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Pour ce qui est de la certitude des vérités de fait, Leibnitz suppose sans aucunes preuves que nous ne pouvons pas réver pendant soixante ans, comme nous rêvons pendant quelques heures et que des imaginations, des songes, ne sauroient être liés entre eux comme des perceptions réelles. De plus, il ne nous donne aucune règle infaillible au moyen de laquelle nous puissions nous assurer pleinement qu'en effet nos perceptions sont bien liées entre elles et avec d'autres que nous avons eues, en sorte que les vérités de mathématiques et autres vérités de raison y aient lieu. Et quant à ces vérités de raison, de la certitude desquelles dépend la certitude des vérités de fait, Leibnitz suppose encore, et toujours sans preuves, que nos premières notions, ou nos perceptions immédiates sont vraies, ainsi que les règles de la logique, et il n'essaie même pas de nous apprendre comment nous serons certains que nous en avons fait un usage exact.

Au reste, pour ne pas choquer trop ouvertement les autres philosophes, il auroit dû nous dire de quelle logique il entend parler. Quant à celle de l'école, les auteurs de l'art

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de penser nous préviennent ingénument qu'il y a sujet de douter si elle est aussi utile qu'on l'imagine ; ce qui n'indique pas, ce semble, qu'ils fussent disposés à la reconnoître pour le criterium des vérités de raison; et cette répugnance ne leur est pas particulière, car, au jugement de Malebranche, les logiques ordinaires sont plus propres pour diminuer la capacité de l'esprit, que pour l'aug

menter 2.

Bacon s'accorde en cela parfaitement avec Malebranche. << Dans la logique ordinaire, dit-il, << on ne traite guère que du syllogisme..... <<< Pour nous, nous rejetons la démonstration << par le syllogisme, parce qu'elle est pleine << de confusion, et qu'elle laisse, pour ainsi <<< dire, la nature échapper de nos mains. Car, <«<< quoique personne ne puisse douter que « les choses qui conviennent avec un moyen <<< terme, conviennent entre elles (ce qui est <«<< d'une certitude presque mathématique ),

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ment.

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Logique de Port-Royal, IIIe part. Du raisonne

Recherche de la vérité, liv. III, partie 1, chap. III, 4, tom. II, pag. 39.

« néanmoins il y a cette cause d'erreur, que « le syllogisme se compose de propositions, << les propositions de mots, et les mots sont <«<les signes des notions. C'est pourquoi si les << notions même de l'esprit (qui sont comine << l'ame des mots, et la base de tout cet édi<«<fice) sont mal et témérairement abstrai<< tes des choses, si elles sont vagues, si elles << ne sont ni assez définies ni assez circons<«< crites, enfin si elles sont vicieuses de quel<< que manière que ce soit, tout s'écroule. « Nous rejetons donc le syllogisme, non seu<«<lement quant aux principes, ce que tout le << monde fait, mais encore quant aux propo«sitions médiates qu'il en tire et qu'il enfante <«< comme il peut...; et nous le laissons, ainsi « que les autres démonstrations de même « sorte, si fameuses et si vantées, exercer sa <<< juridiction dans les arts populaires, et qui << dépendent de l'opinion' >>.

• In logica vulgari opera fere universa circa syllogismum consumitur.... At nos demonstrationem per syllogișmum rejicimus, quod confusius agat, et naturam emittat e manibus. Tametsi enim nemini dubium esse possit, quin, quæ in medio termino conveniunt, ea et inter

Nous croyons que Bacon exagère les inconvéniens de la logique reçue. Mais au moins Descartes la défendra contre des préventions si fâcheuses. On en va juger; voici ce qu'il dit: « La logique de l'école n'est, à proprement << parler, qu'une dialectique, qui enseigne les <<< moyens de faire entendre à autrui les choses << qu'on sait, ou même aussi de dire sans juge<< ment plusieurs choses touchant celles qu'on

se conveniant (quod est mathematicæ cujusdam certitudinis); nihilominus hoc subest fraudis, quod syllogismus ex propositionibus constet, propositiones ex verbis, verba autem notionum tesseræ et signa sint. Itaque si notiones ipsæ mentis (quæ verborum quasi anima sunt, et totius hujusmodi structuræ ac fabricæ basis) male ac temere a rebus abstractæ, et vagæ, nec satis definitæ et circumscriptæ, denique multis modis vitiosæ fuerint, omnia ruunt. Rejicimus igitur syllogismum; neque id solum quoad principia (ad quæ nec illi eum adhibent), sed etiam quoad propositiones medias; quas educit sane atque parturit utcumque syllogismus.... Quamvis igitur relinquamus syllogismo, et hujusmodi demonstrationibus famosis et jactatis, jurisdictionem in artes populares et opinabiles, etc. Novum organum scientiarum; Distrib. oper., pag. 5 et 6.

« ne sait pas; et ainsi elle corrompt le bon sens << plutôt qu'elle ne l'augmente' ».

Leibnitz, Descartes, illustres philosophes, dans quelles perplexités vous me jetez! Je cherche un criterium, une marque certaine de la vérité, une règle infaillible pour m'assurer que je la possède: l'un de vous me dit: « Ce criterium consiste dans un usage exact « des règles de la logique »; et l'autre m'assure que cette logique n'est propre qu'à corrompre le bon sens. Qui croirai-je de vous deux? que ferai-je? Si j'ai recours à la logique, je renonce au bon sens, dit l'un; si je refuse son secours, je renonce à la vérité, dit l'autre. Hélas! dans cette alternative, le plus sage ne serait-il point de renoncer à la philosophie?

Quoiqu'il soit clair que Leibnitz parle de la logique de l'école, si néanmoins l'on veut prendre ce mot dans un sens plus général, sans le limiter à aucune méthode particulière de raisonnement, cela ne diminuera pas beaucoup notre embarras. En effet, de quoi s'agit-il?

Les Principes de la Philosophie de René Descartes, préface.

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