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<< est le sens commun des chrétiens, vous n'avez plus « aucune règle de foi, et vous tombez nécessairement <«< dans un état où il n'y a plus, ni foi ni croyance, ni « certitude ni raison ».

Telle est la doctrine que je découvre à toutes les pages de votre second volume, mais particulièrement à la page 19, où vous dites: « Dès qu'on veut que toutes les « croyances reposent sur des démonstrations, l'on est « directement conduit au pyrrhonisme. Or le pyrrho« nisme parfait, s'il étoit possible d'y arriver, ne seroit qu'une parfaite folie, une maladie destructive de l'espèce humaine. De là vient que le même sentiment qui <«< nous attache à l'existence nous force de croire et d'agir «< conformément à ce que nous croyons. Il se forme, malgré nous, dans notre entendement, une série de «< vérités inébranlables au doute, soit que nous les

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acquises par les sens ou par quelque autre voie. De cet «<< ordre sont toutes les vérités nécessaires à notre con<«<servation, toutes les vérités sur lesquelles se fonde le <«< commerce ordinaire de la vie, et la pratique des arts « et des métiers indispensables. Nous croyons invinci<< blement qu'il existe des corps doués de certaines propriétés, qu'en confiant des semences à la terre elle << nous rendra des moissons. Qui jamais douta de ces << choses, et de mille autres semblables?

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« Dans un ordre différent, nous ne doutons pas davan«<tage d'une multitude de vérités que la science constate; « et c'est cette impuissance de douter, ou du moins, si <«<l'ou doute, l'assurance d'être déclaré fou, ignorant, << inepte, par les autres hommes, qui constitue toute la

« certitude humaine. Le consentement commun, sensus «< communis, est pour nous le sceau de la vérité; il n'y « en a point d'autre ».

On vous reproche de détruire la raison, et par contrecoup la religion même, parce que vous montrez que la raison de l'individu est fautive, et qu'elle a besoin de se régler sur une raison plus droite et immuable. Mais qu'on fasse donc alors les mêmes reproches à celui qui s'écrie: « O vérité! ô lumière! ô vie! quand vous verrai-je? « quand vous connoîtrai-je? Connoissons-nous la vérité << parmi les ténèbres qui nous environnent? Hélas! du<< rant ces jours de ténèbres, nous en voyons luire de << temps en temps quelque rayon imparfait : aussi notre << raison incertaine ne sait à quoi s'attacher, ni à quoi se prendre parmi ces ombres. Si elle se contente de suivre << ses sens, elle n'aperçoit que l'écorce; si elle s'engage << plus avant, sa propre subtilité la confond. Les plus doc«tes, à chaque pas, ne sont-ils pas contraints de demeurer « court? Où ils évitent les difficultés, ou ils dissimulent « et font bonne mine; ou ils hasardent ce qui leur vient << sans le bien entendre, ou ils se trompent visiblement <<< et succombent sous le faix.

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<< Dans les affaires même du monde, à peine la vérité << est-elle connue. Que ferai-je donc? où me tourneraije, assiégé de toutes parts par l'opinion ou par l'er<< reur? Je me défie des autres, et je n'ose croire moi«< même mes propres lumières. A peine crois-je voir ce «que je vois et tenir ce que je tiens, tant j'ai trouvé sou<< vent ma raison fautive.

« Ah! j'ai trouvé un remède pour me garantir de l'er

«

reur. Je suspendrai mon esprit; et, retenant en arrêt « sa mobilité indiscrète et précipitée, je douterai du << moins s'il ne m'est pas permis de connoître au vrai les <«< choses. Mais, ô Dieu! quelle foiblesse et quelle misère ! << De crainte de tomber, je n'ose sortir de ma place ni << me remuer. Triste et misérable refuge contre l'erreur, d'être contraint de se plonger dans l'incertitude et de désespérer de la vérité ».

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Qu'on fasse donc aussi les mêmes reproches à Bossuet, qu'on lui dise donc aussi avec aigreur qu'il est pyrrhonien, qu'il détruit toute certitude, car c'est Bossuet qui dit tout cela devant Louis XIV, au siècle des vraies lumières : c'est Bossuet qui dit que, si notre raison se contente de suivre les sens, elle n'aperçoit que l'écorce: c'est Bossuet qui dit que, si elle s'engage plus avant, sa propre subtilité la confond: c'est Bossuet qui dit que les plus habiles sont contraints à chaque pas de demeurer court, et que ceux qui n'en conviennent pas en imposent, ou ne savent ce qu'ils disent: c'est Bossuet qui dit qu'à peine croit-il voir ce qu'il voit et tenir ce qu'il tient, tant il a trouvé souvent sa raison fautive: c'est Bossuet qui dit que notre raison, laissée à elle seule, n'a d'autre refuge contre l'erreur que l'incertitude et le doute; doute insupportable et impossible, puisqu'il ne permettroit ni de sortir de sa place ni même de remuer. Qu'on adresse donc aussi à Bossuet les reproches, les critiques, les censures, qu'on a lancés contre le treizième chapitre de l'Essai, puisque

Bossuet, troisième Sermon pour la fète de tous les saints, prêché devant le roi, t. II, pag. 69, édit. de Versailles.

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esprit, a qu'il vous soit possible de publier dans le Dé« fenseur les réflexions que je vous envoie sur le second << volume de l'Essai ; et je vous le demande comme une << sorte d'expiation pour la faute de l'avoir lu d'abord « trop précipitamment, et de m'être un moment rangé « au nombre des adversaires de son respectable auteur. Aujourd'hui que j'ai enfin la satisfaction de le comprendre, je pense qu'il pourra n'être pas inutile, pour <«< ramener beaucoup de lecteurs qui peut-être ont lu et jugé comme moi trop légèrement, de faire savoir qu'une « personne qui, dans le principe, avoit rejeté et com<< battu cette doctrine, la reconnoît aujourd'hui comme « vraie, et admire la manière dont M. l'abbé de la Men«nais a su la présenter ».

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Les raisonnemens dans lesquels entre ensuite M. l'abbé F..., diffèrent peu de ceux que contient la lettre précédente nous nous bornerons donc à en extraire le passage suivant, qui traite du scepticisme absolu, dans lequel doit nécessairement et progressivement tomber celui qui rejette la raison générale pour ne suivre d'autre guide que sa raison individuelle.

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<< Si l'on objecte, dit-il, que l'hérétique, le déiste, l'a«<thée, n'en viennent jamais, par le fait, à ne rien croire absolument, je l'avoue, parce que, dit Pascal, la nature << confond le pyrrhonien, et empêche l'homme d'extra<< vaguer à ce point. Mais qu'importe, s'ils y sont néan<< moins conduits par le raisonnement; si les principes qu'ils se sont faits les forcent de dévorer ces absurdités, << et si on leur prouve qu'il ne leur reste absolument aucun << moyen d'acquérir la certitude rationnelle, que de s'at

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« tâcher à la croyance commune du genre humain, et de <«< faire un acte de foi de toutes les vérités qu'il croit né« cessairement? La seule différence qu'il y a alors entre <«<< eux et celui qui, croyant à l'autorité générale, remonte << par elle jusqu'à Dieu, source de toute raison et raison « de toute autorité, c'est qu'ils obéissent en esclaves à «< cette même autorité à laquelle l'homme qui a la foi se « soumet librement.

« Le second volume de l'Essai me semble donc la con<< tinuation nécessaire du premier, etc. »

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