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au sens commun et prend sa raison seule pour règle de ses croyances, doit, nous ne saurions trop le répéter, douter de tout; et dès lors aussi tout meurt. Pour vivre, il faut croire avant de comprendre, avant même d'examiner, et croire sur le témoignage; autrement nul ordre, nulle raison, nulle existence ne seroit possible. Sans cette foi naturelle et sans la règle de cette foi, le monde moral périroit, comme l'observe saint Augustin, dont voici les paroles: « On peut apporter <<< plusieurs raisons qui feront voir qu'il ne reste «< plus rien d'assuré parmi la société des hom«mes, si nous sommes résolus de ne rien croire « que ce que nous pourrons reconnoître cer<< tainement 1. Et ceux, ajoute-t-il, qui aiment

▾ Mulia possunt afferri quibus ostendatur nihil omnino humanæ societatis incolume remanere, si nihil credere statuerimus, quod non possumus tenere perceptum. De utilitate credendi, c. XII, n. 26. Tenere perceptum : Pascal semble avoir voulu lutter contre cette belle expression, dans ce passage souvent cité : « Dira-t-il qu'il possède certainement la vérité, lui qui, si peu qu'on

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le

pousse, n'en peut montrer aucun titre, et est forcé « de lácher prise ? »

<<< et qui cherchent la vérité, croient à l'auto

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Mais pour mieux faire comprendre encore l'importance de la méthode que nous exposons dans notre ouvrage, et les inconvéniens de la méthode opposée, appliquons-les l'une et l'autre aux controverses contre les athées et contre les déistes.

Nous avons déclaré déjà, et puisqu'on a rendu cette protestation nécessaire, nous déclarons de nouveau que personne au monde n'est plus convaincu que nous de la solidité des preuves qu'emploient les apologistes de la religion chrétienne pour établir l'existence de Dieu et la vérité de la révélation. Nous sommes donc bien loin de prétendre infirmer ces preuves en ellesmêmes. Nous disons seulement qu'elles sont incomplètes, faute d'un premier principe sur lequel elles s'appuient, et qu'on en énerve toute la force en les soumettant au jugement particulier de chaque homme, investi dès lors du droit de les admettre ou de les rejeter, selon

▾ Invenimus primum beatorum genus ipsi veritati credere; secundum autem studiosorum amatorumque veritatis, auctoritati. Eod. lib.

la nature de l'impression qu'elles font sur son esprit.

En effet, en s'adressant, soit à l'athée, soit au déiste, on suppose constamment, selon la méthode philosophique, que chacun, ayant en soi le principe de certitude et la règle de ses croyances, doit admettre comme vrai ce qui est clair, évident, démontré à sa raison, et rien autre chose; supposition très fausse, et destructive de toute vérité et de toute foi.

Nous parlons ici d'après l'expérience; car on a vu que le philosophe qui ne reconnoît d'autre juge de vérité que sa seule raison est con

duit pas à pas dans le septicisme universel. Mais il faut montrer de plus que, tandis qu'on raisonne avec lui sur ce principe, il est impossible de le forcer d'admettre une vérité quel

conque.

Prenons pour exemple l'athée. Que lui répondrez-vous, quand il vous dira : <<< Pour << me prouver qu'il existe un Dieu, vous avez << posé comme certains des principes dont je <<< n'avoue nullement la certitude. Descartes << lui-même convient qu'ils sont douteux, si << Dieu n'est pas. Or, comment tirerez-vous

« de principes douteux une conclusion cer«<taine? Si, abandonnant en cela Descartes, << vous me dites que votre raison n'a ni ne << peut avoir le moindre doute de la vérité « de ces principes, je vous répondrai que j'i«gnore ce qui se passe dans votre raison, « mais qu'en tout cas elle n'est point ma rẻ«gle, et que, de votre aveu, je ne puis ni « ne dois juger qu'avec la mienne. Or, après <«< un mûr examen, ma raison, d'accord avec «< celle de Hume, me dit 'qu'arguer du cours « de la nature pour en inférer l'existence d'une « cause intelligente qui a établi et qui main« tient l'ordre dans l'univers, c'est embrasser « un principe incertain tout ensemble et inutile; « car ce sujet est entièrement hors de la sphère « de l'expérience humaine. Ma raison ne << m'incline pas moins à rejeter votre grand « axiome, il n'y a point d'effet sans cause, « et les conséquences que votre raison parti«< culière en déduit. A mon jugement, on ne << sauroit tirer un argument, même probable, « de la relation de la cause à l'effet, ou de

'Hume's philosophical Essays, pag. 224.

I

« l'effet à la cause ; la liaison de l'effet avec « sa cause est entièrement arbitraire, non seu«<lement dans sa première notion à priori, mais « encore après que cette notion nous a été sug« gérée par l'expérience. Cet axiome, et les << autres dont vous vous servez, sont, dites« vous, évidens; dites qu'ils vous paraissent «tels : mais, encore une fois, ce n'est pas << votre évidence personnelle, ce n'est pas

votre raison qui est ma règle. Ils paroissent, « ajoutez-vous, également évidens à tous les << hommes. Quand il seroit ainsi, que m'im« porte? Ne convenez-vous pas que c'est ma <<< conviction, mon évidence, et non l'évidence « des autres hommes et leur conviction qui << doivent déterminer mes croyances? De plus, « quand j'admettrois les principes que vous « posez, nous ne serions guère avancés pour <«< cela car il s'en faut bien que je tombe « d'accord de la justesse des conséquences << que vous en déduisez. Mon esprit n'est nul«<lement frappé de vos démontrations; il n'y <«<< voit que des paralogismes. Or le jugement

r Hume's philosophical Essays, pag. 62, 65.

3

Ibid., pag. 53, 54. .

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