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ce chapitre tant critiqué, tant censuré, n'est que la paraphrase exacte d'une page de l'aigle de Meaux.

Une des causes qui me paroissent le plus indisposer contre votre doctrine certaines personnes, c'est qu'elles prennent leur raison pour la raison, et qu'elles regardent en conséquence comme des attaques et des insultes à la raison même, ce que vous dites simplement de leur raison particulière. Cependant vous avez eu grand soin de distinguer la raison de l'individu de la raison générale, ou de la raison par excellence. La raison individuelle est variable, fautive; la raison générale, ou simplement la raison, est éternelle, immuable, infaillible, comme étant quelque chose de Dieu, ou plutôt Dieu même.

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Et puisque la raison générale est infaillible, elle est donc la règle de chaque raison individuelle, et le fondement de toute certitude humaine. Il ne sera pas sans intérêt de voir comment cette règle est appliquée à chaque espèce de certitude par un habile et savant apologiste de la religion, Bergier, qui, ayant à combattre corps corps les ennemis de la foi, ne pouvoit pas, suivant l'expression de Bossuet, éviter les difficultés, ou dissimuler et faire bonne mine, mais étoit obligé, pour lutter avec avantage contre ses innombrables adversaires, de s'appuyer continuellement sur la vraie et unique base de toute certitude, de toute raison, de toute philosophie. Voici donc ce qu'il dit sur les trois espèces de certitude, en traitant cette matière ex professo, dans son Traité de la vraie Religion, tome iv.

<< La certitude métaphysique est fondée sur la liaison in<< time de nos idées clairement aperçucs, ou sur le sentiment

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<«< intime. Nous savons, par exemple, avec une certitude métaphysique, qu'il est impossible qu'une chose soit et << ne soit pas en même temps; qu'il ne peut y avoir d'effet <«< sans cause; que le tout est plus grand que sa partie, etc. <«< Les axiomes des mathématiques, concernant les pro<< priétés des nombres et de l'étendue, sont de même espèce. Ainsi nous sommes certains que la ligne droite est <«< la plus courte ; que les trois angles du triangle sont égaux « à deux droits. Toutes ces propositions évidentes, et << les conséquences immédiates qu'on en tire par un rai<< sonnement simple, sont également certaines. Je dis les « conséquences immédiates : il n'en est pas ainsi des «< conséquences éloignées, qui ne peuvent être déduites << que par une longue chaîne de propositions et de raison« nemens ; celles-ci sont souvent incertaines et fautives; << souvent les géomètres se diputent sur les conséquences, << souvent ils prétendent avoir des démonstrations pour et «< contre le même problème. A quelle épreuve faut-il << donc mettre ces démonstrations prétendues? C'est de << voir si elles font la même impression sur tous les hom<< mes capables de les comprendre ; alors il est impossible « qu'elles soient fausses. Ainsi, en dernière analyse, la « certitude métaphysique se réduit, aussi-bien que les « autres, au dictamen du sens commun.

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« Une des plus folles prétentions des sceptiques est de « supposer que nous ne devons croire que ce qui est « démontré par le raisonnement. Fausse maxime. Ce se

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<< roit rendre tout raisonnement impossible. Tout raison<<nement démonstratif doit porter sur deux propositions « évidentes par elles-mêmes; autrement elles auroient «< besoin d'être prouvées par un second raisonnement, «< celui-ci par un troisième, et ainsi à l'infini. Or il est << absurde de mettre en question une proposition évidente « par elle-même, une première vérité. On doit regarder << comme telle toute proposition qu'il est impossible de << prouver ou de combattre par une autre plus claire et

plus évidente. Si l'on ne s'en tient pas à cet axiome, << tout raisonnement, toutes disputes sont absurdes et « ridicules. Nous sommes déterminés à croire ces véri« tés, non en vertu d'aucune preuve, puisqu'elles n'en << sont pas susceptibles, mais en vertu du sens commun, << ou du penchant invincible qui porte l'homme à croire «< ce qui est vrai : résister à ce penchant naturel, sans le<< quel le genre humain ne pourroit subsister, ce n'est plus philosophie c'est vanité puérile et démence < pure '.

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« La certitude physique est fondée sur le témoignage « de nos sens, et sur l'ordre constant de la nature. Nous ajoutons foi à nos sens, non en vertu d'aucun raison<< nement, mais par une détermination irrésistible de la « nature, qui a fait dépendre notre conservation de la << confiance que nous donnons à nos sensations. Les sens << ne nous trompent point, lorsque nous nous en servons « avec les précautions que la raison et l'expérience nous

Pag. 465 et 466.

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suggèrent, lorsque leur temoignage est réuni et sou<< vent réitéré, lorsque son résultat est le même à l'égard << de tous les hommes, lorsque l'objet est suffisamment «< à portée des sens. Ainsi (page 488) nous pouvons << rectifier l'erreur d'un sens par l'application des autres, « et en comparant nos sensations avec celles des autres « hommes. La certitude physique porte donc sur le même « principe que la certitude métaphysique '.

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<< L'auteur anglais de l'Essai sur la vérité a eu raison << de reprocher à Descartes qu'il bâtissoit toute sa philosophie sur une pétition de principe, lorsqu'il vouloit «< prouver la véracité de nos facultés, parce que c'est un <«< Dieu sage et bon qui nous les a données. En effet, « pour démontrer l'existence de Dieu, selon Descartes, <«< il faut commencer par raisonner: mais que prouvera <«<le raisonnement, si nous ne sommes pas déjà convaincus que notre faculté de raisonner n'est point fautive?

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Nous ne tombons pas ici dans le même inconvénient. « Pour donner notre confiance au sentiment intérieur et

« au témoignage des sens, il suffit d'avoir le sens com« mun; nous n'avons pas besoin d'autre preuve 2.

«La certitude morale est fondée sur le témoignage « des hommes, c'est-à-dire, sur leur accord et leur « sens commun; elle a pour objet les faits, aussi-bien « que la certitude physique 3. Tous les liens de la so« ciété humaine, nos devoirs les plus sacrés, nos intérêts

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« les plus chers, portent sur des faits. Le gouvernement « des états, la force des lois, les engagemens mutuels, « ne sont appuyés que sur la certitude morale. Si ce guide n'étoit pas infaillible, plus de confiance, plus « d'intérêt commun, plus de liaisons réciproques; la << société ne tarderoit pas à se dissoudre, et le genre « humain de périr

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Donc, en dernière analyse, le sens commun est, selon Bergier, la règle souveraine de toute espèce de certitude ; donc, en dernière analyse, le sens commun est l'unique fondement de la raison, de la vraie philosophie et de la société humaine ; donc, en dernière analyse, c'est la foi au sens commun, et cette foi seule, qui sauve la raison de l'homme d'un scepticisme universel, et la société des hommes d'une complète anarchie.

J'ai dit, en commençant, que la doctrine que vous défendez pouvoit se réduire à cette espèce de symbole : « Je crois le sens commun dans les choses humaines, comme je crois l'Église catholique dans les choses divines, parce que le sens commun et l'Église catholique sont au fond cette même lumière qui luit en ce monde et qui illumine tout homme ». En effet, qu'on rapproche de ce que Bergier dit avec vous de la règle fondamentale de toute certitude; qu'on en rapproche, dis-je, et qu'on y compare la règle de foi, telle que l'explique Vincent de Lerins dans son Avertissement, et tous les catholiques après lui, et l'on verra que c'est absolument la même règle.

« Ce

1 Pag. 520.

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