Incertaine, puisqu'il ne la prouve pas ; 2° Insuffisante, puisqu'elle a besoin d'une nouvelle marque;

3° Fausse, puisqu'elle tend à consacrer tous les rêves de la folie, et même toutes les illusions de l'erreur; car, plus l'erreur seroit profonde, plus elle auroit le caractère de la vérité, confondue, selon cette règle, avec l'erreur invincible.

Malebranche ne s'éloigne pas, sur ce point, de Descartes. Il pense comme lui que le sentiment intérieur de l'évidence doit être la rẻgle de nos jugemens; et voici en conséquence le principe qu'il établit : « On ne doit jamais « donner de consentement entier qu'aux pro« positions qui paroissent si évidemment vraies, « qu'on ne puisse le leur refuser sans sentir << une peine intérieure et des reproches secrets « de la raison; c'est-à-dire, sans que l'on <«< connoisse clairement qu'on feroit mauvais « usage de sa liberté, si l'on ne vouloit pas <«<< consentir, ou si l'on vouloit étendre son

<< pouvoir sur des choses sur lesquelles elle n'en

<< a plus 1».

1 )).

Essayez de réduire ces paroles de Malebranche à une proposition précise, vous ne trouverez que ceci : « Voulez-vous éviter l'er<«<reur, ne consentez jamais qu'à la vérité. << Mais qu'est-ce que la vérité? C'est ce qui <<< vous paroît évidemment vrai ». Toujours la même incertitude, la même insuffisance, la même fausseté.

Après avoir avoué « que celui qui fourni<<<roit un autre criterium auroit trouvé quel<«<< que chose de fort utile au genre humain Leibnitz dit : « J'ai tâché d'expliquer ce cri«terium dans un petit discours sur la vérité << et sur les idées, publié en 1684; et quoi<«<< que je ne me vante point d'y avoir donné << une nouvelle découverte, j'espère avoir dé<< veloppé des choses qui n'étoient connues << que confusément. Je distingue entre les vé«<rités de fait et les vérités de raison. Les « vérités de fait ne peuvent être vérifiées que <<< par leur confrontation avec les vérités de

▾ Recherche de la vérité, liv. I, chap. II, n. 4, tom. I, pag. 20.

<< raison, et par leur réduction aux percep«<tions immédiates qui sont en nous, et dont << saint Augustin et M. Descartes ont fort bien <«< reconnu qu'on ne sauroit douter; c'est-à«< dire, nous ne saurions douter que nous pen<< sons, et même que nous pensons telles ou << telles choses. Mais, pour juger si nos appari«<tions internes ont quelque réalité dans les <«<< choses, et pour passer des pensées aux ob« jets, mon sentiment est qu'il faut considérer « si nos perceptions sont bien liées entre elles « et avec d'autres que nous avons eues; en <<< sorte que les vérités de mathématiques et au<< tres vérités de raison y aient lieu; en ce cas «on doit les tenir pour réelles, et je crois que « c'est l'unique moyen de les distinguer des <«< imaginations, des songes, et des visions. « Ainsi la vérité des choses hors de nous ne << sauroit être reconnue que par la liaison des « phénomènes. Le criterium des vérités de <«<< raison, ou qui viennent des conceptions, «< consiste dans un usage exact des règles de la «<logique »>.

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Remarques sur le livre de l'origine du mal. Oper. theolog., tom. I, pag. 438 et 459.

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