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« intime. Nous savons, par exemple, avec une certitude métaphysique, qu'il est impossible qu'une chose soit et << ne soit pas en même temps; qu'il ne peut y avoir d'effet <«< sans cause; que le tout est plus grand que sa partie, etc. <«<Les axiomes des mathématiques, concernant les pro«priétés des nombres et de l'étendue, sont de même es>> pèce. Ainsi nous sommes certains que la ligne droite est <<< la plus courte ; que les trois angles du triangle sont égaux « à deux droits. Toutes ces propositions évidentes, et << les conséquences immédiates qu'on en tire par un rai<< sonnement simple, sont également certaines. Je dis les conséquences immédiates: il n'en est pas ainsi des <«< conséquences éloignées, qui ne peuvent être déduites << que par une longue chaîne de propositions et de raison<< nemens ; celles-ci sont souvent incertaines et fautives; << souvent les géomètres se diputent sur les conséquences, souvent ils prétendent avoir des démonstrations pour et «< contre le même problème. A quelle épreuve faut-il << donc mettre ces démonstrations prétendues? C'est de << voir si elles font la même impression sur tous les hom«mes capables de les comprendre ; alors il est impossible qu'elles soient fausses. Ainsi, en dernière analyse, la «< certitude métaphysique se réduit, aussi-bien que les « autres, au dictamen du sens commun1.

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« Une des plus folles prétentions des sceptiques est de « supposer que nous ne devons croire que ce qui est « démontré par le raisonnement. Fausse maxime. Ce se

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Comme j'ai appris que vous vous occupez d'écrire une défense de la doctrine que vous avez établie dans le deuxième volume de votre Essai, permettez-moi de vous communiquer quelques réflexions nouvelles que m'a fait naître l'opposition inconcevable que votre livre éprouve de la part de quelques personnes. J'appelle cette opposition inconcevable, parce que, plus je pense à ce que vous établissez dans votre deuxième volume, plus je suis convaincu que votre doctrine n'est que la doctrine simple, naturelle et incontestable du sens commun; car voici comme je pense qu'on peut la résumer en quelques lignes: Je crois le sens commun dans les choses humaines, «< comme je crois l'Église catholique dans les choses di« vines, parce que le sens commun et l'Église catholique sont au fond cette même lumière qui luit dans ce « monde et qui éclaire tout homme venant en ce monde. « Et si, dans les choses humaines, vous ne croyez pas << le sens commun, qui est l'autorité du genre humain, << vous n'avez plus aucun principe de raison ni de cer<< titude, et vous tombez nécessairement dans un état qui « n'a point de sens, dans un doute absolu et irrémé« diable: de même que, si dans les choses divines, vous « ne croyez pas à l'autorité de l'Église catholique, qui

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<< est le sens commun des chrétiens, vous n'avez plus « aucune règle de foi, et vous tombez nécessairement <«< dans un état où il n'y a plus, ni foi ni croyance, ni « certitude ni raison ».

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Telle est la doctrine que je découvre à toutes les pages de votre second volume, mais particulièrement à la page 19, où vous dites: « Dès qu'on veut que toutes les « croyances reposent sur des démonstrations, l'on est « directement conduit au pyrrhonisme. Or le pyrrho« nisme parfait, s'il étoit possible d'y arriver, ne seroit qu'une parfaite folie, une maladie destructive de l'espèce humaine. De là vient que le même sentiment qui << nous attache à l'existence nous force de croire et d'agir «< conformément à ce que nous croyons. Il se forme, malgré nous, dans notre entendement, une série de «< vérités inébranlables au doute, soit que nous les ayons acquises par les sens ou par quelque autre voie. De cet <<< ordre sont toutes les vérités nécessaires à notre con<< servation, toutes les vérités sur lesquelles se fonde le << commerce ordinaire de la vie, et la pratique des arts

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et des métiers indispensables. Nous croyons invinci«<blement qu'il existe des corps doués de certaines pro

priétés, qu'en confiant des semences à la terre elle <«< nous rendra des moissons. Qui jamais douta de ces choses, et de mille autres semblables?

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tage d'une multitude de vérités

<< Dans un ordre différent, nous ne doutons pas davanla science constate; que « et c'est cette impuissance de douter, ou du moins, si « l'ou doute, l'assurance d'être déclaré fou, ignorant, « inepte, par les autres hommes, qui constitue toute la

« certitude humaine. Le consentement commun, sensus «< communis, est pour nous le sceau de la vérité; il n'y « en a point d'autre ».

On vous reproche de détruire la raison, et par contrecoup la religion même, parce que vous montrez que la raison de l'individu est fautive, et qu'elle a besoin de se régler sur une raison plus droite et immuable. Mais qu'on fasse donc alors les mêmes reproches à celui qui s'écrie: « O vérité! ô lumière! ô vie! quand vous verrai-je? <«quand vous connoîtrai-je? Connoissons-nous la vérité << parmi les ténèbres qui nous environnent? Hélas! du<< rant ces jours de ténèbres, nous en voyons luire de << temps en temps quelque rayon imparfait : aussi notre << raison incertaine ne sait à quoi s'attacher, ni à quoi se prendre parmi ces ombres. Si elle se contente de suivre << ses sens, elle n'aperçoit que l'écorce; si elle s'engage plus avant, sa propre subtilité la confond. Les plus doc«tes, à chaque pas, ne sont-ils pas contraints de demeurer « court? Où ils évitent les difficultés, ou ils dissimulent << et font bonne mine; ou ils hasardent ce qui leur vient << sans le bien entendre, ou ils se trompent visiblement «<et succombent sous le faix.

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«Dans les affaires même du monde, à peine la vérité «< est-elle connue. Que ferai-je donc? où me tourneraije, assiégé de toutes parts par l'opinion ou par l'er«< reur? Je me défie des autres, et je n'ose croire moi« même mes propres lumières. A peine crois-je voir ce «que je vois et tenir ce que je tiens, tant j'ai trouvé sou<< vent ma raison fautive.

« Ah! j'ai trouvé un remède pour me garantir de l'er

«reur. Je suspendrai mon esprit; et, retenant en arrêt << sa mobilité indiscrète et précipitée, je douterai du << moins s'il ne m'est pas permis de connoître au vrai les «< choses. Mais, ô Dieu! quelle foiblesse et quelle misère ! << De crainte de tomber, je n'ose sortir de ma place ni <«< me remuer. Triste et misérable refuge contre l'erreur, << d'être contraint de se plonger dans l'incertitude et de « désespérer de la vérité ».

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Qu'on fasse donc aussi les mêmes reproches à Bossuet, qu'on lui dise donc aussi avec aigreur qu'il est pyrrhonien, qu'il détruit toute certitude, car c'est Bossuet qui dit tout cela devant Louis XIV, au siècle des vraies lumières : c'est Bossuet qui dit que, si notre raison se contente de suivre les sens, elle dit que, si elle s'engage plus avant, sa propre subtilité la confond: c'est Bossuet qui dit que les plus habiles sont contraints à chaque pas de demeurer court, et que ceux qui n'en conviennent pas en imposent, ou ne savent ce qu'ils disent c'est Bossuet qui dit qu'à peine croit-il voir ce qu'il voit et tenir ce qu'il tient, tant il a trouvé souvent sa raison fautive: c'est Bossuet qui dit que notre raison, laissée à elle seule, n'a d'autre refuge contre l'erreur que l'incertitude et le doute; doute insupportable et impossible, puisqu'il ne permettroit ni de sortir de sa place ni même de remuer. Qu'on adresse donc aussi à Bossuet les reproches, les critiques, les censures, qu'on a lancés contre le treizième chapitre de l'Essai, puisque

elle n'aperçoit que l'écorce: c'est Bossuet qui

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Bossuet, troisième Sermon pour la fête de tous les saints, prèché devant le roi, t. II, pag. 69, édit. de Versailles.

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