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qu'il ne sauroit y avoir de vrais sceptiques; qu'on cesse de demander pourquoi on attaque une philosophie dont le doute est l'essence, et dont l'unique danger est de conduire les esprits conséquens à l'athéisme.

On n'y fait pas assez attention; la raison de l'homme, séparée de la raison humaine et de la raison de Dieu par une philosophie contre nature, a tellement baissé, que les notions les plus communes du bon sens lui sont devenues presque étrangères. Aussi tout est-il en question, tout, et jusqu'aux élémens mêmes de la société. On ne s'entend sur rien; la parole n'éclaire plus; on diroit que nous touchons à une nouvelle confusion des langues. La faculté de comprendre s'est affoiblie en même proportion que la foi. Et qu'est-ce en effet que le doute, sinon la conscience que l'esprit a de sa foiblesse et de ses ténèbres, et comme le regard troublé d'une intelligence qui s'éteint? Tout ce qui reste en

core parmi nous de vérité et d'ordre, nous le devons à la religion chrétienne, à la foi qu'elle conserve, au principe d'autorité qu'elle maintient; et si le christianisme disparoissoit de l'Europe, avec lui disparoîtroit le dernier rayon de lumière, et la société et la raison s'évanouiroient dans la nuit.

DÉFENSE

DE

L'ESSAI SUR L'INDIFFERENCE

EN MATIÈRE

DE RELIGION.

CHAPITRE 1.

Réflexions préliminaires.

Lorsqu'en traitant un sujet d'une importance universelle on paroît s'écarter des idées communes, de la méthode reçue, un sentiment de défiance s'empare aussitôt des lecteurs. Cette disposition des esprits tient à la nature même; elle est la sauve-garde de la vérité. La société périroit, ou plutôt nulle société ne seroit possible, sans ce principe de stabilité qui défend les doctrines générales

contre les innovations des individus. En ce qui touche aux grands intérêts de l'ordre intellectuel et moral, la nouveauté est suspecte aux hommes ; ils ne croient pas au pouvoir de créer des vérités*, et cela même est peut-être de toutes les vérités la plus importante; car jamais

* Créer des vérités, ce seroit créer des êtres; car la vérité, dit Bossuet, c'est ce qui est; et les vérités nécessaires, les vérités qui sont le fondement de la société de Dieu et de l'homme, et des hommes entre eux, ont élé toujours connues; ce qui n'empêche pas qu'on ne puisse, à certaines époques, en mieux apercevoir le principe, la liaison, les conséquences; et c'est en cela que consiste le progrès de la raison humaine, qui se développe de la même manière que la raison de l'individu. Bossuet, que nous venons de citer, ne connoissoit pas plus de vérités que l'enfant à qui l'on a enseigné le cathéchisme ; mais il les connoissoit mieux. Dans les sciences mêmes, que fait-on? On constate ce qui est, on observe des faits, et ōn en cherche la liaison, soit avec d'autres faits, soit avec des principes universellement connus: voilà tout. Pour peu qu'on y réfléchisse, on reconnoîtra même que les sciences physiques n'ont point de principes proprement dits; elles se composent uniquement de faits. La raison en est que l'idée de principe renferme nécessairement celle de cause, et qu'il n'y a de véritable cause que dans l'ordre spirituel.

on ne s'égare que parce qu'on la méconnoît. L'homme ne crée rien; il reçoit, conserve, transmet; sa puissance ne va pas plus loin. Sitôt donc que quelqu'un se présente seul avec ses idées, une juste prévention s'établit d'abord contre lui; on le rappelle à l'antiquité, à l'universalité, comme à la règle immuable du vrai dans toutes les croyances nécessaires; et si sa doctrine, soumise à cette épreuve, ne la soutient pas, elle est avec raison condamnée sans

retour.

Il est assez singulier peut-être qu'ayant voulu prouver l'excellence et la nécessité de cette règle on nous l'ait opposée pour défendre une philosophie qui repose sur des principes essentiellement différens, de sorte qu'on a vu les partisans du jugement privé nous combattre par l'autorité dont nous essayons de soutenir les droits, et présupposer par conséquent la vérité de la doctrine même qu'ils attaquoient; tant cette doctrine est profondément enracinée dans notre

nature.

Quelque étrange que paroisse la contradiction que j'indique, il est facile de l'expliquer. Les adversaires de l'Essai, sans trop considérer à quel point cela s'accorde avec leur

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