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CHAPITRE IV.

Malebranche.

Descartes, en renversant la philosophie depuis long-temps enseignée dans l'école, imprima un grand mouvement aux esprits. Ils cherchèrent à s'ouvrir de nouvelles routes, et il est à remarquer que pas un seul homme véritablement supérieur n'adopta pleinement les idées que l'auteur des Méditations essaya de substituer à celles d'Aristote. Ils sentoient que son système laissoit dans la raison un vide immense, et ils tentèrent vainement de le combler, parce que, partant toujours du même principe que Descartes, et ne considérant, comme lui, que l'homme isolé, ils ne purent, malgré leurs efforts, trouver un solide fondement de certitude.

Le plus illustre de ses disciples, Malebranche, aperçut une vérité très féconde et très importante, c'est que l'intelligence humaine

n'est et ne peut être qu'une participation de l'intelligence divine; que Dicu seul est sa vraie lumière, et que, dès lors, séparée de Dieu, elle s'évanouit dans des ténèbres éternelles.

S'il avait réfléchi sur le moyen par lequel Dieu éclaire notre esprit et se communique à nous, par lequel nous transmettons nous-mêmes la lumière que nous recevons de lui, au lieu de faire un système, il seroit rentré dans la véritable philosophie, qui n'est que la religion; car elle nous apprend que la parole, le Verbe est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde1. Ce seul mot de l'Écriture, pris à la lettre, explique tout; mais il ne sauroit s'appliquer ainsi, qu'à l'homme que Dieu a fait, l'homme naturel, l'homme en société et Malebranche ne considéroit, à l'exemple de Descartes, qu'un homme de son invention un homme contre nature, c'est-à-dire, entièrement isolé; ce qui l'empêcha de comprendre toute l'étendue et la profondeur des paroles de saint Jean que nous venons de citer. Il ne

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vit que la moitié de ce qu'il falloit voir; il reconnut que l'homme n'est rien que par ses rapports avec Dieu; mais il ne fit pas attention que l'homme a aussi des rapports nécessaires avec ses semblables, que c'est d'eux seuls qu'il reçoit le langage, la parole qui lui révèle Dieu, et sans laquelle il ne le connoîtroit jamais. Il prétendit que la pensée ou la connoissance de la vérité résultoit de l'union immédiate de chaque raison particulière avec la raison divine, et dès lors il ne put donner, non plus que Descartes, de base ferme à la certitude. Ses propres aveux vont nous en convaincre.

« Il y a des personnes, dit-il, qui ne font << point de difficulté d'assurer que, l'ame étant <«< faite pour 'penser, elle a dans elle-même, « je veux dire, en considérant ses propres per«<fections, tout ce qu'il faut pour aperce<< voir les objets...... Mais il me semble que << c'est être bien hardi que de vouloir soute<< tenir cette pensée. C'est, si je ne me trompe, << la vanité naturelle, l'amour de l'indépen« dance, et le desir de ressembler à celui qui << comprend en soi tous les êtres, qui nous « brouille l'esprit, et qui nous porte à nous

<«< imaginer que nous possédons ce que nous << n'avons point. Ne dites pas que vous soyez « à vous même votre lumière, dit saint Au<«< gustin, car il n'y a que Dieu qui soit à lui<< même sa lumière, et qui puisse, en se con<< sidérant, voir tout ce qu'il a produit et qu'il « veut produire.

<«< Il est indubitable qu'il n'y avoit que Dieu <«< seul avant que le monde fût crée, et qu'il « n'a pu le produire sans connoissance et sans <«< idée; que par conséquent ces idées que <«<< Dieu a eues ne sont point différentes de lui<«<< même; et qu'ainsi toutes les créatures, << même les plus matérielles et les plus terres<< tres, sont en Dieu, quoique d'une manière <<< toute spirituelle et que nous ne pouvons «< comprendre. Dieu voit donc au dedans de << lui-même tous les êtres, en considérant ses << propres perfections qui les lui représentent 2. << Il connoît encore parfaitement leur exis

› Dic quia tu tibi lumen non es. Serm. 8, de Verbis Domini.

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2

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de

L'essence de Dieu renfermant tout ce qu'il y perfection, et beaucoup plus qu'il n'y en a dans l'es

<< sence de quelque autre chose que ce soit, Dieu peut

<< tence, parce que, dépendant tous de sa <<< volonté pour exister, et ne pouvant igno<«<rer ses propres volontés, il s'ensuit qu'il << ne peut ignorer leur existence; et par con<«<séquent Dieu voit en lui-même, non seule<<< ment l'essence des choses, mais aussi leur <<< existence.

«Mais il n'en est pas de même des esprits « créés; ils ne peuvent voir en eux-mêmes, ni « l'essence des choses, ni leur existence. Ils << n'en peuvent voir l'essence dans eux-mêmes, <<< puisque, étant très limités ils ne contiennent << pas tous les êtres, comme Dieu, que l'on

<< tout connoître en lui-même par la connoissance qui lui « est propre. Car la nature de chaque chose consiste en <ce qu'elle participe, à un certain degré et d'une certaine « manière, à la nature de Dieu. Cum essentia Dei habeat «< in se quidquid perfectionis habet essentia cujusque rei « alterius, et adhuc amplius, Deus in se ipso potest « omnia propria cognitione cognoscere. Propria enim « natura cujusque consistit, secundum quod per aliquem « modum naturam Dei participat. » S. Thom., I, p. q. 14, art. 6. Si tout, selon saint Thomas, a son origine, son principe, sa raison, en Dieu, comment trouveroit-on ailleurs la certitude rationnelle, qui n'est que la raison des choses?

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