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<<< attachés à leurs erreurs, et de traiter les << mystères de la foi comme des opinions hu<<< maines.

« L'agitation de l'esprit et les subtilités de «<l'école ne sont pas propres à faire connoî<«<tre aux hommes leur foiblesse, et ne leur << donnent pas toujours cet esprit de soumis<«<sion si nécessaire pour se rendre avec hu« milité aux décisions de l'Église. Tous ces <<< raisonnemens subtils et humains peuvent << au contraire exciter en eux leur orgueil se«<cret; ils peuvent les porter à faire usage de <«<leur esprit mal à propos, et à se former << ainsi une religion conforme à sa capacité. <«< Aussi ne voit-on pas que les hérétiques se << rendent aux argumens philosophiques, et << que la lecture des livres purement scolas<«<tiques leur fasse reconnoître et condamner <<<< leurs erreurs. Mais on voit au contraire tous <«<les jours qu'ils prennent occasion de la foi« blesse des raisonnemens de quelques sco<«<lastiques pour tourner en raillerie les mys« tères les plus sacrés de notre religion, qui, « dans la vérité, ne sont point établis sur toutes << ces raisons et explications humaines, mais << seulement sur l'autorité de la parole de Dieu

« écrite, ou non écrite, c'est-à-dire transmise << jusqu'à nous par la voie de la tradition....

« Le meilleur moyen de convertir les hé<< rétiques n'est donc pas de les accoutumer à << faire usage de leur esprit, en ne leur appor<<< tant que des argumens incertains tirés de <«< la philosophie, parce que les vérités dont <«<< on veut les instruire ne sont pas soumises à « la raison. Il n'est même pas toujours à pro«pos de se servir de ces raisonnemens dans « des vérités qui peuvent être prouvées par <«< la raison aussi-bien que par la tradition, <«< comme l'immortalité de l'ame, le péché ori<< ginel, la nécessité de la grâce, le désordre « de la nature, et quelques autres; de peur << que leur esprit, ayant une fois goûté l'évi<<< dence des raisons dans ces questions, ne <«< veuille point se soumettre à celles qui ne << se peuvent prouver que par la tradition. Il <«< faut au contraire les obliger à se défier de << leur esprit propre, en leur faisant scutir sa <<< foiblesse, sa limitation, et sa disproportion << avec nos mystères et quand l'orgueil de <«<leur esprit sera abattu, alors il sera facile << de les faire entrer dans les sentimens de l'É«glise, en leur représentant que l'infaillibi

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« lité est renfermée dans l'idée de toute société << divine, et en leur expliquant la tradition de « tous les siècles, s'ils en sont capables.

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<< Mais si les hommes détournent conti<«<< nuellement leur vue de dessus la foiblesse et <<< la limitation de leur esprit, une présomp«<tion indiscrète leur enflera le courage, une « lumière trompeuse les éblouira, l'amour de «la gloire les aveuglera. Ainsi les hérétiques <«< seront éternellement hérétiques; les philo«sophes, opiniâtres et entêlés; et l'on ne ces« sera jamais de disputer sur toutes les choses << dont on disputera, tant qu'on en voudra dis<< puter1»>.

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Nous prions le lecteur de méditer ces réflexions, et nous lui laissons le soin d'en tirer les conséquences applicables à la question qui nous occupe. Nous observerons seulement que les hommes dont l'esprit étoit le plus fort et le plus pénétrant sont aussi ceux qui ont été le plus effrayés de la foiblesse de la raison humaine, et du danger dé soumettre la vérité à son jugement. Au contraire, les hommes nés

Recherche de la vérité, tom. II, liv. III, part. I, chap. II, pag. 22-29.

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avec une certaine incapacité de comprendre, les esprits obtus et bornés, annoncent, ainsi que les hommes d'erreur, une extrême confiance dans la raison, et surtout dans la leur; et en général la promptitude et l'assurance avec laquelle on affirme, lorsqu'il ne s'agit pas de choses de foi, est ordinairement proportionnée au défaut de lumières. Nul n'est jamais si pressé de dire Je vois, que celui qui ne voit pas, ou qui ne voit rien nettement. Il en a été toujours ainsi, et il n'y a pas d'apparence que les hommes soient plus sages dans la suite. C'est pourquoi, si l'on gémit de cette aveugle présomption, on ne doit pas du moins s'en étonner; car elle est tout ensemble, et un effet de notre imperfection naturelle, et une des misères attachées à l'état 'd'un être déchu par l'orgueil.

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CHAPITRE V.

Leibnitz.

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Lorsque Malebranche exposoit en France. ses idées si brillantes et souvent si profondes et si vraies sur la métaphysique, philosophe non moins illustre étonnoit l'Allemagne par l'étendue de sa science et par les prodiges de sa pensée. Il y eut en ce temps-là, dans toute l'Europe comme un effort unanime des esprits pour reculer les limites des connoissances humaines; et rien, dans les siècles qui avoient précédé ou qui ont suivi, n'est comparable à cette espèce de ligue qui se forma, sous Louis XIV, entre les hommes du plus haut génie et de la plus pure vertu, pour conquérir la vérité. Si le succès ne répondit pas toujours à leurs espérances, il n'en faut accuser que la foiblesse naturelle de la raison; et de cela même nous

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