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« peut appeler l'être universel ou simple<< ment celui qui est, comme il se nomme lui«< même. Puis donc que l'esprit humain peut «< connoître tous les êtres, et des êtres infi« nis, et qu'il ne les contient pas, c'est une << preuve certaine qu'il ne voit pas leur es«sence dans lui-même; car...... il est absolu<<ment impossible qu'il voie dans lui-même «< ce qui n'y est pas.....

<« Il ne voit pas aussi leur existence par <«< lui-même, parce qu'elles (ces choses) ne dé<< pendent point de sa volonté pour exister, et <«<< que les idées de ces choses peuvent être << présentes à l'esprit, quoiqu'elles n'existent << pas....... Il est donc indubitable que ce n'est << pas en soi-même ni par soi-même que l'esprit << voit l'existence des choses, mais qu'il dé<< pend en cela de quelque autre chose. »

Ainsi, premièrement, selon Malebranche, la raison humaine n'est qu'une participation de la raison divine: donc, s'il n'y avoit point de raison divine, ou si Dieu n'existoit pas, il n'y auroit point de raison humaine, et la

1 Recherche de la vérité, tome II, liv. ш, part. II, chap. v, pag. 90-94. Paris, 1721.

certitude de nos idées dépend de la certitude de l'existence de Dieu.

Secondement, l'esprit humain, ni aucun esprit créé, ne peut voir en lui-même ni l'essence des choses ni leur existence donc, l'homme qui s'isole de ses semblables et de Dieu, l'homine qui cherche la vérité en luimême, détruit son intelligence, et ne peut arriver à rien de certain.

Troisièmement, puisqu'il est indubitable que ce n'est pas en soi-même ni par soi-même que l'esprit voit l'existence des choses, quiconque se renferme en soi, et veut parvenir à la vérité par soi-même, ne peut donc s'assurer de l'existence d'aucune chose, ni de sa propre existence; et puisque nous dépendons en en cela de quelque autre chose, il faut donc que nous connoissions avec certitude l'être ou la chose dont nous dépendons, pour être certains de la vérité de nos pensées et de nos jugemens; et jusque-là nous ne saurions rien affirmer, pas même que nous existons.

Malebranche, aussi bien que Descartes, avoue donc qu'il lui est impossible de sortir du doute, avant d'être assuré que Dieu est; et, comme Descartes encore, il ne peut s'assu

rer que Dieu est qu'en posant comme certains des principes dont il n'a d'autre preuve que l'assentiment de son esprit, dont les perceptions et l'existence même sont incertaines, si Dieu n'est pas.

Ce n'est pas certes un spectacle peu instructif que celui d'un philosophe doué du plus rare génie, qui entreprend d'enseigner aux hommes à rechercher la vérité par la raison seule, et qui, après de longs efforts et des raisonnemens sans nombre, épuisé de travail et d'espérance, dit enfin : « J'avoue qu'il m'est <«< impossible de voir en moi-même ni par « moi-même l'essence d'aucune chose ni son « existence; j'avoue que j'ignore ce que je suis <«<et si je suis, et que je ne puis le savoir que <«<lorsque je saurai avec certitude que Dieu <«<< existe, et qu'il ne peut ni ne veut me trom«< per ; j'avoue que, pour connoître avec cette «< certitude l'existence de Dieu, je dois au<«< paravant être certain de plusieurs choses << qui me sont nécessaires. pour la prouver, << et que je reconnois être douteuses, si Dieu <«< n'existe pas. Voilà ma philosophie, voilà où << m'a conduit la raison, et où elle me laisse ».

Malebranche, en effet, ne pouvait, comme

philosophe, aller plus loin, et il ne sortoit de cet abîme que par la foi. Il ne croyoit pas qu'on pût, sans la révélation, être certain de l'existence 'des corps; et dès qu'il s'agit de la religion, c'est-à-dire, des vérités nécessaires aux hommes, il change aussitôt de langage, et s'élève avec force contre les insensés qui veulent les soumettre à la raison de l'homme ou même les appuyer sur elle. Il ne sera pas inutile peut-être de rappeler ces réflexions à ce sujet.

Après avoir parlé de diverses erreurs où tombent quelques personnes en des matières peu importantes, «Si les hommes, continue« t-il, ne s'arrêtoient qu'à de pareilles ques<«<tions, on n'auroit pas sujet de s'en mettre << beaucoup en peine; parce que, s'il y en a <<< quelques-uns qui se préoccupent de quel«<ques erreurs, ce sont des erreurs de peu de « conséquence. Pour les autres, ils n'ont pas << tout-à-fait perdu leur temps, en pensant à <<< des choses qu'ils n'ont pu comprendre; car <«< ils se sont an moins convaincus de la foi<<< blesse de leur esprit. Il est bon, dit un au<<< teur fort judicieux*, de fatiguer l'esprit à ces

* L'Art de penser.

« sortes de subtilités, afin de dompter sa pré<< somption, et lui ôter la hardiesse d'opposer « jamais ses foibles lumières aux vérités que « l'Église lui propose, sous prétexte qu'il ne les << peut pas comprendre. Car, puisque toute la « vigueur de l'esprit des hommes est contrainte « de succomber au plus petit atome de la ma« tière...., n'est-ce pas pécher visiblement contre « la raison que de refuser de croire les effets << merveilleux de la toute-puissance de Dieu, « qui est d'elle-même incompréhensible, par « cette raison que notre esprit ne les peut com<< prendre?

« L'effet donc le plus dangereux que pro« duit l'ignorance, ou plutôt l'inadvertance où <«<< l'on est de la limitation et de la foiblesse de « l'esprit de l'homme, et par conséquent de «son incapacité pour comprendre tout ce <«< qui tient quelque chose de l'infini, c'est « l'hérésie. Il se trouve, ce me semble, en ce << temps-ci plus qu'en aucun autre, un fort

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« Il y a infinité partout, par conséquent incompréhensibilité partout ». Nicole, Discours de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'ame. Essais, tom. II, pag. 42.

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