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pouvons tirer une leçon plus utile que ne l'auroient été les découvertes que Dieu refusa d'accorder à leurs desirs.

Chose remarquable, ce qu'il y a de bon, de vrai, dans leur philosophie, est toujours ou un dogme de la religion ou une conséquence de quelqu'un de ses dogmes*. Dès qu'ils sortent de sa doctrine, ils s'égarent; et même la cause de toutes leurs erreurs, le vice fondamental de leurs systèmes, vient de ce qu'ils se sont fait, pour arriver à la vérité et pour y conduire les hommes, une méthode entièrement différente de la méthode chrétienne, et dès lors opposée à la nature.

<< L'ordre naturel, dit saint Augustin, « exige que, lorsque nous apprenons quel« que chose, l'autorité précède la raison. >>

* Toute proposition de métaphysique qui ne sort pas comme d'elle-même d'un dogme chrétien n'est et ne peut être qu'une coupable extravagance. Les Soirées de Saint-Pétersbourg, par M. le Comte de Maistre, tom. II, pag. 253.

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Naturæ ordo sic se habet, ut quum aliquid discimus, rationem præcedat auctoritas. De morib. Eccl. cathol., cap. 2.

La philosophie, au contraire, veut commencer par la raison, et voilà pourquoi elle ne nous apprend rien qu'à disputer et à douter.

On a vu dans quels abîmes Descartes et Malebranche sont tombés en suivant celte route; on les a vus forcés d'avouer qu'ils ne pouvoient par leurs principes s'assurer de rien, pas même de leur existence. On doit moins s'étonner après cela que Gassendi et beaucoup d'autres philosophes très distingués aient combattu, dès son origine, le système de Descartes. Leibnitz n'en avoit pas une opinion plus favorable, puisque, selon lui, le spinosisme n'est qu'un carlesianisme outré 1; ce qui assurément ne veut pas dire que les cartésiens aient le moindre penchant pour la doctrine de Spinosa; mais seulement que leurs principes ont des conséquences dangereuses, el qu'on pourroit en abuser, contre leur intention, pour établir les erreurs détestables du Juif hollandois.

1 Remarques critiques sur le système de feu M. Bayle touchant l'accord de la bonté et de la sagesse de Dicu avec la liberté de l'homme et l'origine du mal. Tom. II, pag. 168, Londres, 1720.

Leibnitz, au reste, ne se contente pas de rejeter le cartésianisme à cause du danger de ses conséquences, il en attaque la base même; car voici comme il parle, dans ses Remarques sur le livre de l'Origine du mal: «< Pour « passer jusqu'à la cause première, l'auteur <«< cherche un criterium, une marque de la « vérité; et il la fait consister dans cette <«< force par laquelle nos propositions inter«nes, lorsqu'elles sont évidentes, obligent <<< l'entendement à lui donner son consente<< ment; c'est par là, dit-il, que nous ajou<<< tous foi aux sens. Et il fait voir que la « marque des cartésiens, savoir, une percep« tion claire et distincte, a besoin d'une nou« velle marque pour faire discerner ce qui est «< clair et distinct; et que la convenance ou << disconvenance des idées (ou plutôt des << termes, comme on parloit autrefois) peut << encore être trompeuse, parce qu'il y a des <<< convenances réelles et apparentes. Il pa<< roît reconnoître même que la force interne <«< qui nous oblige à donner notre assenti<«<ment est encore sujette à caution, et peut <«< venir de préjugés enracinés. C'est pour« quoi il avoue que celui qui fourniroit un

<< autre criterium auroit trouvé quelque chose « de fort utile au genre humain ».

Ainsi, selon Leibnitz, la philosophie de Descartes pose sur un fondement ruineux, puisque le criterium, la marque de la vérité qu'elle nous offre est insuffisante, et auroit elle-même besoin d'une nouvelle marque. Nous verrons, dans un autre chapitre, quelle est celle qu'il y substituc. Mais auparavant il faut se rappeler qu'il s'agit de savoir comment l'homme qui, après avoir rejeté de son esprit toute croyance, même celle de Dieu, cherche en lui-même la vérité par sa raison, peut parvenir à s'assurer indubitablement de quelque chose. Voilà le grand problème que tous les philosophes ont essayé de résoudre, et qu'ils ont tous fini par déclarer insoluble, plus ou moins explicitement; c'est-à-dire qu'aucun d'eux n'a pu trouver dans l'homme, tel que la philosophie le considère, la base de la certitude, ni par conséquent éviter le scepticisme, éternel écueil de la raison abandonnée à elle-même.

I

Leibnitz, Oper. théolog., tom. I, pag. 438, édit. de

Dutens.

Nous avons rapporté l'aveu de Descartes, qui, cherchant à se prouver son existence, reconnoît la nécessité d'examiner auparavant s'il y a un Dieu, et s'il peut être trompeur; car, sans la connoissance de ces deux vérités je ne vois pas, dit-il, que je puisse jamais étre certain d'aucune chose. Leibnitz ne s'exprime pas, à cet égard, avec moins de force ni moins de clarté. Voici ses paroles : « C'est « dans l'entendement de Dieu, et indépen<< damment de sa volonté, que subsiste la « réalité des vérités éternelles; car toute réa«lité doit se fonder sur quelque chose de « réellement existant. Il est vrai qu'un homme « qui ne croit pas en Dieu peut être géomè<< tre; mais si Dieu n'existoit point, la géomé<«< trie n'auroit aucun objet; car sans Dieu " « non seulement rien n'existeroit, mais rien << ne seroit possible. Il est vrai encore que <«< ceux qui ne voient point le rapport et la << liaison des choses entre elles et avec Dieu << peuvent apprendre certaines sciences, mais <«< ils ne sauroient en concevoir la première «< origine, qui est en Dieu 1».

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1 Oper. théolog., t. I, p. 265, édit. de Dutens.

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