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celui dont l'intelligence infinie éclaire toutes les intelligences finies, comme sa volonté absolue triomphe tôt ou tard de toutes nos volontés passagères? Ainsi nous retrouvons partout le consentement universel à l'existence de quelque être supérieur à l'homme, à la distinction du bien et du mal, à une vie future, etc., etc. Et le plus ou moins de développement de ces vérités primitives, le plus ou moins de conséquences déduites de ces vérités-principes, et appliquées à la conduite des hommes et à l'ordre des sociétés, marquent dans tout le globe les divers degrés de civilisation ou de perfection morale, et par conséquent le plus ou moins de lumières et de force de stabilité et même de bonheur des peuples. Les peuples chrétiens ne sont sur la terre les peuples les plus éclairés, et les plus forts de force d'expansion et de stabilité, que parce qu'ils ont déduit plus de conséquences et des conséquences plus justes de ces premiers principes, et qu'ils les ont appliquées à l'état de leurs sociétés. Ainsi (pour en citer un seul exemple), de ces principes fondamentaux universellement reconnus, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, ils en ont déduit comme une conséquence plus ou moins prochaine la défense ou la répression du tort le plus léger fait à son prochain dans sa personne ou dans ses biens, et les lois mêmes de simple police n'ont pas une autre raison. Ainsi, de cet autre principe, tu ne commettras point d'adultère, ils en ont tiré comme une conséquence la pudeur du sexe, et le respect dû à sa foiblesse, ce respect qui va jusqu'à lui faire rendre par les mœurs l'empire que les lois lui refusent.

Ainsi, si l'homme trouve en lui-même et par une im

pulsion naturelle la certitude de quelques vérités ou de quelques faits relatifs à sa conservation personnelle, et qui, par cette raison, commune à tous les êtres animés, ne lui sont venus d'aucune autorité et ont prévenu toute réflexion; il ne trouve que dans la société, il ne reçoit que de la société des êtres intelligens, les seuls qui puissent faire société entre eux, les vérités sociales, patrimoine commun auquel nous sommes tous substitués, et dont nous avons l'usufruit pour le transmettre intact et agrandi, si nous pouvons, aux générations qui nous succèderont, comme nous leur transmettrons le langage que nous avons reçu, et qui sera pour elles, comme il aura été pour nous le lien de toute sociabilité et le dépôt de toutes les vérités.

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Ainsi, je ne vois pas de fondemens raisonnables aux critiques que l'on a faites du dernier ouvrage de M. l'abbé de la Mennais; mais je reconnois toutefois qu'il est utile, qu'il est nécessaire que toute manière nouvelle de présenter des vérités, même anciennes, paroisse suspecte et soit l'objet d'un examen sévère. La vérité est une denrée qui vient d'un pays éloigné, et dont on ne connoît pas bien l'état sanitaire ; et il est bon de lui faire faire quarantaine avant de l'admettre: et plût à Dieu qu'on eût pris en Europe la même précaution contre l'erreur? Aussi, lorsqu'une opinion nouvelle est élevée dans le monde religieux, l'Église a laissé long-temps le champ libre à la dispute, et lorsqu'elle l'a jugée suffisamment éclaircie, elle a prononcé avec autorité sur le vrai et le faux, sur ce qu'il falloit admettre et sur ce qu'il falloit rejeter.

Au reste, si je n'avois pas pleinement justifié M. l'abbé de la Mennais, la faute en seroit à moi, qui me suis peut

être trop hâté de le défendre, lorsqu'il n'a encore, du moins à ma connoissance, été attaqué que dans des articles de journaux, faits par des hommes de beaucoup d'esprit et de connoissances, et dont les excellentes intentions sont connues, mais qui n'ont pas pu donner à leur critique un développement que le terrain qu'ils avoient choisi ne comportoit pas. Leur méprise, je le crois, est d'avoir confondu la vérité d'une chose et sa certitude; la vérité, qui est en elle-même indépendamment de nous, et que nous pouvons connoître par les moyens qui nous ont été donnés, et connoître jusqu'à nous en former une opinion ou une croyance qui suffit à nos déterminations individuelles ; la certitude, qui existe hors de nous, quelquefois malgré nous, et qui, devant régler l'état de la société, est inébranlablement établie sur l'autorité de la société, la révélation divine, et le consentement universel. « L'homme, dit très bien M. l'abbé de la Mennais, peut << avoir des opinions; les dogmes appartiennent à la so« ciété. Aussi, quand la société se dissout, les opinions «< succèdent aux croyances ». Il peut y avoir erreur ou vérité dans les opinions, il doit y avoir certitude dans lesdogmes.

Enfin, et cette preuve, sur laquelle insiste M. l'abbé de la Mennais, n'a pas été appréciée, il est si vrai que les hommes regardent le consentement universel comme le criterium définitif de la certitude des choses, qui n'est que leur vérité universellement connue, qu'ils n'ont d'autre manière de juger l'absence de la raison, ou la démence, dans ses divers degrés de singularité et de bizarrerie, que l'opposition de celui qui en est atteint aux opi

nions universellement reçues et à la manière générale de voir et de

penser.

Avec le temps, je crois, on rendra justice à M. l'abbé de la Mennais, qui n'a fait que tirer les dernières conséquences de l'enseignement religieux, qui parle sans cesse à l'homme de sa misère, de sa foiblesse, de son néant, et qui, sans doute, n'a pas voulu attribuer la prérogative divine de l'infaillibilité de ses moyens de connoître à ce peu de cendre et de poussière. Certes, si jamais l'homme a fait une expérience décisive des erreurs de sa raison, c'est dans la révolution qui désole l'Europe et dans l'extravagance des milliers de lois fondamentales qui désolent la France; et la doctrine de l'auteur que je défends n'est au fond qu'une explication et une application positive de cet axiome aussi ancien que le monde, et vrai quand on le renferme dans de justes bornes, vox populi, vox Dei.

Laissons les vaines disputes. On peut faire sans doute de fortes objections, des objections, si l'on veut, insolubles, contre l'existence des corps que nous connoissons par le rapport de nos sens, dont nous avons le sentiment intime, et sur laquelle le raisonnement peut s'exercer; mais en sommes-nous moins persuadés de l'existence des corps, et n'agissons-nous pas, ne vivons-nous pas même dans cette croyance? C'est ainsi qu'on oppose des difficultés insurmontables à notre libre arbitre, et qu'on veut nous démontrer que, quoi que nous fassions, nous ne pouvons rien changer à un ordre de choses déterminé d'avance; et cependant nous croyons fermement à ce libre arbitre, et nous agissons constamment en conséquence de cette croyance. M. l'abbé de la Mennais a cherché dans

les choses qui tombent sous les sens, ou qui sont l'objet du sens intime, des exemples de l'impuissance de nos moyens de connoître, pour arriver à une certitude infaillible dans les choses morales: ces exemples, il les a peutêtre forcés; mais le fond de son système n'en est pas moins vrai, et il se réduit tout entier à cette proposition, que l'homme n'a pas en lui-même les moyens de parvenir à une certitude infaillible dans les choses morales. Ses adversaires soutiennent le contraire; et la dispute, ramenée ainsi à ses termes les plus simples, rappelle les différens qui existent entre les catholiques, qui croient que nous devons recevoir de l'autorité l'interprétation des livres saints, et les protestans, qui soutiennent que nous la trouvons dans notre propre sens, et qu'elle nous est rendue sensible comme les saveurs et les couleurs. Cependant la politique n'exige pas de nous cette certitude infaillible, même pour les fonctions où elle seroit nécessaire, et même indispensable, si on pouvoit l'obtenir, pour la fonction de condamner à mort : et quel est le juge ou le jury qui osât dire qu'il a une certitude infaillible de la culpabilité du condamné, et qu'il est impossible qu'il se soit trompé? La religion l'exige encore moins, puisqu'elle ne la fait venir que de l'autorité, et qu'elle nous avertit sans cesse de nous défier de nos lumières, et de ne pas croire à notre propre sens; sans doute une certitude infaillible, dans des êtres si fragiles, si foibles, si passionnés, seroit une bien haute prérogative, une perfection qui les approcheroit de la Divinité elle-même; mais la religion ne nous dit-elle pas que tout don parfait, tout ce qui nous est donné de meilleur, nous vient d'en haut, et descend du Père des

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