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que ce sens commun dont la privation est si terrible et si humiliante? Que, deux partisans de la certitude individuelle raisonnant ensemble, l'un des deux avance une absurdité, l'autre à l'instant l'arrêtera, et s'il n'est pas poli, que lui dira-t-il ? Vous n'avez pas le sens commun. Cependant cet homme a son sens à lui, sa raison particulière, et il en est ainsi de l'athée, du matérialiste, et du fou même. Chacun d'eux ne peut il pas dire, , je crois à ma raison; et n'est-ce pas précisément parce qu'il croit à sa raison qu'il n'a pas le sens commun? Encore une fois, qu'est-ce donc que ce sens commun qui n'est pas la raison particulière de chaque homme, qui souvent y est opposé, et auquel il faut que toute raison individuelle se conforme, sous peine d'erreur ou de folie? Ne serait-ce point la raison générale, la raison humaine, cette raison dont nous avons essayé de soutenir les droits? Le sens commun apparemment ne diffère point de la raison; et puisqu'il n'est pas la raison de chaque homme, que souvent même il y est contraire, c'est donc la raison de tous les hommes, ou de la généralité des hommes, et voilà pourquoi on l'appelle com

mun. C'est lui qu'on attaque, en combattant la raison générale ou l'autorité. Qu'on y prenne donc garde; car, dans ce combat, la victoire seroit embarrassante.

CHAPITRE XIV.

Réponse aux objections qu'on a faites contre la doctrine exposée dans l'Essai sur l'Indifférence en matière de Religion.

Nous sommes arrivés à la partie la plus difficile de notre Défense, car nous avons promis de répondre aux objections, et pour y répondre il faut en trouver, ce qui n'est pas peu difficile. Cependant, après beaucoup de recherches et de conversations avec des personnes très estimables que nous savions ne pas partager notre sentiment, nous sommes parvenus à découvrir un petit nombre de points sur lesquels il paroît utile de donner des éclaircissemens. Nous exposerons les difficultés telles qu'on nous les a faites, et si nous en avions nous-mêmes apercu de plus fortes, nous les présenterions avec la même bonne foi; car c'est la vérité que

nous aimons, que nous voulons défendre, et la vérité ne dissimule jamais.

I. On a dit : « Si, comme vous le soutenez, << l'homme individuel n'a pas en lui-même « le principe de certitude, comment connoî<«<tra-t-il certainement l'autorité ? Comment << vous-même la prouverez-vous >> ? En d'autres térmes : « L'homme ne peut connoître l'auto<«<rité que par les moyens de connoître qu'il <<< a en lui-même; or, selon vous, ces moyens << sont incertains; donc l'homme ne connoîtra << jamais certainement l'autorité; donc votre « moyen de certitude n'est pas meilleur que <«<< les autres, etc., etc. ».

Cette objection seroit très bonne, si nous avions prétendu établir l'autorité par le raisonnement; mais nous avons, au contraire, déclaré que nous ne le ferions pas; que cela nous seroit impossible. Voici nos paroles : « Les <«<< objections contre la certitude que chaque << homme, considéré individuellement et sans << relation avec ses semblables, prétendroit <<<< trouver en soi, peuvent, je le sais, se « rétorquer contre la certitude qui résulte du <<< consentement commun. Aussi ne cherché« je point à l'établir par la raison. Mainte

<< nant cela seroit impossible *»; on verra plus « tard pourquoi. Je ne développe pas un sys« tème, je constate des faits ».

Quand donc on nous demande comment nous prouvons l'autorité, notre réponse est bien simple Nous ne la prouvons pas. Mais si vous ne la prouvez pas, comment donc l'établissez-vous? Sur quel fondement y croyezvous? Nous l'établissons comme fait; et nous croyons à ce fait, comme tous les hommes y croient, comme vous y croyez vous-même parce qu'il nous est impossible de n'y pas croire. Nous croyons tous invinciblement que nous existons, que nous sentons, que nous pensons, qu'il existe d'autres hommes doués comme nous de la faculté de sentir et de penser, que nous communiquons avec eux par la parole, que nous les entendons, qu'ils nous entendent, et qu'ainsi nous comparons nos sensations à leurs sensations, nos sentimens à leurs sentimens, nos pensées à leurs pensées. Nul homme n'a le pouvoir de douter

* Parce qu'alors nous n'avions pas encore trouvé Dicu, et que sans Dieu il n'y a de certitude d'aucune espèce. Essai, tom. II, pag. 29.

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