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« par exemple, de l'espace et de la nature de << la matière, est sujet à d'étranges difficultés ; << et j'ai bien peur qu'il n'y ait plus de passion « que de lumières dans ceux qui paroissent n'en « être pas effrayés. Quel plus grand exemple << peut-on avoir de la foiblesse de l'esprit <<< humain »?

Celui qui parle ainsi étoit cartésien, et l'on voit combien il s'en faut qu'il fût satisfait de la doctrine de son maître. Mais les bons esprits, désabusés de la philosophie d'Aristote, adoptèrent naturellement celle de l'honime qui lui avoit porté le coup mortel, et se soumirent, quoiqu'en murmurant, à l'autorité du vainqueur.

Avant d'examiner ses principes et sa méthode, il est à propos d'observer qu'un système de philosophie n'est que la recherche. des moyens par lesquels nous parvenons à la connoissance certaine de la vérité; car s'il n'existoit point de vérités certaines, ou si l'on ne savoit pas à quels caractères on les reconnoît, il n'y auroit plus de philosophie, il n'y

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Nicole, Traité de la foiblesse de l'homme, n. XXXIV.

auroit plus de raison humaine. On ne pourroit rien nier ni rien affirmer; les esprits, dépourvus de règles, flotteroient dans un doute éternel.

La première question que doit se faire celui qui veut s'entendre en philosophie est donc celle-ci: Quel est le fondement de la certitude? Descartes se la fit, et il trouva qu'aucun philosophe jusqu'alors n'y avoit répondu d'une manière satisfaisante. Nous citerons ses propres paroles.

<< Les premiers et les principaux philoso<< phes dont nous ayons les écrits, sont Pla<<< ton et Aristote, entre lesquels il n'y a eu << autre différence, sinon que le premier, sui<<< vant les traces de son maître Socrate, a in<< génument confessé qu'il n'avoit encore rien << trouvé de certain, et s'est contenté d'écrire <«< les choses qui lui ont paru être vraisembla<«<bles, imaginant à cet effet quelques prin<< cipes par lesquels il tâchoit de rendre raison << des autres choses; au lieu qu'Aristote a eu <«<< moins de franchise, et bien qu'il eût été <<< vingt ans son disciple, et n'eût pas d'autre <<< principes que les siens, il a entièrement << changé la façon de les débiter, et les a pro

« posés comme vrais et assurés, quoiqu'il n'y <«<< ait aucune apparence qu'il les ait jamais es<«<timés tels... D'où il faut conclure que ceux << qui ont le moins appris de tout ce qui a été << nommé jusqu'ici philosophie sont les plus << capables d'apprendre la vraie 1».

I

Si les hommes n'avoient pas un moyen naturel de parvenir à la connoissance certaine de la vérité, indépendamment de toute philosophie, ils n'auroient donc été sûrs de rien jusqu'à Descartes. Mais voyons par quelle

route il s'efforce lui-même d'arriver à la certitude.

« Ce n'est pas d'aujourd'hui, dit-il, que je << me suis aperçu que dès mes premières an« nées j'ai reçu quantité de fausses opinions << pour véritables, et que ce que j'ai depuis « fondé sur des principes si mal assurés ne << sauroit être que fort douteux et incertain. « Et dès lors j'ai bien jugé qu'il me falloit en«treprendre sérieusement une fois en

1 Les principes de la philosophie, écrits en latin par René Descartes, et traduits en français par un de ses amis. Préface. Rouen, 1698.

« vie de me défaire de toutes les opinions << que j'avois reçues auparavant en ma créan «< ce, et commencer tout de nouveau dès le <«<< fondement, si je voulois établir quelque << choses de ferme et de constant dans les <<< sciences....

« Aujourd'hui donc que, fort à propos << pour ce dessein, j'ai délivré mon esprit de <<<< toutes sortes de soins, que par bonheur je « ne me sens agité d'aucune passion, et que <«<< je me suis procuré un repos assuré dans une <<< paisible solitude, je m'appliquerai sérieuse<«ment, et avec liberté, à détruire générale«ment toutes mes anciennes opinions. Or, <<< pour cet effet, il ne sera pas nécessaire

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que << je montre qu'elles sont toutes fausses, de << quoi peut-être je ne viendrois jamais à bout; « mais d'autant que la raison me persuade « déjà que je ne dois pas moins soigneuse<«<<ment m'empêcher de donner créance aux «< choses qui ne sont pas entièrement certaines << et indubitables, qu'à celles qui me paroissent <<manifestement être fausses, ce ne sera assez « pour les rejeter toutes, si je puis trouver << en chacune quelque raison de douter. Et << pour cela il ne sera pas aussi besoin que

chrétiens, comme elle avoit été originairement la philosophie de tous les hommes.

Cependant quelques esprits imbus des idées philosophiques de la Grèce essayèrent de les concilier avec les dogmes du christianisme. Ils se firent juges de la vérité, ils voulurent la soumettre à leur raison; et les hérésies naquirent. Alors, comme auparavant, chaque

dissimulant. Porro illi qui, cum in unitate atque communione catholica non sint, christiano tamen nomine gloriantur, coguntur adversari credentibus, et audent imperitos quasi oratione traducere, quando maxime cum ista medicina Dominus venerit, ut fidem populis imperaret. Sed hoc facere coguntur, ut dixi, quia jacere se abjectissime sentiunt, si eorum auctoritas cum auctoritate catholica conferatur. Conantur ergo auctoritatem stabilissimam fundatissimæ ecclesiæ quasi orationis nomine et pollicitatione superare. Omnium enim hæreticorum quasi regularis est ista temeritas. Sed ille fidei imperator clementissimus, et per conventus celeberrimos populorum atque gentium, sedesque ipsas apostolorum, arce auctoritatis munivit ecclesiam, et per pauciores pie doctos et vere spiritales viros copiosissimis apparatibus etiam invictissimæ orationis armavit; verum illa rectissima disciplina est ut arcem fidei quam maxime recipi infirmos, ut pro eis jam tutissime positis, fortissima ratione pugnetur. Ep. ad Dioscor., n. 32.

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