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Toute réalité doit, suivant Leibnitz, se fonder sur quelque chose de réellement existant, sur Dieu, dans l'entendement duquel subsiste la réalité des vérités éternelles : donc, si Dieu n'étoit pas, aucune réalité ne subsisteroit, ou, en d'autres termes, il n'existeroit rien donc, pour être assuré d'une réalité quelconque, ou pouvoir raisonnablement affirmer que quelque chose est, il faut il faut auparavant être certain de l'existence de Dieu.

Sans Dieu, dit encore Leibnitz, non seulement rien n'existeroit, mais rien ne seroit possible donc, pour savoir avec certitude que quelque chose est possible, et à plus forte raison que quelque chose existe réellement, il est d'abord nécessaire d'être certain que Dieu est.

Réduisons cette doctrine à des termes plus simples encore: Sans Dieu, point de vérité, point d'existence; donc nulle preuve possible d'aucune vérité, d'aucune existence, avant de connoître avec certitude celle de Dieu.

Mais si la certitude de toute vérité dépend de la certitude de l'existence de Dieu, comment démontrerez-vous que Dieu est? De quelque principe que vous partiez, ce prin

cipe sera douteux, vous en convenez; d'un principe douteux l'on ne peut tirer que des conséquences douteuses; vous ne prouverez donc jamais Dieu, vous ne sortirez donc jamais du doute.

Voilà où l'on en est réduit, quand, au lieu d'appuyer la raison humaine sur la foi, on veut la fonder sur le raisonnement, ou ne lui donner d'autre base qu'elle-même. Est-il possible qu'on ne voie pas que la vérité n'est pour elle que le fait même de son existence, puisqu'elle n'existe que par la connoissance de la vérité ? Et, dès qu'elle n'est pas un être nécessaire, la cause de son existence, ou le fondement de la certitude des vérités qu'elle connoît, n'est pas en elle comme le dit très bien Malebranche, elle dépend en cela de quelque autre chose. Oubliant cette dépendance, tous les philosophes s'efforcent de remonter au-delà de ce premier fait dont nous parlions tout à l'heure. Ils veulent que la raison commence par elle-même, qu'elle se donne la vérité ou l'être, qu'elle agisse avant d'exister, qu'elle se crée, qu'elle soit et ne soit pas en même temps; contradiction monstrueuse qu'aucun d'eux n'a su éviter, et qu'on

n'évite en effet qu'en renonçant à la philosophie individuelle pour s'attacher au principe de saint Augustin déjà cité: L'ordre naturel exige que, lorsque nous apprenons quelque chose, l'autorité précède la raison *.

* Nous ne parlerons point du système de l'harmonie préétablie, par lequel Leibnitz essaie de rendre raison d'un mystère qui nous sera éternellement incompréhensible, quoiqu'il soit où plutôt parce qu'il est le fond même de notre nature'; je veux dire l'action réciproque du corps sur l'ame et de l'ame sur le corps. Nous nous bornerons à observer que, dans l'hypothèse de l'harmonie préétablie, la certitude de l'existence des objets extérieurs, la certitude de nos idées et de toutes nos connoissances sans exception, repose uniquement sur la véracité de Dieu, et que par conséquent l'homme n'est sûr de rien, jusqu'à ce qu'il soit certain que Dieu existe, et qu'il ne peut ni ne veut le tromper: il en est de même du système des causes occasionnelles de Malebranche.Hors du premier être, source de tous les êtres, il n'y a que des existences, sans raison d'exister ou sans certitude, des effets sans cause ou sans origine. A Jove principium.

CHAPITRE VI.

Bacon.

Ce n'est pas sans raison que l'Angleterre se glorifie d'avoir donné naissance à Bacon. Peu d'hommes ont rendu plus de services aux sciences physiques. Depuis long-temps elles s'égaroient dans de vaines subtilités et de ridicules abstractions, lorsqu'il entreprit de les rappeler à l'expérience, comme à la seule méthode efficace pour en procurer l'avancement. Ennemi des systèmes, il recommande de s'attacher aux faits, de se méfier des conjectures; et le progrès de cette partie des connoissances humaines à prouvé l'excellence de ses conseils. La haute et juste autorité qu'il s'est acquise, et son caractère religieux', nous portent à le

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ranger ici parmi les philosophes dogmatistes, quoiqu'il soit beaucoup moins affirmatif que Descartes, qu'il précède dans l'ordre des temps.

A propos d'un passage très frappant de Malebranche, nous avons dit que les hommes dont l'esprit étoit le plus fort et le plus pénétrant sont aussi ceux qui ont été le plus effrayés de la foiblesse de la raison humaine. Bacon nous en offre un nouvel exemple. S'il a, dit-il, réussi à s'ouvrir la voie qui conduit à la vérité, ce n'a été qu'en faisant subir à l'esprit humain une légitime humiliation'. Notre raison, livrée à elle-même, languit dans l'impuissance: il faut qu'elle soit aidée et régie; autrement ses efforts sont vains, et elle est entièrement incapable de pénétrer l'obscurité qui enveloppe les choses3.

I

Qua in re si quid profecerimus, non alia sane ratio nobis viam aperuit, quam vera et legitima spiritus humani humiliatio. Franc. Baconis de Verulamio, Novum organum scientiarum. Præfat. Lugd. Batav. 1645.

• Nec manus nuda, nec intellectus sibi permissus, multum valet; instrumentis et auxiliis res perficitur; quibus opus est, non minus ad intellectum, quam ad manum. Ibid. Distrib. operis, aphorism. II, p. 30.

3 Intellectus, nisi regatur et juvetur, res inæqualis

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