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point. I part de cette supposition, qu'il doit trouver la vérité en lui-même, et de ce principe, qu'il ne doit reconnoître pour certain que ce qui sera complètement démontré à sa raison.

Mais il n'a pas plus tôt renoncé à la foi, que toutes les vérités lui échappent, sans qu'il puisse en retenir une seule. Il voit partout des raisons de donter: « Auxquelles raisons, dit-il, je n'ai << certes rien à répondre; mais enfin, je suis <<< contraint d'avouer qu'il n'y a rien de tout ce « que je croyois autrefois être véritable dont << je ne puisse en quelque façon douter; et cela << non point par inconsidération ou légèreté, << mais pour des raisons très fortes et mûre<< ment considérées; de sorte que désormais << je ne dois pas moins soigneusement m'em<< pêcher d'y donner créance, qu'à ce qui se<< roit manifestement faux, si je veux trouver <<< quelque chose de certain et d'assuré dans les a sciences ».

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Voilà donc ce grand esprit contraint de se plonger dans un doute universel. Plus il a de force, plus il s'enfonce dans cet abîme.

Ibid., Médit. I, pag. 7.

Comment en sortira-t-il? Où trouvera-t-il un point d'appui au milieu de ce vide? Regardons, écoutons : « Qu'est-ce donc qui pourra être << estimé véritable? Peut-être rien autre chose, <«< sinon qu'il n'y a rien au monde de certain. <«<< Mais que sais-je s'il n'y a point quelque autre « chose différente de celles que je viens de juger <«< incertaines, de laquelle on ne puisse avoir <«<le moindre doute? N'y a-t-il point quelque « Dieu, ou quelque autre puissance, qui me << mette en l'esprit ces pensées ? Cela n'est pas <<< nécessaire; car peut-être que je suis capable « de les produire de moi-même. Moi donc « à tout le moins, ne suis-je point quelque << chose1»>?

Telle est sa dernière ressource; tout lui manque, tout le fuit; il recueille ses forces défaillantes, et cherche, pour ainsi parler, à se saisir lui-même, de peur de s'évanouir avec tout le reste. Il se considère attentivement, et ne sait s'il aperçoit un être réel ou un fantôme; le oui, le non, a ses vraisemblances. Que fera-t-il dans cette position?

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« Enfin, s'écrie-t-il, il faut conclure et tenir

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<< pour constant que cette proposition, je suis, « j'existe, est nécessairement vraie, toutes les << fois que je la prononce, ou que je la conçois << en mon esprit1 »>.

C'est déjà, certes, beaucoup que de pouvoir prononcer avec assurance cette parole, je suis; que d'être certain de son existence. Est-il bien vrai, ô Descartes, que vous ayez, que chacun de nous ait cette certitude? Je voudrois vous l'entendre répéter de nouveau. Oui,« je suis assuré que je suis une chose <«< qui pense». Illustre philosophe, grâces

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· Médit. III, pag. 25. Quoique M. Bernardin de Saint-Pierre ne soit pas une autorité en philosophie, nous citerons ce qu'il dit du fameux argument, je pense, donc je suis; parce que cela nous fournira l'occasion d'expliquer le sens que Descartes attachoit à ce mot, je pense, chose essentielle pour bien entendre la doctrine de ce célèbre métaphysicien. « Descartes pose pour, base des premières vérités naturelles, Je pense, donc j'existe. « Comme ce philosophe s'est fait une grande réputation, « qu'il méritoit d'ailleurs par ses connoissances en géo« métrie, et surtout par ses vertus, son argument de l'existence a été fort applaudi, et a acquis la pondération d'un axiome. Mais, selon moi, cet argument pèche

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vous soient rendues! Je suis, j'existe, cela est certain; n'est-ce pas là ce que vous affir

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« essentiellement en ce qu'il n'a point la généralité d'un principe fondamental; car il s'ensuit implicitement que, « dès qu'un homme ne pense pas, il cesse d'exister, ou au moins d'avoir des preuves de son existence.....

« Je substitue donc à l'argument de Descartes celui-ci : « Je sens, donc j'existe. Il s'étend à toutes nos sensa«tions physiques, qui nous avertissent bien plus fré<< quemment de notre existence que la pensée. Il a pour << mobile une faculté inconnue de l'ame que j'appelle le « sentiment, auquel la pensée elle-même se rapporte; car « l'évidence à laquelle nous cherchons à ramener toutes « les opérations de notre raison, n'est elle-même qu'un " simple sentiment.....

<< Le sentiment nous prouve bien mieux que notre rai<< son la spiritualité de notre ame; car celle-ci nous pro« pose souvent pour but la satisfaction de nos passions « les plus grossières, tandis que celui-là est toujours pur dans ses desirs. D'ailleurs, beaucoup d'effets naturels « qui échappent à l'une, ressortissent à l'autre ; telle est, << comme nous l'avons dit, l'évidence même, qui n'est qu'un sentiment, et sur laquelle notre réflexion n'a point de prise; telle est encore notre existence. La « preuve n'en est point dans notre raison; car, pourquoi « est-ce que j'existe? où en est la raison? Mais je sens << que j'existe, et ce sentiment me suffit ». (Etudes de la nature, tome III, pag. 11, 12, 16 et 17; édit. de 1786.)

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Si Bernardin de Saint-Pierre avoit lu le philosophe

mez? Votre raison n'aperçoit aucun motif, même léger, de douter de cette proposition? Parlez, j'attends une dernière réponse.

« Je suis assuré que je suis une chose qui << pense; mais sais - je donc aussi ce qui <«<est requis pour me rendre certain de << quelque chose? Certes, dans cette pre«< mière connoissance, il n'y a rien qui m'as«<sure de la vérité que la claire et distincte << perception de ce que je dis; laquelle de « vrai ne seroit pas suffisante pour m'assurer <«< que ce que je dis est vrai, s'il pouvoit ja<< mais arriver qu'une chose que je concevrois

Je

qu'il combat, il auroit vu que cet argument, Je sens, donc j'existe, est identiquement le même que celui-ci : pense, donc j'existe. « Par le mot de penser, dit Des<< cartes, j'entends tout ce qui se fait en nous de telle << sorte que nous l'apercevons immédiatement par nous

mêmes; c'est pourquoi, non seulement entendre, vou« loir, imaginer, mais sentir, est la même chose ici «< que penser ». (Les Principes de la philosophie, Ire part., n. 9, pag. 6.)

Au fond, la pensée, le sentiment, l'imagination, la volonté, en tant que nous les apercevons immédiatement, étant notre être même, l'argument de Descartes et celui que Bernardin de Saint-Pierre propose d'y substituer, se réduisent à ce raisonnement: Je suis, donc je suis.

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