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avec une certaine incapacité de comprendre, les esprits obtus et bornés, annoncent, ainsi que les hommes d'erreur, une extrême confiance dans la raison, et surtout dans la leur; et en général la promptitude et l'assurance avec laquelle on affirme, lorsqu'il ne s'agit pas de choses de foi, est ordinairement proportionnée au défaut de lumières. Nul n'est jamais si pressé de dire Je vois, que celui qui ne voit pas, ou qui ne voit rien nettement. Il en a été toujours ainsi, et il n'y a pas d'apparence que les hommes soient plus sages dans la suite. C'est pourquoi, si l'on gémit de cette aveugle présomption, on ne doit pas du moins s'en étonner; car elle est tout ensemble, et un effet de notre imperfection naturelle, et une des misères attachées à l'état 'd'un être déchu par l'orgueil.

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CHAPITRE V.

Leibnitz.

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Lorsque Malebranche exposoit en France ses idées si brillantes et souvent si profondes et si vraies sur la métaphysique, philosophe non moins illustre étonnoit l'Allemagne par l'étendue de sa science et par les prodiges de sa pensée. Il y eut en ce temps-là, dans toute l'Europe comme un effort unanime des esprits pour reculer les limites des connoissances humaines; et rien, dans les siècles qui avoient précédé ou qui ont suivi, n'est comparable à cette espèce de ligue qui se forma, sous Louis XIV, entre les hommes du plus haut génie et de la plus pure vertu, pour conquérir la vérité. Si le succès ne répondit pas toujours à leurs espérances, il n'en faut accuser que la foiblesse naturelle de la raison; et de cela même nous

pouvons tirer une leçon plus utile que ne l'auroient été les découvertes que Dieu refusa d'accorder à leurs desirs.

Chose remarquable, ce qu'il y a de bon, de vrai, dans leur philosophie, est toujours ou un dogme de la religion ou une conséquence de quelqu'un de ses dogmes*. Dès qu'ils sortent de sa doctrine, ils s'égarent; et même la cause de toutes leurs erreurs, le vice fondamental de leurs systèmes, vient de ce qu'ils se sont fait, pour arriver à la vérité et pour y conduire les hommes, une méthode entièrement différente de la méthode chrétienne, et dès lors opposée à la nature.

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« L'ordre naturel, dit saint Augustin, <«<exige que, lorsque nous apprenons quel« que chose, l'autorité précède la raison. >>

*Toute proposition de métaphysique qui ne sort pas comme d'elle-même d'un dogme chrétien n'est et ne peut être qu'une coupable extravagance. Les Soirées de Saint-Pétersbourg, par M. le Comte de Maistre, tom. II, pag. 253.

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Naturæ ordo sic se habet, ut quum aliquid discimus, rationem præcedat auctoritas. De morib. Eccl. cathol., cap. 2.

La philosophie, au contraire, veut commencer par la raison, et voilà pourquoi elle ne nous apprend rien qu'à disputer et à douter.

On a vu dans quels abîmes Descartes et Malebranche sont tombés en suivant cette route; on les a vus forcés d'avouer qu'ils ne pouvoient par leurs principes s'assurer de rien, pas même de leur existence. On doit moins s'étonner après cela que Gassendi et beaucoup d'autres philosophes très distingués aient combattu, dès son origine, le système de Descartes. Leibnitz n'en avoit pas une opinion plus favorable, puisque, selon lui, le spinosisme n'est qu'un carlésianisme outré 1; ce qui assurément ne veut pas dire que les cartésiens aient le moindre penchant pour la doctrine de Spinosa; mais seulement que leurs principes ont des conséquences dangereuses, el qu'on pourroit en abuser, contre leur intention, pour établir les erreurs détestables du Juif hollandois.

I

Remarques critiques sur le système de feu M. Bayle touchant l'accord de la bonté et de la sagesse de Dicu avec la liberté de l'homme et l'origine du mal. Tom. II, pag. 168, Londres, 1720.

<< point que les hommes soient libres; car, d'un « côté, ne pouvant concevoir que la Provi<< dence de Dieu puisse subsister avec la liberté « de l'homme, et, de l'autre, le respect qu'il <«< aura pour la religion l'empêchant de nier la << Providence, il se croira contraint d'ôter la «< liberté aux hommes; ne faisant pas assez de « réflexion sur la foiblesse de son esprit, il <<< s'imaginera pouvoir pénétrer les moyens que << Dieu a pour accorder ses décrets avec notre « liberté.

<< Mais les hérétiques ne sont pas les seuls « qui manquent d'attention pour considérer la <«< foiblesse de leur esprit, et qui lui donnent << trop de liberté pour juger les choses qui ne << lui sont pas soumises. Presque tous les hommes << ont ce défaut, et principalement quelques << théologiens des derniers siècles. Car on pour<< roit peut-être dire que quelques-uns d'entre <«< eux emploient si souvent des raisonnemens << humains pour prouver ou pour expliquer des << mystères qui sont au-dessus de la raison, quoi<«< qu'ils le fassent avec une bonne intention, « et pour défendre la religion contre les héré<< tiques, qu'ils donnent souvent occasion à ces « mêmes hérétiques de demeurer obstinément

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