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comme par la vérité; ni dans le raisonnement, avec lequel les philosophes ont tout nié et tout affirmé; M. de la Mennais parle ainsi :

<< Mais quoi! perdant toute espérance, nous plongerons<< nous, les yeux fermés, dans les muettes profondeurs << d'un scepticisme universel? Douterons-nous si nous << pensons, si nous sentons, si nous sommes? La nature << ne le permet pas; elle nous force de croire, lors même

que notre raison n'est pas convaincue. La certitude ab<< solue et le doute absolu nous sont également interdits. « Le scepticisme complet seroit l'extinction de l'intelli<< gence et la mort totale de l'homme. Or, il ne lui est pas « donné de s'anéantir. Il y a en lui quelque chose qui << résiste invinciblement à la destruction, je ne sais quelle <«< foi vitale, insurmontable à sa volonté même. Qu'il le « veuille ou non, il faut qu'il croie, parce qu'il faut qu'il agisse, parce qu'il faut qu'il se conserve. La raison, s'il «< n'écoutoit qu'elle, ne lui apprenant qu'à douter de tout « et d'elle-même, le réduiroit à un état d'inaction absolue; << il périroit avant d'avoir pu seulement se prouver à lui« même qu'il existe. Ainsi, l'homme est dans l'impuissance « naturelle de démontrer pleinement aucune vérité, et << dans une égale impuissance de refuser d'admettre cer<< taines vérités. Bien plus, les vérités que la nature le << contraint d'admettre avec le plus d'empire sont celles <«< dont il a le moins de preuves: tels sont tous les principes << qu'on appelle évidens; on les reconnoît même à ce carac<«<tère qu'on ne sauroit les prouver.

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<< Dès qu'on veut que toutes les croyances reposent sur « des démonstrations, l'on est directement conduit au

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pyrrhonisme. Or, le pyrrhonisme parfait, s'il étoit possible d'y arriver, ne seroit qu'une parfaite folie, unc << maladie destructive de l'espèce humaine. De là vient que « le même sentiment qui nous attache à l'existence nous << force de croire et d'agir conformément à ce que nous « croyons. Il se forme malgré nous dans notre entende«ment une série de vérités inébranlables au doute, soit << que nous les ayons acquises par les sens ou par quelque << autre voie. De cet ordre sont toutes les vérités nécessaires à notre conservation, toutes les vérités sur les

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quelles se fondent le commerce de la vie et la pratique des arts et métiers indispensables. Nous croyons invin<< ciblement qu'il existe des corps doués de certaines pro« priétés, que le soleil se lèvera demain, qu'en confiant « des semences à la terre elle nous rendra des moissons.

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Qui jamais douta de ces choses et de mille autres sem<< blables?

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« Dans un ordre différent, nous ne doutons pas da<< vantage d'une multitude de vérités que la science cons«tate; et c'est cette impuissance de douter, ou du moins, « si l'on doute, l'assurance d'être déclaré fou, ignorant, inepte, par les autres hommes, qui constitue toute la « certitude humaine. Le consentement commun (sensus communis) est pour nous le sceau de la vérité; il n'y en a « point d'autre. Supposons en effet que les hommes, dans << les mêmes circonstances, fussent affectés de sensations, « de sentimens contraires, formassent des jugemens opposés, aucun d'eux ne pourroit rien nier, rien affirmer, << parce qu'aucun d'eux ne trouveroit en soi de preuves « déterminantes en faveur de ce qu'il sent et de ce qu'il

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juge. Sa raison étonnée s'arrêteroit en silence devant « la raison d'autrui, comme nous nous arrêterions,

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pleins de surprise et de doute, devant des miroirs qui, placés en face du même objet en réfléchiroient des ima«ges dissemblables.

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« Qu'il y ait contradiction entre les rapports des sens, << les témoignages intérieurs de l'évidence, ou les juge<< mens raisonnés de plusieurs individus ; sur-le-champ « le défaut d'accord produit l'incertitude, et l'esprit de<< meure en suspens jusqu'à ce que le consentement com<«< mun ramène avec sói la persuasion. Un principe, un « fait quelconque est plus ou moins douteux, plus ou <«< moins certain, selon qu'il est adopté, attesté plus ou << moins universellement. Toutes les idées humaines sont « pesées à cette balance; les hommes n'ont point d'autre << règle pour les apprécier. »

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Et voilà comment s'exprime celui qu'on accuse de nier la vérité et l'erreur, le bien et le mal. Où avez-vous vu qu'il dise que la raison ne puisse servir à conduire à la vérité? Il dit seulement qu'elle ne peut par ellemême arriver à la certitude, et qu'il faut qu'elle s'aide de l'autorité ou d'une raison plus générale qui la redresse quand elle s'égare *.

« Un moyen

* Répétons ici l'explication qu'on a déjà donnée : infaillible de certitude est celui qui ne peut pas tromper. Or, les sens, le sens intime ou ce qu'on prend pour tei, le raisonnement ou la raison particulière de l'homme, le trompent sou

vent.

<< Donc, ni les sens, ni le sens intime, ni la raison particulière

On fait cette objection: L'homme réduit à lui-même ne peut s'assurer d'aucune vérité; mais comment arrivera-t-il à croire cette vérité, que l'autorité est une règle infaillible de certitude? Parce que c'est là une de ces vérités qu'il n'est pas possible à la raison, je ne dis pas de prouver, mais de ne pas croire, et que M. de la Mennais ne constate que des faits; parce que Dieu, ayant voulu que le genre humain se conservât, encore que les individus périssent, n'a pas voulu humain se que le genre trômpât, encore que les individus pussent errer; parce

de l'homme, ne sont des moyens infaillibles de certitude. Ce n'est pas à dire que les sens, le sens intime et la raison particulière de l'homme le trompent toujours, mais c'est à dire que l'homme ne trouve en lui-même aucun moyen infaillible de reconnoître d'une manière certaine si ses sens, son sentiment intime, sa raison particulière, ne le trompent pas.

« Ce n'est pas à dire non plus que l'homme puisse et doive rejeter le rapport des sens son sentiment intime, ou le jugement de sa raison particulière. Non : le rapport des sens le sentiment intime, la raison particulière de l'homme, sont, chacun dans son ressort, une autorité privée à laquelle, quoiqu'elle puisse se tromper, et qu'elle se trompe souvent en effet, il est forcé de croire et de s'en rapporter, faute de mieux, en mille et mille circonstances.

« Mais aussi le rapport des sens, le sentiment intime, la raison de plusieurs hommes, sont une autorité plus grande, et qui, toutes choses égales d'ailleurs, doit l'emporter sur l'autorité particulière d'un seul. Enfin, le rapport des sens, le sentiment intime, la raison de l'universalité des hommes, voilà l'autorité la plus grande possible sur la terre, et par conséquent le moyen le plus sûr de parvenir à la certitude; car cette autorité n'est autre chose que le rapport des sens le sentiment intime, la raison humaine élevéc à sa plus haute puissance.

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que

l'homme doit tout à cette autorité; et comme il reçoit d'autrui les alimens nécessaires à la vie physique, il

en reçoit aussi la nourriture de l'intelligence. C'est à la famille que l'enfant doit tout d'abord ; et comme la famille où il est né est l'image de cette première famille dont Dieu étoit le père, il doit rechercher, dès que sa raison est formée, tout ce que Dieu a dit à cette première famille. Ce que tous les peuples croient appartient à cette première tradition. Tout ce qui leur est particulier en est une altération. Ainsi donc l'homme en rapport avec la société l'est avec Dieu même. Rompez ce lien, que reste-t-il à l'homme isolé? Je laisse à chacun de mes lecteurs à se représenter ce que seroit l'homme abandonné à sa naissance, et n'ayant aucune communication avec des êtres humains, quand il parviendroit même à conserver la vie.

L'existence de Dieu, l'immortalité de l'ame, la nécessité d'un culte, les peines et les récompenses pour les bons et les méchans, etc.; ces vérités, défendues par le consentement commun, n'ont plus besoin de démonstrations (consensus omnium probat esse rem, CIC.), puisque c'est se déclarer en état de folie que de vouloir contredire le genre humain; et ainsi le scepticisme est détruit à jamais. Tout le christianisme découle de ces vérités, puisque le christianisme n'est que la religion de tous les temps, qui a reçu le sceau d'une nouvelle révélation. Dans toutes les religions il y a des vérités qui sont communes à toutes, et ces vérités appartiennent au christianisme. Les erreurs sont particulières à chacune; elles n'appartiennent plus à la tradition générale; elles ne sont plus appuyées sur le consentement commun. Il n'y a pas

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