Obrázky na stránke
PDF
ePub

Leibnitz, au reste, ne se contente pas de rejeter le cartésianisme à cause du danger de ses conséquences, il en attaque la base même; car voici comme il parle, dans ses Remarques sur le livre de l'Origine du mal: « Pour « passer jusqu'à la cause première, l'auteur <«< cherche un criterium, une marque de la << vérité; et il la fait consister dans cette <«< force par laquelle nos propositions inter« nes, lorsqu'elles sont évidentes, obligent << l'entendement à lui donner son consente«ment; c'est par là, dit-il, que nous ajou<«<tons foi aux sens. Et il fait voir que la « marque des cartésiens, savoir, une percep« tion claire et distincte, a besoin d'une nou« velle marque pour faire discerner ce qui est «< clair et distinct; et que la convenance ou << disconvenance des idées (ou plutôt des << termes, comme on parloit autrefois) peut << encore être trompeuse, parce qu'il y a des <<< convenances réelles et apparentes. Il pa<<< roît reconnoître même que la force interne <«<< qui nous oblige à donner notre assenti<«ment est encore sujette à caution, et peut << venir de préjugés enracinés. C'est pour« quoi il avoue que celui qui fourniroit un

<<< autre criterium auroit trouvé quelque chose « de fort utile au genre humain ».

I

Ainsi, selon Leibnitz, la philosophie de Descartes pose sur un fondement ruineux, puisque le criterium, la marque de la vérité qu'elle nous offre est insuffisante, et auroit elle-même besoin d'une nouvelle marque. Nous verrons, dans un autre chapitre, quelle est celle qu'il y substituc. Mais auparavant il faut se rappeler qu'il s'agit de savoir comment l'homme qui, après avoir rejeté de son esprit toute croyance, même celle de Dieu, cherche en lui-même la vérité par sa raison, peut parvenir à s'assurer indubitablement de quelque chose. Voilà le grand problème que tous les philosophes ont essayé de résoudre, et qu'ils ont tous fini par déclarer insoluble, plus ou moins explicitement; c'est-à-dire qu'aucun d'eux n'a pu trouver dans l'homme,

tel

que la philosophie le considère, la base de la certitude, ni par conséquent éviter le scepticisme, éternel écueil de la raison abandonnée à elle-même.

I

Leibnitz, Oper. théolog., tom. I, pag. 438, édit. de

Dutens.

Nous avons rapporté l'aveu de Descartes qui, cherchant à se prouver son existence, reconnoît la nécessité d'examiner auparavant s'il y a un Dieu, et s'il peut être trompeur; car, sans la connoissance de ces deux vérités je ne vois pas, dit-il, que je puisse jamais étre certain d'aucune chose. Leibnitz ne s'exprime pas, à cet égard, avec moins de force ni moins de clarté. Voici ses paroles : « C'est << dans l'entendement de Dieu, et indépen<< damment de sa volonté, que subsiste la « réalité des vérités éternelles; car toute réa«lité doit se fonder sur quelque chose de « réellement existant. Il est vrai qu'un homme « qui ne croit pas en Dieu peut être géomè<< tre; mais si Dieu n'existoit point, la géomé«<trie n'auroit aucun objet; car, sans Dieu « non seulement rien n'existeroit, mais rien << ne seroit possible. Il est vrai encore que «< ceux qui ne voient point le rapport et la <<< liaison des choses entre elles et avec Dieu << peuvent apprendre certaines sciences, mais <«< ils ne sauroient en concevoir la première «< origine, qui est en Dieu 1».

[ocr errors]
[ocr errors]

* Oper. théolog., t. I, p. 265, édit. de Dutens.

Toute réalité doit, suivant Leibnitz, se fonder sur quelque chose de réellement existant, sur Dieu, dans l'entendement duquel subsiste la réalité des vérités éternelles : donc, si Dieu n'étoit pas, aucune réalité ne subsisteroit, ou, en d'autres termes, il n'existeroit rien donc, pour être assuré d'une réalité quelconque, ou pouvoir raisonnablement affirmer que quelque chose est, il faut auparavant être certain de l'existence de Dieu.

Sans Dieu, dit encore Leibnitz, non seulement rien n'existeroit, mais rien ne seroit possible donc, pour savoir avec certitude que quelque chose est possible, et à plus forte raison que quelque chose existe réellement, il est d'abord nécessaire d'être certain que

Dieu est.

Réduisons cette doctrine à des termes plus simples encore: Sans Dieu, point de vérité, point d'existence; donc nulle preuve possible d'aucune vérité, d'aucune existence, avant de connoître avec certitude celle de Dieu.

Mais si la certitude de toute vérité dépend de la certitude de l'existence de Dieu, comment démontrerez-vous que Dieu est? De quelque principe que vous partiez, ce prin

cipe sera douteux, vous en convenez; d'un principe douteux l'on ne peut tirer que des conséquences douteuses; vous ne prouverez donc jamais Dieu, vous ne sortirez donc jamais du doute.

Voilà où l'on en est réduit, quand, au lieu d'appuyer la raison humaine sur la foi, on veut la fonder sur le raisonnement, ou ne lui donner d'autre base qu'elle-même. Est-il possible qu'on ne voie pas que la vérité n'est pour elle que le fait même de son existence, puisqu'elle n'existe que par la connoissance de la vérité? Et, dès qu'elle n'est pas un être nécessaire, la cause de son existence, ou le fondement de la certitude des vérités qu'elle connoît, n'est pas en elle : comme le dit très bien Malebranche, elle dépend en cela de quelque autre chose. Oubliant cette dépendance, tous les philosophes s'efforcent de remonter au-delà de ce premier fait dont nous parlions tout à l'heure. Ils veulent que la raison commence par elle-même, qu'elle se donne la vérité ou l'être, qu'elle agisse avant d'exister, qu'elle se crée, qu'elle soit et ne soit pas en même temps; contradiction monstrueuse qu'aucun d'eux n'a su éviter, et qu'on

« PredošláPokračovať »